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Chronique de Bernadette n°1 : de Lamin Lodge à Palmeira

Petit préambule de Christine

Bernadette, la sœur de Dominique, nous a donc rejoint à Banjul le 22 Décembre. Elle ne connaissait pas l’Afrique et elle débarquait en Gambie alors que l’épidémie de Covid flambait en France. Après quelques jours d’adaptation, entre la sérénité joyeuse des gambiens et la vie sur Shazzan, elle a lâché prise pour vivre pleinement les 2 mois qui l’attendaient avec, cerise sur le gâteau ou plutôt petite brise sur mer plate, une transatlantique ! Je crois que je ne l’ai jamais vue aussi détendue, avec un sourire permanent sur le visage, que pendant ces 2 mois !

Pendant tout son séjour, Bernadette a partagé sur les réseaux sociaux ses rencontres, expériences et impression et elle nous a donné son accord pour les partager avec vous...


27/12/2021 : Le remorquage de Suwraya ?

Je vous écris du port de Banjul. Hier a été une journée riche en émotions fortes. Sur le canal 25 de la VHF, nous avons écouté les échanges entre les autorités portuaires et un bateau français en difficulté : plus de moteur et presque plus de batterie. Le port leur a indiqué qu'il ne pouvait leur envoyer personne. A bord 5 personnes, 4 femmes et un enfant. Une seule navigatrice expérimentée, la capitaine Julieta. Alors nous nous sommes proposés pour aller les chercher. Nous sommes partis à 11h30 de Banjul, les avons rejoints vers 15h30, mis en place le dispositif de remorquage : de gros cordages attachés en deux points sur Shazzan et reliés à la chaîne d'ancre de l'autre bateau.

Nous sommes repartis à très petite vitesse 1 à 2 nœuds (3 - 4 km/h) et sommes arrivés vers minuit à Banjul. Quelques frayeurs en passant des hauts fonds. A certains endroits la profondeur était de 1,9 mètre. On est tous arrivés sains et saufs, sans casse pour personne. C'était le premier remorquage pour Dominique et Christine. Il a été très bien préparé, réfléchi et bien exécuté. Pas mal de stress quand même mais tous très heureux quand on a pu enfin se poser dans le port. Pendant le remorquage, le soleil se couchait derrière nous, je vous envoie une photo prise à travers les jumelles. Très loin du Corona je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d'année. Bernadette (heureuse)



Note de Christine : L’équipage de Surwaya était en difficulté mais pas en danger, la capitaine Julieta avait ancré le bateau un peu loin de la côte et l’équipage disposait d’eau douce et de vivres pour plusieurs jours. La difficulté venait du fait qu’aucun mécanicien ne pouvait venir réparer leur moteur et que le port ne disposait pas des équipements qui auraient permis de les remorquer (nous ignorons si les équipements étaient inexistants ou juste indisponibles)


31/12/2022 : Le réveillon à Lamin Lodge


Un passage à la nouvelle année qui sort de l'ordinaire.


C'est le réveillon le plus incroyable que j'ai vécu. Tranquille, l'après-midi c'était sympa, les plaisanciers préparaient les ingrédients du benachin sur les indications de Shana, le cuisto. Un sac entier d'oignons, des carottes, tomates, poivrons, diakhatou (très bon), ail, piment, poulet, la chair d'un mollusque cuit sous la cendre, des petits oignons verts, des épices.... Dans une énorme marmite (pour une centaine de personnes) posée sur quatre branches disposées en croix et repoussées vers le centre au fur et à mesure qu'elles se consument, le poulet est mis à frire dans l'huile, etc... Une fois les ingrédients cuits, le riz gras frit est préparé. Le tout est très très bon.

On mange par groupe dans le même grand plat, chacun sa cuillère, sauf les locaux qui mangent avec leur main droite en faisant des boulettes compactes avec beaucoup de dextérité. Fatou, la coiffeuse de Christine (qui lui a fait des tresses pendant plus de quatre heures) décortiquait le poulet pour le répartir entre nous. Autour de notre plat, nous étions neuf. L’organisation de ce réveillon permet à la communauté rasta de Lamin lodge de financer le lieu.


Plus tôt dans la matinée j'ai pu prendre la première douche depuis mon arrivée. C'était surprenant. C'est Shana qui m'a accompagnée avec la clé du cadenas, vers une petite construction en dur un peu à l'écart. Quand la porte s'est ouverte, je suis entrée dans une salle très jolie, moderne d'apparence, faite pour les Européens. Très propre, carrelée, deux toilettes et une douche. L'eau vient d'une citerne installée en hauteur à quelques dizaines de mètres. Elle n'est pas chauffée mais la citerne est noire et prend la chaleur du soleil (éviter le matin trop tôt, car les nuits peuvent être fraîches). Cette installation et le forage pour avoir l'eau ont été financés grâce aux navigateurs dont le capitaine du bateau IVALU qui conseille la communauté pour l'accueil des bateaux. Il n'y a pas encore d'électricité. La soirée d'hier s'est faite avec un groupe électrogène.


Aujourd'hui, premier jour de l'année, va être plus calme. Nous irons chez Fatou et sa maman Awa (qui a cousu la robe africaine de Christine dans la journée) avec un gâteau.

Je n'ai pas parlé de Gee et de Lamy. Ce sont deux jeunes qui sont un peu nos anges gardiens. Ils nous conseillent sur les démarches, les prix, les magasins, nous approvisionnent, trouvent les réponses à nos questions, se chargent aussi du linge ou de l'évacuation de nos poubelles, ce sont un peu des passeurs entre nos deux mondes. Ils vont de bateau en bateau sur leur paddle ou leur barque, nous emmènent en voiture si besoin, souriants, altruistes, attentifs.


C'est un endroit et des gens que je quitterai avec tristesse. Fraternité c'est le mot qui me vient lorsque je pense à ce que l'on vit ici ensemble. L'organisation de la communauté rasta est très démocratique. La solidarité n'est pas ici un vain mot, elle joue à plein, sans chichis et quelle que soit l'origine, habitants, navigateurs... L'arrivée de Shazzan avec les prothèses de Nav'solidaire a sans doute permis une relation plus étroite avec cette communauté. Il y aurait encore tant à dire et bientôt nous partirons vers le Cap Vert.

Bonne Nouvelle année.


03/01/2022 : Le repas chez Awa


Hier soir nous étions dans la famille de Fatou et sa maman Awa.



Elles tiennent une boutique à Lamin Lodge dans laquelle nous avons acheté des vêtements et quelques bijoux. Awa a même cousu la robe de Christine pour la fête du 31. Elles louent une maison de trois pièces dans laquelle Awa vit avec ses quatre filles et quatre enfants qui ont perdu leur mère. Awa est une femme forte comme beaucoup de femmes ici. Le contact a été chaleureux, simple et facile dès les premiers instants.


Elles nous ont fait visiter le jardin qu'Awa a défriché en arrivant ici. On a goûté des agrumes et arraché du manioc pour le repas du soir. Il y a aussi des bananiers, manguiers, papayers.



Nous nous sommes installés dans la cour où nous avons épluché manioc, ail, oignons, cebette ; Fatou a préparé le barracuda et des haricots ont été mis à cuire. Puis nous avons mangé ensemble et passé une soirée formidable à parler... de politique, de la famille, des modes de vie, des projets des uns et des autres, de la santé... La soirée est passée très vite et nous avons tous eu du mal à nous quitter.


Nous sommes revenus avec trois papayes, des citrons, des oranges et du beurre de karité. Christine avait préparé le gâteau de sa grand-mère, nous avions aussi amené un cahier, des bonbons pour les enfants. Fatou est revenue avec nous et a dormi sur le bateau. La marée était très haute et le ponton était sous l'eau.


08/01/2022 : expédition courses

Mini market et chez une amie de Gee qui vend des fruits et des légumes locaux, dont des bouteilles de cacahuètes très légèrement salées.


Nous avons également fait provision de fleurs d'hibiscus pour faire du bissap qui est devenu ma boisson préférée. Les vertus du bissap sont nombreuses, il semble avoir bien contribué à faire tomber la fièvre de Christine (*). La recette est simple : jeter les fleurs dans l'eau bouillante, faire bouillir quelques minutes, éteindre le feu, attendre le complet refroidissement, filtrer et ajouter le sucre. C'est délicieux. Je pense faire un essai aujourd'hui.



Il y a deux jours Lamy souhaitait que le logo de Shazzan soit peint sur le gros baobab au milieu de Lamin Lodge. On l'appelle "l'arbre Internet". Sur son tronc, des centaines d'annonces sont peintes avec des images, des textes, des numéros de téléphone.

En partant hier, l'emplacement pour Shazzan était réservé. Lorsque nous sommes rentrés le logo et le nom de Shazzan étaient présents. C'est Lamy qui l'a peint. C'est vraiment chouette ! Je n'ose pas dire que nous partirons aujourd'hui ou demain, je vous le dirai une fois que nous serons vraiment partis.



* Note de Christine : J’ai eu une mega rage de dent... J’ai consulté un premier dentiste local qui m’a examinée à la lumière de son téléphone. Il a diagnostiqué une infection et voulait arracher la dent. J’ai décliné la proposition et contacté mon assurance santé à l’étranger (Chapka) qui m’a adressée à une dentiste cubaine exerçant dans une clinique dentaire suédoise en Gambie. Elle m’a mise sous antibiotiques et a demandé à me revoir avant mon départ...Lors de cette deuxième visite, elle a clairement indiqué qu’il faudrait a minima reprendre le traitement de la racine et peut-être même arracher la dent. Après discussion, nous avons décidé d’embarquer plusieurs traitements antibio et d’attendre d’être en Martinique pour faire les soins... affaire à suivre...


08/01/2022 : remplir les cuves

Shazzan peut emmagasiner 1 000 litres d'eau dans plusieurs cuves : 2 en plastique et 3 en aluminium. Dans la cuisine, trois robinets : un pour l'eau de mer (1) actionné avec une pompe mécanique à pied (2), un pour l'eau douce (3) des cuves et un troisième (4) qui filtre l'eau des cuves pour la rendre buvable.


Un système de distribution permet de passer d'une cuve à l'autre au fur et à mesure qu'elles se vident. Habituellement on remplit les cuves depuis un robinet installée sur le ponton. Des filtres éliminent le chlore qui attaque l'aluminium. Le plein est fait en quinze/vingt minutes grâce à la pression du réseau d'eau.



En Gambie, pas de robinet sur le ponton. Lamy amène en barque des bidons jusqu'au bateau. Nous avons donc mis au point une installation pour quand même pouvoir filtrer l'eau et remplir les cuves. Elle est basée sur la gravité et sur la maîtrise de la technique du siphon, que notre père nous a appris quand nous étions petits.


Alors voilà les étapes du remplissage : D'abord surélever le premier bidon, puis, amorcer le premier siphon (sur lequel sont montés les deux filtres), une fois que le premier bidon est au tiers vide, positionner un second bidon et amorcer le second siphon entre les deux bidons (attention à la tasse lorsque l'eau déboule). Ça donne l'installation de la photo. Un bidon de 20 litres se vide en 40 minutes environ... On a le temps.



Nous faisons très attention à l'eau. Nous utilisons environ 12 à 15 litres par jour pour trois personnes (café, cuisine, vaisselle, toilette de chat). L'eau de mer sert pour les chasses d'eau (à pompe manuelle). La vaisselle est faite à l'eau de mer puis rincée sous un mince filet d'eau douce qui passe de verre en verre, d'assiette en assiette etc.

Fin de la petite séquence bricolage et astuces.


12/01/2022 : On part de Gambie

Ça y est, nous avons réussi à quitter la Gambie lundi 10 janvier. Direction le Cap Vert.

Nous sommes partis à deux bateaux. Kevin et Marie, propriétaires de Zig Zag et parents de deux petites filles, Zélie et Calypso, nous ont proposé de faire route ensemble.


Là commence vraiment mon apprentissage !

Les quarts sont organisés toutes les trois heures sur l'ensemble de la journée. Pour ce premier voyage Dominique et Christine alternent à 2, 5, 8, 11, 14, 17, 20 et 23h. De mon côté, je suis au même rythme, décalé d'une heure et demie. J'ai des alarmes pour me réveiller toutes les six heures à partir de 3h30. Comme ça je fais une heure et demie avec Christine et l'heure et demie suivante avec Dominique. C'est un peu compliqué les premiers jours quand il faut prendre le pli. Dormir sur commande toutes les trois heures puis se réveiller pour trois heures est fatiguant. Pour l'Atlantique chacun fera ses quarts seul ce qui fera des séquences de sommeil d'un peu moins de six heures d'affilée (compter le réveil, la transmission des infos et trouver le sommeil), le luxe ! Sachant que je réveillerai l'un des capitaines dès lors qu'une situation sensible se présentera pour laquelle j'aurai besoin d'eux.


Donc j'apprends, avec plaisir. Régler les voiles, border, choquer, prendre un ris, lofer, abattre... Tour d'horizon toutes les 15 minutes. Cuisiner, manger, faire la vaisselle... J'appréhende plus les quarts de nuit car on voit beaucoup moins bien. Mais quand la lune est là, la lumière est superbe sur la mer.


Les capitaines sont de bons pédagogues, je comprends et assimile ce que je fais, c'est très gratifiant. J'apprends un nouveau langage, de nouveaux mots que je trouve pleins de poésie. Depuis hier, ils me laissent suivre la route et régler le génois (la voile d'avant) seule. Ils me questionnent sur l'opportunité d'une manœuvre ou le choix d'une route ou encore la "chorégraphie" pour prendre un ris dans la grande voile. Tout est prétexte à apprendre. Par exemple, le fait d'être avec Zig Zag nous oblige souvent à ralentir notre vitesse, il faut choisir comment (modifier le cap, réduire une voile, remplacer le grand génois par la petite trinquette...). Je vois beaucoup de poissons volants pendant mes quarts.


Nous communiquons avec Zig Zag via le canal 72 de la VHF. Cet après-midi, séance devinettes et histoires drôles : nénuphars, crapaud à grande bouche, la paire de chaussettes de la même couleur, vrais et faux pouik-pouik, l'ampoule et les trois interrupteurs, ça-touche-ça-touche-pas-ça-touche-pas-ça-touche...

Le cahier de Zélie du bateau-copain Zig Zag

Vous ne vous en êtes pas rendu compte mais j'ai interrompu mon récit car, il y a un peu plus d'une heure, la canne à pêche s'est mise à dérouler... Une touche ! J'ai ramené à bord, en vingt minutes environ, mon premier poisson : une dorade coryphène. Petite paraît-il mais quand même 70 cm. Ce poisson est très beau, vert métallisé. Il perd vite ses couleurs une fois mort. Nous l'avons préparé, nous le mangerons mariné dans du jus de citron avec des baies et de l'huile d'olive...



14/01/2022 : J’ai fait un rêve étrange...

Nous l'avons mangé en ceviche. Il en reste un peu que nous cuirons aujourd'hui.

C'est marrant les rêves que l'on fait sur un bateau. Hier j'ai rêvé que je faisais un saut pour voir les collègues, ça me faisait plaisir mais j'étais préoccupée : je me demandais comment j'allais revenir sur Shazzan avant qu'il arrive au Cap Vert... Finalement c'était simple, il suffisait que je me réveille.


Ce matin j'ai rêvé que mon alarme sonnait l'heure de mon quart et que j'étais à la bourre. Je me suis réveillée fissa, me suis habillée encore plus vite et.... J’avais une demi-heure d'avance, mon alarme n'avait pas sonné.


Nous devrions arriver dans 24 heures sur l'île de Sal et nous jetterons l'ancre à Palmeira. Il nous faudra refaire le plein d'eau, de carburant et de frais (fruits, légumes). Si on peut, on ira se prendre un steak-frites à terre (avec de la moutarde et de la mayonnaise ?).


Pas de dauphin, pas de baleine depuis le départ de Gambie. Par contre beaucoup de poissons volants. Ils peuvent rester en l'air plusieurs secondes et même changer de direction avant de replonger. Parfois ils volent "en escadrille" et l'un d'eux s'est échoué dans le cockpit ce matin (pendant que je dormais).


Mettre les pieds à terre après plusieurs jours de mer va être amusant. Le corps s'est habitué aux mouvements du bateau. A terre, cette sensation de mouvement va continuer et il est possible que nous ne marchions pas toujours très droit.


15/01/2022 : L’arrivée à l’île de Sal au Cap Vert

Arrivée ce matin à l'aube sur l'île de Sal à Palmeira.

L'infection dentaire de Christine a redémarré et elle souffre beaucoup. Nous irons dans un hôpital demain. J'espère que ce problème sera résolu ici.




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