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Une nuit en enfer au large de Baranquilla

voiliershazzan

Cielo, vous vous souvenez d'elle ? C'est cette jeune mexicaine que nous avons rencontré en Amazonie et qui, comme notre copine Mariana, habite le quartier d'Iztapalapa à Mexico ! Et bien, la traversée que nous avons faite ensemble depuis Carthagène-des-Indes en Colombie jusqu'à l'île de St Martin dans le nord des Caraïbes a été dans ses premiers jours, pour elle comme pour nous, un véritable enfer : la pire nuit de notre vie de marins pour Dominique et moi et le calvaire d'un mal de mer persistant pour Cielo !


Et comme la loi de Murphy s'applique partout, même en mer, les déboires ont continués jusqu'à notre départ de Santa Marta... Heureusement, Éole et Neptune se sont ravisés et ils se sont fait pardonner en nous favorisant sur la suite du trajet !



Quand les capitaines oublient leurs règles

Quoi, vous êtes allés à Iztapalpa et à la Burra Blanca !!!

Diplômée d'architecture, Cielo a décidé d'aller découvrir le monde, d'abord la région du Yucatan puis le Pérou et la Colombie. Dès que nous nous sommes rencontrés dans ce petit restaurant de Puerto Nariño, le courant est passé entre nous !


Le courant passe tout de suite entre nous
Le courant passe tout de suite entre nous

Il faut dire que rencontrer au fin fond de l'Amazonie, deux vieux français qui sont allés à Iztapalapa et à la Burra Blanca, c'est quand même tellement improbable que ça rapproche immédiatement !

Mais au delà de ça, les rencontres sont quelque chose d'assez inexplicable ! Un feeling, un contexte et va savoir pourquoi, des liens se créent à toute vitesse. C’est exactement ce qui nous est arrivé avec Cielo !




"Je rêve de faire de la voile"

Lorsque Cielo nous sort cette petite phrase, nous lui répondons qu'un jour peut-être, elle pourra venir naviguer sur Shazzan, mais pas à court terme, car nos prochaines navigations promettent d'être musclées puisqu'elles se feront au près (bateau face au vent et au courant donc incliné et inconfortable) et dans des mers peu en adéquation avec la découverte paisible de la navigation à la voile ! Nous ressentons comme elle une certaine tristesse de devoir lui dire "non" mais ce ne serait pas raisonnable d'embarquer une novice sur le trajet entre la Colombie et St Martin !


Nous restons ensemble pendant tout notre séjour en Amazonie. Notre lien se renforce et nous constatons que Cielo est courageuse, sportive et surtout très agréable à vivre... Alors le doute s'installe dans la team Shazzan... puis le doute grandit dans la team Shazzan et finalement le dernier soir, c’est la team Shazzan qui lui propose de venir la rejoindre pour naviguer.


Nous espérons tous nous revoir bientôt sur Shazzan
Nous espérons tous nous revoir bientôt sur Shazzan

Elle arrivera quelques jours avant l'appareillage pour découvrir le bateau et commencer à s'amariner et en plus, nous suivrons la côte les premiers temps pour pouvoir la débarquer au cas où !!! Belle dissonance cognitive, n'est-ce-pas ?


Quand nous nous serrons dans les bras sur l'embarcadère de Puerto Nariño, l'émotion nous submerge tous les 3 même si nous nourrissons l'espoir que nous nous reverrons bientôt sur Shazzan.



Ça veut pas dès la sortie de la bahia !

Certains attendent avec impatience le large, d'autres s'inquiètent

Comme prévu, Cielo nous rejoint avant le départ. Elle nous aide pour l'avitaillement et découvre ainsi tous les coins secrets de Shazzan. Avant le départ nous lui dispensons la formation de sécurité comme nous le faisons à tous nos équipiers et nous tentons de rassurer sa famille au cours d'une visio... Nous sentons bien qu'ils sont ravis de voir leur fille heureuse, mais sous les sourires transparait aussi l'inquiétude car la mer et la voile leur sont des mondes inconnus et de surcroît réputés dangereux...


Certains pensent qu'on est fou... les autres aussi

Comme nous savons que la traversée risque de n'avoir que peu de ressemblance avec la fameuse série "La croisière s'amuse", nous avons fait appel à notre routeur favori et nous suivons la météo depuis plusieurs jours... Une fenêtre semble s'ouvrir et nous décidons de lever l'ancre : les conditions s'annoncent rudes au large mais devraient rester plus maniables près des côtes. De toute façon, nous savons qu'il faudra choisir le moins mauvais moment... car il n'y aura pas de situation météo idéale en cette période d'alizés !


Mais pourquoi, me direz-vous, aller se fourrer tout seul dans ce guêpier ? Et bien, pour plusieurs raisons :


La route par le Pacifique n'est guère mieux
La route par le Pacifique n'est guère mieux

Pas de route idéale : Nous voulons aller en Patagonie donc il nous faut rejoindre la pointe de l'Amérique du Sud et nous n'avons que deux possibilités guère plus favorables l'une que l'autre :


  • soit passer Panama et faire un grand crochet dans le Pacifique pour rejoindre le sud du Chili avec donc un très long trajet, le coût du passage du Canal de Panama, pas mal de navigations au près, la nécessité de passer les canaux de Patagonie dans les deux sens pour retourner après tout ça dans le Pacifique... et avec la tristesse d'abandonner notre passage par Buenos Aires et donc de voir notre amie Gabriela !


  • soit descendre côté Brésil mais il faut sortir des Antilles par l'Est (ce qui n'est pas une mince affaire) puis descendre vers le Brésil (ce qui n'est pas non plus une partie de plaisir comme vous pourrez le constater dans un prochain épisode de ce blog).




Récupérer une voile neuve : Nous devons récupérer une voile neuve fabriquée en France et comme il n'y a pas de taxes à Saint Martin et pas de TVA en France si la voile est livrée dans ce petit paradis fiscal français, c'est quand même tentant... et de toute façon il va falloir que l'on prenne du nord pour pouvoir ensuite aller vers le Brésil par l'extérieur de l'arc antillais car la route directe, qui nous ferait longer la côte vénézuélienne, est impossible compte tenu des courants et des vents contraires beaucoup trop puissants à cet endroit.


Assurance limitée en zone Caraïbes : Nous ne pouvions pas partir plus tôt même s'il y avait plus de possibilités de meilleures fenêtres météo car nous ne sommes pas assurés sur la majorité de la mer des Caraïbes pendant la saison cyclonique !


Certains prennent leur pied, d'autres rendent leur estomac !

Nous nous activons pour préparer le départ : ultimes achats de produits frais, derniers rangements pour éviter les chutes d'objets intempestives, paperasses de sortie du pays pour Shazzan et son équipage...


Dès la sortie de la rade en début d'après-midi, les conditions sont plus fortes que prévues, nous arisons la voilure et pour nous, c'est un grand bonheur d'être à nouveau sur l'eau, de sentir Shazzan prendre le vent et filer à vive allure ! Mais si nous prenons notre pied.... Cielo, elle, rend plutôt son estomac ! Elle devient blanche puis un peu verte, ce qui est assez étonnant pour sa jolie peau caramel ! Nous l'envoyons donc faire une sieste avant qu'elle n'en soit aux vomissements et que le mal de mer ne la terrasse !!! Cielo dort, dort mais quand elle sort la tête de temps en temps de sa couchette, nous ne constatons aucune amélioration malgré le sourire qu'elle tente d'accrocher sur son visage aux traits tirés !


Certains s’amarinent vite ... d'autres pas !

Puerto Velero : une Cielo fatiguée, mais comme toujours souriante !
Puerto Velero : une Cielo fatiguée, mais comme toujours souriante !

Comme Cielo ne va guère mieux après ces premières 24h en mer, nous décidons de nous arrêter à Puerto Velero pour une bonne nuit de repos !


Dès que nous sommes abrités, notre équipière, bien que fatiguée, reprend rapidement l’œil vif du poisson fraichement pêché (version maritime de l'expression reprendre du poil de la bête) !


C’est donc confiants que le lendemain en fin de matinée, Shazzan et son équipage lèvent l'ancre... mais malheureusement, comme aurait chanté Renaud, "C'est pas l'homme qui prend la mer, mais la mer qui prend l'homme"... rebelote, dès que nous retrouvons la pleine mer, Cielo reprend son teint de Shrek et l'œil vitreux d'un poisson digne de l'étal d'Ordralfabétix  !




Et ça ne veut toujours pas à Baranquilla !

Mais nous qui faisions les malins la première nuit, commençons à déchanter : le vent monte et la mer se creuse. Je ne sais pas ce que fout St Pierre et s'il a troqué son jeu de boules pour un tejo endiablé à la mode colombienne, mais plus la nuit avance, plus la situation devient apocalyptique.


Comme nous n'avions pas vraiment le temps de prendre des photos, je vais tenter de vous décrire la situation... Déjà, il faut comprendre qu'au niveau de la ville de Baranquilla, il y a une conjonction de facteurs contribuant à sa mauvaise réputation auprès des marins.


Des vents forts... et contraire !

Le régime des alizés
Le régime des alizés

Ici, les alizés arrivant depuis l'Afrique ont eu le temps de prendre de la puissance mais comme si cela ne suffisait pas, ils ont des petits copains dans le coin qui s'amusent à les accélérer, à savoir, une dépression qui stationne quasi en permanence sur la Colombie ainsi que la présence de la chaîne de la Sierra Nevada, avec ses pics à 5000 mètres proches de la côte. Donc, ici c'est jackpot gagnant pour Éole et déconfiture pour les marins d'autant plus que Zeus s'invite souvent aux festivités avec son cortège d'orages tonitruants !



Un courant puissant... et contraire !

Un courant puissant longe la Colombie d'Est en Ouest
Un courant puissant longe la Colombie d'Est en Ouest

Le courant des Caraïbes qui sévit dans le coin, transporte d'importantes quantités d'eau car il est le résultat de la jonction :

  • d'un flux arrivant du nord-est avec le courant nord équatorial qui tourne au milieu de l'océan atlantique

  • d'un courant qui remonte le long de la côte brésilienne pour se séparer en deux branches dont l'une part aussi vers les côtes vénézuéliennes et colombiennes.



Des fonds qui remontent et lèvent la mer

Autre particularité, les fonds aux reliefs tourmentés remontent rapidement tout le long de la côte.

Des fonds qui remontent et gènerent des vagues
Des fonds qui remontent et gènerent des vagues

A certains endroits, ils passent de 50 à 10 mètres sur 140 mètres de distance, ce qui ne fait jamais qu'un peu plus de 10 fois la longueur de Shazzan !

Une "petite" pente que les vagues affrontent comme elles le peuvent elles-aussi... avec un résultat à la surface qui donne tout son sens à l'expression "une mer mal rangée" !



Magdalena, la cerise sur le gâteau !

Le fleuve Magdalena se jette dans la mer à Baranquilla
Le fleuve Magdalena se jette dans la mer à Baranquilla

Comme si cela ne suffisait pas, au niveau de Baranquilla, le fleuve Magdalena se déverse perpendiculairement au courant dominant.


Son débit est de 7300 m3 par seconde (bien loin des 1700 du Rhône) et comme il charrie des troncs et de nombreuses autres saletés, vous imaginez bien que nous l'avons à l’œil : nous scrutons la surface de l'eau, même si vu les conditions, le taux de réussite d'une telle veille est pour le moins aléatoire !


Pour couronner le tout, Baranquilla est un grand port et le nombre de cargos qu'il nous faut surveiller est important ! Et comme il tombe des cordes, nous sommes dehors à surveiller l'environnement sous des trombes d'eau... le tout bien sûr de nuit, car sinon ce ne serait pas marrant !!!


Si Cielo est verte, moi je vire au bleu

Je dois en toute humilité préciser, que si je tente ici, d'y mettre un peu d'humour, nous en avions beaucoup moins pendant cette nuit d'enfer ! Car comme si cela ne suffisait pas, nous nous nous sommes retrouvés bien évidement au milieu d'un orage avec des vents très instables en force et direction... Et puis, qui dit vent contraire, dit virements de bord en nombre et donc fatigue supplémentaire pour un équipage déjà malmené par les conditions.


Donc imaginez, une nuit noire zébrée d'éclairs, une mer genre bouilloire avec des vagues cassantes et désordonnées, des vents contraires instables et forts, des cargos à surveiller avec les alarmes de proximité et de potentielles routes de collisions qui pourraient faire croire que nous sommes à un concert de klaxon place de la Concorde à Paris...


Ça, c'est ma binette et mon bleu le lendemain après  plus de 15 heures de sommeil
Ça, c'est ma binette et mon bleu le lendemain après plus de 15 heures de sommeil

Ah j'allais oublier la sérénade des autorités portuaires qui, faisant fi du fait que nous sommes un voilier, n'arrêtent pas de nous appeler à la VHF pour nous dire de faire demi-tour et de partir vers le large...


Évidement, c'est tellement instable à bord, que je me casse violemment la figure dans le cockpit au milieu d'une manœuvre... Ouf même pas mal, je me relève avec le bout toujours en main !


Mais quand la manœuvre est finie et que j'enlève ma veste de quart, Dominique me dit, "Wouahh, ton bras, Christine !" : j'ai un bleu énorme. C'est un moindre mal car vu le choc sur le métal, j'aurais vraiment pu me casser l'avant-bras ou me défigurer si je ne l'avais pas mis devant pour me protéger !



Quand à notre amie Cielo, la pauvre a passé la nuit dans sa couchette avec toujours une couleur indéfinissable et l’œil de plus en plus éteint ! Mais elle a fait preuve d'un immense courage, jamais nous ne l'avons entendu se plaindre ou râler. A un moment, elle nous a dit qu'elle venait de vomir dans les toilettes... Nous avons dû lui répondre que ce n'était pas grave et qu'elle laisse tout dans l'état car nous n'avions pas le temps de nous occuper d'elle, la priorité allant à notre sécurité à tous et donc à la conduite du bateau... Quinze minutes plus tard, elle est venu nous dire qu'elle avait tout nettoyé ! Franchement, chapeau Cielo, car ramasser son vomi dans une mer démontée avec de surcroît le mal de mer, ce n'est pas donné à tout le monde...


Stop ou encore ?


Avec le courant et le vent contraires et une mer démontée, difficile de faire de meilleurs bords d'autant plus qu'à cette époque nous n'avions pas de pataras réglable.


Message envoyé à Michel à notre arrivée
Message envoyé à Michel à notre arrivée

Bon finalement, nous réussissons, après des heures d'effort, à passer le cap de Baranquilla et la suite du trajet jusqu'à Santa-Marta devient plus tranquille...


Dès notre arrivée, nous contactons notre routeur Michel pour lui dire que nous sommes en sécurité à l'ancre dans la rade de Santa-Marta .


Mais une fois à l'ancre, la première chose que je dis à Dominique, c'est que c'était vraiment trop dur, que je veux vendre le bateau et rentrer en France.





Dominique, en grand sage, me répond que déjà nous allons nous reposer et que si après 48 heures de repos, je maintiens ma position, nous arrêterons le voyage !


C'était la meilleure réponse à me faire, car 24 heures plus tard, j'avais déjà changé d'avis et il était hors de question de vendre notre beau Shazzan !


Quant à Cielo, malgré ses débuts d'équipière dans des conditions terribles et avec un mal de mer qui l'a terrassée, elle refuse avec véhémence de débarquer à Santa-Marta et elle veut continuer la traversée avec nous ! Je vous l'avais dit, elle a un courage à tout épreuve notre Cielo !


Et à Santa-Marta... euh c'est différent, mais pas mieux !

Vous vous doutez que nous étions bien contents d'arriver à Santa-Marta, une jolie petite ville avec une rade abritée que nous avions pu apprécier côté terre avec Alain et Brigitte... mais notre soulagement fut de courte durée car comme le disait Jacques Chirac en digne héritier des tontons flingueurs, "Les emmerdes, ça vole en escadrille !".


Michel, mon cher Michel... Vois-tu venir une accalmie ? NON !!!



Nous sommes en contact quasi quotidien avec Michel pour qu'il valide ce que nous concluons de nos analyses météo... il confirme : il va falloir être patient !




Ah tu voulais te reposer Christine après l'enfer de Baranquilla ! Et bien là, tu vas avoir le temps !!!




Oui, mais bon, quand même, 10 jours à attendre c'est un peu long... assez long en tous cas, pour voir passer une belle escadrille d'emmerdes !!!






Est ce qu'un moteur d'annexe est équivalent à une paire de rames ? NON !!!

Comme nous étions officiellement sortis de Colombie, pas question d'aller à terre ! Généralement, quand vous vous abritez pour des raisons météo, les autorités sont plutôt conciliantes et vous autorisent à rester au mouillage sans refaire d'entrée officielle dans le pays pour autant que vous ne posiez pas le pied sur la terre ferme ! Pas de problème pour nous côté nourriture, nous avons tout ce qu'il nous faut pour cette escale forcée et la suite de la traversée ! Mais par contre, pour plus de sécurité, nous voulons, comme nous le faisons à chaque traversée, partir avec les cuves d'eau douce et de carburant pleines.


Pensant aller à la marina avec Shazzan pour refaire les pleins, nous mettons l'annexe à l'eau (elle est suspendue sous les panneaux solaires à l'arrière du bateau à l'aide de 4 palans durant les traversées, palans que, fatale erreur, nous avons laissé à poste). Dominique démarre le moteur de l'annexe et part voir avec la marina à quel endroit nous pouvons remplir nos cuves d'eau et de gasoil. Confiantes, avec Cielo, nous installons les pare-battages pour protéger la coque en prévision de nos prochains accostages aux postes de remplissage d'eau et à la station-service.


La suite des ennuis continue car nous voyons revenir Dominique à la rame et il rame dans tous les sens du terme car il doit lutter contre un courant contraire... et oui encore !!! Le moteur de l'annexe refuse catégoriquement de démarrer !


Est ce que la marina est accueillante et conciliante ? NON !!!

Vous la voyez venir, la suite de l'escadrille ? Et bim :

  • la chef du port refuse que nous rentrions dans la marina si nous ne faisons pas à nouveau nos papiers d'entrée dans la pays...

  • un dinghie avec deux employés du port arrive peu après à l'arrière de Shazzan, nous n'avons pas le droit de rester ici, les autorités vont sûrement être informées de notre illégalité.... bla bla.... bla bla... Nous avons beau leur expliquer que nous n'irons pas à terre et que nous ne sommes là que pour des raisons de sécurité, rien n'y fait, et ils repartent après des menaces à peine voilées : "Ça va mal se passer pour vous " !


Un peu dépités de la situation, nous décidons de rester au mouillage tant que les autorités ne sont pas venues nous sommer de refaire une entrée officielle... et de toute façon, entre le vent qui monte et l'heure tardive, rejoindre le soir même la marina serait un peu compliqué !


Est-ce que c'est sérieux de laisser les pare-battages à poste ? NON !!!

Le vent monte, monte, le bateau louvoie, gigote dans les vagues qui se faufilent jusque dans la rade, mais l'ancre tient. Nous activons les alarmes de mouillage et nous partons nous coucher... Dans la nuit, j'entends du bruit, j'ouvre les yeux et les oreilles et j'en conclus que ce que je t'entends n'est que le sifflement dans les haubans et le choc des pare-battages, ballotés par les vagues, qui tapent sur la coque ! Je me rendors !


Mais stupeur le lendemain matin, tous les pare-battages et deux de nos palans ont simplement disparus... aucun doute possible, ils ne se sont pas envolés car les bouts d'attache sont sectionnés et ne reste plus qu'un morceau qui pend lamentablement de la filière !


Le bruit qui m'avait réveillée était à coup sûr celui des voleurs en train de commettre leur forfait ! Sur le coup, je me suis mordue les doigts (et le porte-monnaie !) de ne pas m'être levée mais Dominique, toujours aussi sage, me fait remarquer que cela aurait pu être dangereux de les prendre en flagrant délit et que finalement, c'est sûrement mieux ainsi !


Nous ne sommes pas les seuls à avoir subi des vols dans cette baie, certains parlent des pêcheurs mais je nourris toujours un doute quand je repense à la petite phrase de nos visiteurs de la veille "Ça va mal se passer pour vous", car de fait, ça s'est mal passé pour nous...


A un moment, il ne faut pas jouer au plus malin : moteur d'annexe récalcitrant, mouillage dans une zone "risquée", escale prolongée en attente d'une fenêtre météo, nécessité de faire le plein d'eau et de GO, obligation d'aller à terre pour remplacer le matériel volé... Nous devons nous résoudre à nous replier à la marina, marina qui daigne nous accepter contre la promesse que nous ferons les papiers d'entrée sitôt sur place !


Nous avions 13 pare-battages, mais n'en rachetons que 8 avec les cordages pour les attacher au bateau car, comme ce sont des produits importés, les taxes sont très élevées et ça nous coûte une petit fortune, le prix unitaire étant plus du double de ce que nous aurions payé en France !!! Je ne vous parle même pas du prix de la marina et ce n'est pas la gratuité de la machine à laver dont nous avons usé et abusé qui peut compenser le tarif journalier ! Et bien sûr, il a fallu tenir notre promesse et s'acquitter des coûts d'entrée/sortie du pays... accompagnés des frais d'un agent obligatoire (comme par hasard) à Santa-Marta !!!


Une seule bonne petite nouvelle, nous avons des palans en rab, moins costauds mais qui malgré tout, peuvent faire l'affaire jusqu'à St Martin, où nous en trouverons sûrement de moins onéreux !



Mais comme pour toute chose, il y a un début et une fin !!!

Bon au moins, nous repartons avec des produits frais, légumes, fruits et laitages ! Il faut parfois faire contre mauvaise fortune bon cœur et trouver de petites compensations !


Et a un moment donné, les tempêtes se calment et les escadrilles se posent et se reposent à l'aéroport : Shazzan et son équipage reprennent la mer le 16 Décembre au matin !


La roue tourne... le vent aussi et ça c'est bien

Nous voilà partis pour St Martin et, merci Éole, le vent adonne et, chose inespérée quand nous sommes partis de Santa Marta, nous permet de viser l'Est de La République Dominicaine, au près le plus serré possible bien sûr ! Nous n'allons pas en tirer gloire car l'orientation du vent nous a aidés, mais quand même, compte tenu des angles peu performants auxquels Shazzan remonte au près, nous sommes vraiment satisfaits.


Malheureusement pour Cielo, les choses ne s'améliorent guère, elle continue à avoir le mal de mer et nous assurons donc les quarts à deux. Cielo est vraiment désolée de cette situation et elle fait au mieux, elle se force à manger et à boire mais elle n'est vraiment pas en forme. Nous proposons de la déposer en République Dominicaine mais elle refuse et continue à souffrir en silence en gardant son indéfectible sourire.


Décidément Éole continue d'être avec nous, car au sud de la République Dominicaine, une belle rotation du vent nous permet de continuer vers l'Est en doublant Puerto-Rico sans tirer trop de bords. Puis, quand le vent commence à avoir une orientation moins favorable, il faiblit ce qui nous facilite quand même les manœuvres...


Sur les derniers jours, Cielo va beaucoup mieux... Est-ce parce qu'elle s'est enfin amarinée ou parce que les conditions sont beaucoup plus clémentes mais le fait est que nous pouvons lui enseigner les rudiments de la navigation à la voile et qu'elle peut même faire un quart toute seule.


Nous n'avons pas oublié, bien sûr, les moments festifs : nous avons pu célébrer son point Némo (le point le plus loin de toutes terres de sa traversée) ainsi que notre désormais traditionnelle cérémonie des 1000 Miles Nautiques (dont nous conservons jalousement le secret pour garder la surprise pour nos prochains équipiers !!!)



La fin du trajet a été des plus paisibles, la veille de l'arrivée, nous avons même fêté Noël à table avec nappe et assiettes... sans rien renverser ni casser !!!


En fin de compte, malgré les difficultés de cette navigation, nous n'avons eu que peu de casse sur le bateau :

  • le filoir de ris 1 explosé (un petit tube de métal qui guide le cordage le long du mât)

  • un problème avec le moteur qui chauffait dès qu'on le mettait à un régime normal mais ce n'était rien de grave : la panne venait d'un sac en plastique qui s'était logé dans le passe-coque et qui gênait l'aspiration de l'eau de mer destinée à refroidir le moteur.


Cela ne nous a pas empêché pas de rejoindre Saint-Martin où nous sommes arrivés le 26 Décembre en fin d'après-midi avec finalement avouons-le, une certaine satisfaction d'avoir pu surmonter tout ça !

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© 2021 Voilier Shazzan

Crédit photo : Equipage Shazzan, Machin Truc, Violaine Parcot,

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