"Petite" intro des capitaines
Nous vous avons laissé à Saint Martin après notre traversée difficile depuis la Colombie avec Cielo... mais cette étape n'était que la première partie du trajet vers le Brésil ! Si ce premier tronçon a été très dur du côté de Baranquilla, nous savions que la suite du programme qui nous mènerait de St Martin au Brésil serait au moins aussi difficile mais de surcroît beaucoup plus longue... Pas question d'embarquer Cielo, pas assez aguerrie pour ce périple et c'est Lisa qui nous a rejoint de France pour naviguer sur Shazzan.
Une amitié de plus de 15 ans
Lisa, je la connais depuis plus de 15 ans. Nous nous sommes rencontrées devinez-où !!! dans un club de voile où nous bossions toutes les deux comme bénévoles... Elle avait, je crois, 23 ans et était étudiante en école d'ostéopathie ; j'étais plus âgée que sa mère, mais vous comme moi, savons que l'amitié se fout de l'âge et nous sommes devenues les meilleures amies du monde...

Parfois, nous ne nous voyons pas pendant des mois mais à chaques retrouvailles, l'amour et l'admiration que nous nous portons permettent de retrouver immédiatement notre complicité entre confidences et parties de rigolade.
Car Lisa a un humour qui me fait mourir de rire, elle est joyeuse, pétillante et toujours très attentionnée.
En tant que professionnelle compétente, elle m'a donné une montagne de tips qui m'ont beaucoup aidée ! Si vous rajoutez, qu'elle sait parfaitement naviguer et qu'elle a des envies de large, Lisa était l'équipière idéale pour notre projet !

Dominique la connaissait moins au moment du départ mais vu leur humour et leur gentillesse à tous les 2, je n'avais aucun doute...
Et j'avais bien raison, car nous avons formé un super trio !
Un gros moment de doute avant le départ
Lisa a vécu à Saint-Martin pendant un moment et elle y a gardé des amis en particulier dans le monde de la mer. Parmi eux, il y a Eric Dumont, un ancien du Vendée Globe qui a fini 4ème dans une édition particulièrement difficile, une véritable pointure qui a parcouru un nombre de milles impressionnant sur toutes les mers du monde. Vous vous souvenez peut-être, nous vous en avons déjà parlé, c'est avec lui qui nous avions pris un apéro au beau milieu de l'Atlantique !

Quand Lisa nous rejoint à bord, Eric vient nous voir au bateau et quand nous lui parlons de notre projet de navigation vers le Brésil, il émet des doutes sur le sérieux de cette entreprise : c'est un trajet à la voile parmi les plus difficiles au monde pour un plaisancier !
Alors nous doutons nous aussi du bien-fondé de cette traversée !
Peut-être devrions-nous emprunter l'itinéraire que la majorité conseille, à savoir faire une grande boucle dans l'Atlantique, certains préconisant même un retour jusqu'aux Acores !
Nous appelons notre routeur Michel car il a déjà accompagné des bateaux sur cet itinéraire et ayant routé Shazzan à plusieurs reprises, il a une idée très précise de nos capacités.

Nous contactons aussi Jérémie (Lagarrigue), le compagnon de Lisa qui a un palmarès de voile impressionnant parmi lesquels champion de France en cata à 17 ans, vice champion du monde et 4 fois champion de France de F18, détendeur de plusieurs records mondiaux de vitesse à la voile dont un sur l'Hydroptère... Je cite son parcours mais il va me gronder car sa modestie n'a d'égale que sa gentillesse et sa compétence.
Michel et Jérémie nous font la même réponse : on va en baver, peut-être même devrons-nous renoncer en cours de route mais nous avons l'équipage et le bateau pour réussir ! Nous discutons tous les trois, Lisa, Dominique et moi et nous décidons de nous lancer mais en intégrant bien l'idée que nous devrons peut-être rebrousser chemin et qu'il nous faut nous préparer au mieux avant le départ.
Nous faisons part de notre décision à Eric et nous comprenons alors qu'il nous pense capable mais qu'il voulait être certain de notre détermination et nous alerter sur les difficultés que nous allions nécessairement devoir affronter.
Eric et Jérémie vont nous aider à préparer le bateau, Eric pour le réglage du pataras, les conseils sur la réserve de GO, la route à suivre pour sortir de l'arc antillais... Jérémie pour les réglages fins de la voilure, ce qui est fait lors d'une sortie en mer avec échanges de vidéos, photos et données des instruments en temps réel ! Grâce à leurs conseils de pros, nous avons appris et gagné plus de 10° de remontée au vent, ce qui sur le trajet que nous allions entreprendre était un atout certain...
Nous nous préparons : réglage pataras avec Eric, réglages voiles avec Jérémie, vérification gréement...
Et le 15 Janvier, nous levons l'ancre avec les derniers encouragements d'Eric et les larmes de Cielo !
Le carnet de bord d'une éternelle optimiste

Lisa emporte un joli carnet de bord à remplir chaque jour ainsi qu'une pile de lettres de ses proches à ouvrir au rythme d'une tous les 3 jours.
Son titre : "It's gonna be great" ce qui signifie "Ça va être génial".
Quand vous lirez le journal de Lisa, vous aurez sûrement l'impression que oui c'était génial et ce le fut... mais ce fut aussi difficile!
Lisa est quelqu'un qui voit toujours la vie du bon côté alors elle ne parle que peu de ce qui a été dur : 25 jours penchés à tenter de gagner chaque mètre vers l'Est, les paquets de mer qui se fracassent sur le roof au point d'avoir rayé les hublots (même ceux de l'arrière du carré), le pot-au-noir avec ses grains et ses vents fous, la fatigue quand les conditions empêchent de bien se reposer...
Sur certaines photos, vous verrez les traits tirés... mais derrière la fatigue, vous verrez toujours la joie de vivre cette aventure ! Et puis on a bien rigolé comme lors de nos multiples passages de l'équateur.

Notes au lecteur :
Nous avons ajouté des notes dans le texte de Lisa que vous pourrez identifier comme ça [texte en vert entre crochets]
Vous trouverez des termes et des acronymes propres à la navigation, les voileux s'y retrouveront et pour les autres pas de soucis, cela ne vous empêchera pas de suivre le récit de ce périple.
L'article ressemble à la traversée : un peu long mais plein de sourires, de photos et de vidéos ! Alors, embarquement immédiat pour 25 jours de mer.
CARNET DE BORD DE LISA
Début du carnet
Position 16° 34’ 059 N - 060° 53' 433 W

Mon cher petit carnet je prends le temps de t’écrire aujourd’hui 18 janvier (J4 et ce n’est pas une voile d’avant 😊) car les trois premiers jours ont été un peu placés sous le signe du mal de mer...
Je m’acclimate doucement. Je me suis faite à l’idée que tu serais sûrement sale, mouillé, mal écrit, raturé... mais c’est comme cela en bateau.
Et avouons que nous sommes un peu dans le même état.
J’ai relu avec beaucoup de tendresse ce que vous [la famille et les proches de Lisa] m’avez écrit dedans. Ça me recharge pour mon quart 13H à 16H (loin d’être le plus difficile, tu imagines bien). Dominique prépare à manger, Christine prend la météo et remplit le livre de bord. Et moi, assise au vent dans le cockpit, je vais te raconter les jours précédents.

Jour 1 - Lundi 15 janvier 2024
Marigot – Marina Fort St Louis - Saint Martin – FWI
16H – Nous partons enfin... après avoir fait le plein de GO et avec les bidons solidement attachés sur le pont, ceux-là même qu’on nous avait vivement recommandé de prendre en supplément pour ce trajet-là et ce pour nous aider à :
Caper (face) au vent [caper signifie naviguer en suivant un cap le plus près possible de celui souhaité, parfois au détriment de la vitesse]
Passer le pot-au-noir [Le pot-au-noir, aussi appelé Zone de Convergence Intertropicale est une zone proche de l'équateur où les conditions météos sont incertaines et imprévisibles donc compliquées pour les marins]
Après nous être mis au mouillage le temps de suspendre l’annexe sous les panneaux solaires, nous partons pour de bon entre St Martin et Anguilla . ENFIN !
Je n’en pouvais plus des commentaires de pontons et de fond de bars créoles qui nous parlaient comme des experts à des ignorants. Seuls Eric et Jérémie ont eu une place particulière en nous apprenant à performer les réglages du bateau pour nous aider à rendre ça possible. Nous avions tellement besoin que ça commence, pour espérer finir. Et voir de nos propres yeux l’Everest que nous avions décidé de gravir.
Un dernier mot d’Eric : « Je ne vous envie pas, mais je vous admire » et nous voilà partis.
ENFIN !
Jour 2 - Mardi 16 janvier 2024
Passage Est Saint Barthélémy - Distance jour 86MN (Milles Nautiques)
Tous ceux qui me connaissent savent combien je suis heureuse de la laisser derrière moi aussi, cette île là.
Nous avons réussi à passer par l’Est : première target atteinte ce dont nous sommes assez fiers. Ce jeu tactique entre les deux îles de l’arc antillais sera notre principale préoccupation en ces premiers jours de notre RUÉE VERS L’EST.

Tout se passe vraiment bien à bord. J’ai du mal à gérer le mal de mer que je connais peu, un mal de mer qui m’empêche de manger et m’oblige à passer mon temps dehors. Mon stress de fond doit jouer quand je réalise la route à parcourir.
Courage Zazoune, demain, tu as une petite lettre à ouvrir.
Et déjà, les premiers mails de Jérémie nous félicitant arrivent... Bye Sxm – Sbh ! [sxm abréviation pour St Martin - Sbh pour Saint Barth]
NUIT
Dominique m’a expliqué comment trouver le nord grâce à un groupement d’étoiles l’indiquant.
Jour 3 - Mercredi 17 janvier 2024
Passage entre Barbuda et Antigua - Distance jour 109MN – Distance totale 226MN
Premier passage à niveau. C’est là, entre Barbuda et Antigua, qu’il fallait impérativement passer à l’Est de l’arc antillais c'est à dire passer entre St Kitts & Nevis et Barbuda, puis au Sud de Barbuda, s’établir à l’Est d’Antigua puis de la Guadeloupe.
Nous avons tenté de faire route directe avec le moteur comme nous l'avait conseillé Eric, mais après 5 heures à 1,5 Nœuds, nous avons décidé de hisser les voiles et donner sa chance à Shazzan.
Nous avons fait un contre bord NE puis SE pour passer au petit matin du côté Est des Antilles. Le bateau était comme un cheval au galop dans une prairie. On aurait dit qu’il voulait qu’on soit fier de lui, qu’on pouvait lui faire confiance. Il vient de nous faire quitter la mer des Caraïbes.
J’ai lu ma lettre J3. C’était maman, dur de retenir mes larmes, car je sais que je ne lui fais pas de bien de me savoir ici. Je fais mes quarts seule aujourd’hui.
Jour 4 - Jeudi 18 janvier 2024
Jour d’écriture - Distance jour 109MN – Distance totale 335MN
Ce matin mon mal de mer s’améliore. Nous prenons une éco-douche avec Christine durant son quart, une douche à l’eau de mer et au cul du bateau. Son quart de nuit a été cool contrairement au mien (mon premier de nuit seule) où nous avons bataillé avec Dominique entre molle, reprise soudaine du vent 30 Nœuds... bienvenue au milieu d’un grain. Nous avons arisé le génois//réouvert le génois//envoyé la trinquette//arisé la GV.
Au petit matin, c’est le quart de Christine qui a été perturbé par une latte de GV qui est sortie de son boitier. Le temps de mettre çà en ordre, nous avons dessiné un superbe triangle sur notre parcours.
La douche du matin nous a fait du bien, Dominique est épuisé mais il tient bon.
NUIT N°3 : Les nuits en binôme sont animées par leurs incroyables histoires de voyage que j’écoute avec un appétit insatiable [Afin de connaître Shazzan, au début, Lisa a fait ses 3 heures de quart pour moitié avec Dominique, pour moitié avec moi] : du saxophone au milieu de la paisible et sauvage mangrove de Gambie aux croyances des tribus du fin fond de l’Amazonie, entre ceux qui ont accompagné leur route et ceux qui ne reviendront plus.
Jour 5 - Vendredi 19 janvier 2024
Distance jour 117MN – Distance Totale 452MN
Ce matin, je vais vraiment mieux. Je me déplace à nouveau comme un singe sur le bateau, retrouve mes réflexes. La nuit de 6 heures a vraiment été salvatrice, les quarts de 3 heures/3 heures étaient vraiment dans des conditions si penchées.

Avant d’aller dormir, Dominique a dû aller réparer l’enrouleur du génois qui était sorti de son rail évidement dans une nuit noire avec des vagues percutant régulièrement l’étrave pour s’écraser sur le pont. Christine le surveillait de l’arrière. Pas étonnant qu’il ait dormi une bonne partie de la journée, bien enrhumé. Il faut qu’on l’économise.
Il nous a quand même concocté un ‘’Shazzan con carné’’ ce midi. Je mange avec appétit.

Nous avons fait route SE pour laisser la Dominique (l’autre) derrière nous, puis nous avons viré vers le NE (Tribord 45°) à hauteur de la Martinique.
Il est 4 heures du matin, je finis mon quart, nous attendons la renverse. Je remplis le livre de bord et réveille Dominique.
Jour 6 - Samedi 20 janvier 2024
Distance jour 102MN – Distance totale 554MN -
Position 16° 06’ 938 N - 058° 44 180 W // Cap NE en attendant la bascule
Les journées deviennent vraiment sympas. Nous sommes tous les trois parfaitement amarinés maintenant. Le sel permanent sur la peau fait partie de nous et ne nous dérange plus !
Nos journées sont composées de quarts veille/repos, réunions d'analyse des mails de Jérémie et Michel [notre routeur] confrontés à notre propre météo et prise de décision pour les manœuvres et les options de routes à venir... et surtout : choix des menus 😊
Aujourd’hui : soupe potée poireaux bocaux maison, carottes, pommes de terre avec lardons emmental... Un hommage à nos compatriotes dans le froid en métropole. Ça devrait rajouter de la bonne humeur, mais ça va être difficile tant elle est déjà omniprésente dans notre équipe.
J’ai eu une très jolie lettre de mon papa 😊.

Nous avons entrepris une analyse des possibilités de déplacement de Christine dans le bateau afin de lui trouver des aménagements pour l’aider et la sécuriser. La détermination de ce petit bout de femme est incroyable. Si seulement elle voulait bien le voir ! [C'est pas bien de me faire pleurer en lisant ton journal de bord..... Merci ma Lisa, merci du fond de mon petit cœur tout attendri ]
Jour 7 - Dimanche 21 janvier 2024
Distance jour 101MN – Distance totale 655 MN
Position 16° 37’ 703 N - 058° 26’ 833 W
CPG 31°T // SOG 5,2 Kts // Vent apparent T45° 23,3 Kts
Quart de 4/7 [4 heures à 7 heures du matin] : on attend la bascule pour virer ce qui devrait arriver dans quelques heures.

Et tandis que revoilà la Guadeloupe 😊 ! Nous voilà à nouveau à la latitude de la Guadeloupe bien collés vers l’Est heureusement. Hâte d’entamer notre folle descente vers le Sud.

Préparation de notre déjeuner dominical : hachis parmentier carottes, patates douces, lait de coco, bœuf conserves (encore elles 😊) [Lisa parle là des conserves maison que j'avais faites en nombre avant la traversée pour nous assurer de bons petits plats réconfortants].
Les journées se suivent et se ressemblent avec toujours cette bonne humeur inébranlable. Les nuits sont plus complexes... La mer est très agitée et fait subir au bateau des à-coups violents. Il est difficile d’écrire dans ces moments-là. De violentes vagues se brisent sur l’étrave et viennent recouvrir le pont jusqu’au cockpit. Nous nous en amusons en ayant l’impression d’être dans un aquarium et espérons voir des poissons passer sur les hublots du roof, tant la quantité d’eau qui s’y déverse est monumentale.
Jour 8 - Lundi 22 janvier 2024
Distance jour 129MN – Distance totale 784MN
Position 15° 35’ 650 N - 057° 30'546 W
Allure B46°-B56° // SOG 4,8-6,3 Kts // COG 135-144° // Vent 64-89° 18-19 Kts
Bon, avouons que cette foutue bascule nous aura bien tenue en haleine... pour nous offrir un furtif 64° au mieux.
Ce matin, c’est sélection de playlist depuis le disque dur vers la tablette du bateau. Nous avons bercé notre journée sur les sons de Sailing de Rod Stewart et Space Oddity de David Bowie. [Et avec, allez savoir pourquoi vu l'âge de Lisa, une playlist qui a fait la part belle, même très belle, à Simon & Garfunkel ... tellement belle que leurs chansons ont animé la plupart de nos matinées !]
Nous laissons progressivement derrière nous la Martinique, puis Sainte-Lucie et les Grenadines.
L’ambiance est toujours au beau fixe à bord, à défaut de la météo qui nous fait passer de chaleurs étouffantes à pluies tropicales accompagnées de leurs renverses de vent caractéristiques. Le radar nous permet d’ajuster les voiles en conséquence.

Le premier pain à bord a été réalisé par Dominique et je serai la conceptrice du second. J’ai émis l’idée que cette pâte à pain puisse être utilisée également comme pâte à pizza. On m’a assuré que ma demande avait été prise en compte, et que l’on reviendrait vers moi dans les plus brefs délais.
Je n’ai pas non plus de retour à ce jour sur les sachets de crème renversée que j’ai volontairement laissé trainer dans la cuisine. J’attends encore 24H avant de passer à une offensive plus directe.
CROSSING ROAD - SHAZZAN 2022
Cette journée est à marquer comme étant celle où Shazzan 2024 a croisé sa route de 2022 entre Cap Vert et Sainte-Lucie avec à bord, celle qui est désormais son ange gardien : BERNADETTE.
Pas foutus d’être sur le pont dans les temps, je suis convaincu qu’elle a préféré à cette ponctualité de circonstance ratée, l’heure que nous avons passée dehors à parler d’elle, puis la soirée musique que nous avions décidément bien préparée le matin. Moment plein d’amour, souvenirs, rires, partages avant de reprendre le cours de nos quarts.
Jour 9 -Mardi 23 janvier 2024
Distance jour 119 MN – Distance totale 903 MN
Position 13° 29’ 701 N - 055° 40’ 077 W
Allure B50-70° // SOG 4,8-6,5 Kts // COG 138-165° // Vent 17,9-23,5 Kts 68°-86°
Visite de contrôle de la plage avant par les techniciens en charge :
Reprise nerf de chute génois
Avancement chariots génois + trinquette 2 crans.
Et c’est par cette charmante matinée que madame Christine Blanchard a décidé d’aller travailler sa motricité de la plage avant. Oui, maintenant, par 26 Kts de vent apparent, 4 Kts de vitesse et environ 3 m de creux... Voilà ! Qui avait dit qu’elle était simple déjà ?... Pour le reste, chapeau bas. Sacrée démonstration de persévérance et de courage. Me vient la devise de Sarah Bernhardt "J’y arriverai quand même".
Lettre très touchante de mon grand frère qui me rappelle l’équipe qu’on avait constituée autour de son Iron-Man. C’est si beau une famille sincèrement soudée.
Nous laissons maintenant Grenade derrière nous pour se rapprocher enfin de la latitude de l’Amérique du Sud. Nous rentrons progressivement dans l’Atlantique Sud en nous rapprochant de la Guyane.
Jour 10 -Mercredi 24 janvier 2024
Distance jour 128MN – Distance totale 1031MN
Position 12° 37’ 350 N - 054° 58’ 172 W
Allure B50° // SOG 5,4-6,1 Kts // COG 130-60° // Vent moy. 19 Kts 65°-75°
Journée totalement erratique.
Au début j’ai adoré : grains, pluie, ciel grisâtre, moins chaud, préparation tomates farcies. Puis le vent est vraiment devenu ingérable, prenant 50° à droite pendant quelques minutes puis pétole, houle illogique par rapport au vent, multiples réajustements de voile entre une pluie battante et des vagues scélérates.
Aparté : Menu tomates farcies.
Nous avons réussi à faire une bonne moyenne malgré tout çà, et nous avons même pu jouer au 5000 (malgré la gite) et "Qui est-ce ?". [le 5000 est un jeu de dés... donc qui pourrait ne pas paraître des plus adaptés quand on gite !!!]
Une rumeur circule à bord, que ce serait un entraiment pour le pot-au-noir... Impossible de faire du cap, çà tombe bien on reçoit bientôt un mail de Jérémie nous invitant à privilégier la vitesse. Tant pis pour notre ‘’gras vers l’Est’’. Nuit aussi agitée avec départs au lof + 0° cap mais 6 Kts !
Jour 11 -Jeudi 25 janvier 2024
Distance jour 131MN – Distance totale1162MN
Position 11° 10’ 327 N - 053° 27’ 178 W
Allure B46 - 51° // SOG 5-6,3 Kts // COG 115°-140° // Vent moy. 18,7 Kts 60°-85°
Journée beaucoup plus clémente. On avance, la mer s’est considérablement assagie, la houle est plus logique et rangée... Ça change la vie de ne plus avoir l’impression de chuter d’un immeuble de 10 étages à chaque descente de vague.
J’ai encore passé la matinée bercée par un nouvel épisode de leurs histoires de vie. Cette fois-ci ‘’La vie dans la Vendée profonde des années 60’’, des dépeçages de lapins et de poules, à la franche camaraderie villageoise autour de la cuisine du cochon... C’est vraiment à se demander ce qui aurait pu prédestiner ces deux là à finir ‘’vagabonds des océans’’. Comme quoi des fois son chemin, on se le dessine au marteau-piqueur 😊.
La journée a été marquée d’une pierre blanche par ma cérémonie d’intronisation au titre de Membre Honorifique de Shazzan, au vu de mes 1000 miles nautiques parcourus à son bord depuis notre départ (et au près). C’est donc avec un Neptune et un Éole armés de gaffe, filets de moustiquaire et mousse à raser Mennen que je me vis décerné le dit prix ; après avoir arrosé Shazzan, Éole et Neptune (qui me l’a bien rendu) d’une goulée de rhum Mexicain.

On a beaucoup rigolé et j’ai été très touchée des qualités que les capitaines s’attachent à trouver à chacun de leurs équipiers. Comme si chacun d’entre eux allait, à sa manière, laisser une petite trace de son passage sur Shazzan.
FULL MOON
La fin de la journée s’est une nouvelle fois animée d’un récit de tranche de vie. Ces moments d’échanges à trois sont vraiment cools et enrichissants. Au programme ce soir - et non sans émotion – la faillite de l'entreprise de deux jeunes parents, qui restent soudés dans l’incroyable combat qui leur permettra de sortir leur famille de cette situation, en passant par des phases de désespoir extrême.
De chauffeurs-chauffeuses poids-lourd betteraviers à concierges d’immeubles en passant par manutentionnaire d’une structure d’apiculture pour mettre du miel dans les épinards. De la vie dans un 38 tonnes, à celle dans un camp de Roms puis dans une sucrerie... Il ne manquait plus qu’ils sympathisent avec leur meilleur ennemi d’huissier de justice qui leur accorda un acquittement d’une partie de leurs dettes pour avoir l’air de Nelson Mandela Vendéens. Cet acquittement, couplé à la salvatrice rencontres du directeur de l’AFT de Bretagne (comme quoi les Bretons), et un soutien parental pour le financement d’un BTS et la lumière au bout du couloir commence à s’éclairer de nouveau. Bientôt les diners se reprendront en famille avec un seul menu pour tout le monde et les mains des enfants ne seront plus colorées de sulfate de fer.
Il est quand même fou de réaliser que leur principale préoccupation d’aujourd’hui est la température qu’il fera lors de leur descente vers le Grand Sud patagonien et de décider si la capote qui les protégera du grand froid sera réalisée en Uruguay ou au Brésil... Ou encore de savoir si Christine attendra Dominique dans un appartement à Ushuaïa s’il est vraiment décidé à tirer des bords en Antarctique.
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