Quand le compas fait le con... ou pas !
Dès le départ des Sables, si nos têtes perdaient le nord, notre compas lui était à l'ouest ! Que se passe t-il ? Le pilote tient mal et il semble bien que cela provienne d'une incohérence entre le cap surface et le cap fond, nous constatons un décalage de plus de 30 degrés (parfois même jusqu'à 100 ° !) entre le cap donné au pilote automatique et le cap que suit réellement Shazzan. Bon d'accord, il y a peut-être du courant qui nous fait dériver, mais quand même pas à ce point.
Christine se met à la table à carte et elle essaie de s'extraire de l'émotion du départ pour se concentrer et comprendre ce qui se passe ! Après moultes investigations qui ont pris un certain temps (son estomac n'a pas vraiment apprécié), l'origine du problème reste un mystère et décision est prise de se diriger vers la Rochelle car revenir sur les Sables est juste impensable ! Nous appelons alors Pierre-Jean , l'expert qui suit le bateau, pour savoir s'il connaît un spécialiste sur la Rochelle. Et miracle, il trouve la solution, une masse métallique doit perturber le compas du bord ! Mais, oui bien sûr, l'antenne du radar, ce fichu radar neuf qui nous a coûté un bras et qui ne marche pas !!!! On enlève l'antenne, le cap surface est plus cohérent avec le cap fond, mais pas encore totalement.
- Dis-moi, Dominique, il est bien dans le placard de notre chambre le compas !
- Oui...
- J'ai une idée : ne serait-ce pas les canards du slam avec leur jeu de pile les responsables ?
Les canards passent dans la cabine tribord et Shazzan retrouve son cap, nous oublions la Rochelle et partons pour affronter un golfe redouté par tous les marins, le célèbre Golfe de Gascogne !
4 humains et 107 jambes !
Nous sommes donc 4 à bord, Christine et Dominique les capitaines de Shazzan et Antoine et Stéphanie, respectivement président et secrétaire de l'association Nav'Solidaire qui a pour objet de recycler des prothèses de jambe et de les acheminer à la voile dans les pays qui en ont besoin...
C'est donc une équipe composée de Shazzan, de ses 4 membres d'équipage et de 100 prothèses de jambe qui quitte les Sables d'Olonne à destination de Banjul en Gambie !
L'organisation de la vie à bord se passe naturellement, avec un partage des tâches ménagères sans tableau Excel ou définition précise... Tous les 4 avons à cœur de vivre dans un environnement rangé et propre, de prendre de bons repas si possible ensemble. Antoine et Stéphanie, sont comme nous l'avions pressentis, de très bons équipiers, respectueux du bateau et de l'équipage, les choix de navigation ou de manœuvre se font en concertation.
4 à bord, mais 2 quarts pour commencer !
Dès le départ, Dominique et Antoine sont de quart ensemble et Christine prend les siens avec Stéphanie, qui est débutante.
Christine prend grand plaisir à lui transmettre ce qu'elle sait, et le fait que ce soit Stéphanie qui monte et descende les escaliers carré/cockpit arrange bien les gambettes de Christine bien ankylosées après l'escale vendéenne ! Stéphanie s'avère une élève attentive et très motivée et les deux filles s'entendent parfaitement.
Antoine a déjà une bonne connaissance de la navigation et Dominique lui "apprend Shazzan", le but commun étant qu'il soit rapidement autonome.
Nous partons sur des quarts de 3 heures : 3 heures de veille, 3 heures de repos de jour comme de nuit. Il nous faut, comme à chaque fois, environ 2 jours pour nous habituer à ce nouveau rythme. Pour info, la veille consiste à surveiller que tout se passe bien : y a-t-il des bateaux alentours qui pourraient passer trop près ou même faire route de collision, les voiles sont-elles bien réglées, le vent a-t-il changé d'orientation et de force ?
Quand une baleine rassure un cafard !
Nous sommes heureux de retrouver la mer mais un voile de tristesse vient facilement embuer nos yeux quand nos regards se tournent vers le nord-est. Nous n'en parlons pas trop avec Dominique car cela ne ferait que nourrir ce cafard. Heureusement, 3 jours après le départ, la mer donne un signe de bienvenue à Christine : "Une baleine vient de m'envoyer un message sonore avec son souffle puissant et pour que je n'aie plus aucun doute sur le fait que je suis juste à la bonne place, elle m'a montré longuement son ventre, comme pour me dire, bienvenue Christine, c'est bien là ta vie, raconte à tes proches, à ceux qui te manquent, que tu m'as vue et entendue et alors mon souffle viendra sécher un peu leurs larmes... C'est peut-être un peu naïf et cela vous surprendra peut-être de la part d'une athée comme moi, mais j'ai vraiment ressenti la présence de cette baleine, comme un encouragement, une rassurance (tans pis si ce mot n'existe pas, je l'invente!). "
On s'est pris un rail pas facile en sortie de Gascogne!
Nous aurons pendant pratiquement toute la traversée du Gascogne (3 jours) un vent permettant une navigation au grand largue (vent arrivant du 3/4 arrière du bateau), l'allure préférée de notre Shazzan et ma foi, même quand les conditions ont été un peu musclées avec de beaux creux de 3 à 4 mètres et des vents dans les 30/35 nœuds, le bateau est resté confortable, la vie pouvant y continuer à peu près normalement, pour autant que ce soit normal de dormir ballotté et de mettre 5 minutes à remonter sa culotte !
Arrivés au niveau du Cap Finisterre, le vent a molli, ce qui nous a bien arrangé car nous avons passé les DST (Dispositif de séparation de trafic) au moteur...
Et nous n'étions pas trop de 3 sur le pont au vu de la densité du trafic, de la taille et de la vitesse des bateaux, cargos et paquebots, qui y circulaient ! Nous avons dû nous faufiler à vive allure entre tous ces mastodontes ; impressionnant, même si grâce à la tablette étanche, nous avions une bonne vision du trafic sur la cartographie !
Et avouons-le, la dégustation du Regal Princess nous a donné quelques crampes d'estomac car ce bateau de passagers était éclairé comme un arbre de Noël flottant avec des lumières de couleurs changeantes et non conventionnelles !
Il nous a fallu un certain temps pour comprendre qu'il s'agissait d'un panneau lumineux gigantesque placé sur son pont supérieur ! Gageons que le film projeté aux passagers n'étaient pas Titanic!
Un bord à l'endroit, un bord à l'envers : ça tricote le long du Portugal
Une fois le niveau du Cap Finisterre passé, Antoine commence à prendre ses quarts seul et nous trouvons alors un nouveau rythme sur le bateau : 3 heures de veille, 6 heures de repos, le top car cela nous permet de passer du temps tous ensemble dans la journée.
Shazzan file, file sous des températures de plus en plus clémentes... Adieu le froid et l'humidité du Gascogne où la bouillotte est venu compléter la couette, le duvet, les chaussettes en laine de yack et les deux couches de sous-vêtements thermiques de Christine... Comment ça, elle est frileuse !
Le vent venant toujours du Nord-Est, impossible de naviguer en ligne droite pour descendre le long du Portugal, il nous faut "tricoter", un bord bâbord amure (le vent vient de la gauche du bateau), un bord tribord amure (le vent vient de la droite).
Le tricot, ça marche mais cela oblige à des empannages réguliers et rallonge d'autant la route et le temps de navigation !
Mais nous ne plaignons pas, car de fait, nous avons eu du vent et pu naviguer la plupart du temps à la voile !
Moins vite que la transat Jacques Vabre, mais top pour notre Sha-Sha !
Et c'est le dimanche 14/11 à 3 heures du matin que nous avons ancré Shazzan à l'Enseada de Abra sur l'ile de Madère après 1322 Miles Nautiques parcourus en 10 jours et 15 heures, pas mal pour notre gros pépère de Shazzan !
Quel bonheur que de vous lire!
Vivement la suite!
Prenez grand soin de vous et "BON VENT"
Velijump56
C'est formidable de vous suivre à travers votre blog ; l'année dernière c'était le Vendée Globe, cette année c'est Shazzan !