Cinq jours de navigation avec un vent bien orienté depuis les BVI et le 21 avril 2022 nous arrivons sur l’île la plus à l’est des Bahamas, Mayaguana !
Le début d’un séjour de presque un mois sur cet archipel membre du Commonwealth qui ne compte pas moins de 700 "officielles " et même 2 700 îles si l’on compte chaque caye c’est-à-dire chaque petit bout de terre émergée.
Nous n’avons vu qu’une petite partie des Bahamas et pourtant, nous avons eu le sentiment de visiter plusieurs pays.
Aux Exumas, nous avons découvert des îles paradisiaques où croisent beaucoup de voiliers, bateaux à moteur voir méga yachts (pour la plupart américains), mais où le nombre de mouillage est tel qu’aucun n’est surpeuplé et que l’on peut même se balader sur des plages totalement désertes… Une destination de rêve aux eaux turquoises peuplées de requins, tortues, raies… et parsemées de récifs coralliens riches de vie. Ici quelques îles habitées et une population accueillante… Une destination que nous avons partagée avec Fabien et Laura pour notre plus grand bonheur !
Avec Mayaguna et Andros, nous avons entrevu le côté plus « perdu » des Bahamas, des mouillages solitaires, des cartes des fonds plus ou moins précises. Des îles que l’on a senties un peu abandonnées par l’état, routes défoncées, population en diminution…
Et puis, Nassau avec son île renommée Paradise Island totalement dédiée aux vacanciers les plus fortunés, ses bateaux de croisière déversant chaque jour des hordes de touristes qui viennent ici acheter à prix fort une carte postale dont ils ne verront que le fac-similé en regardant des requins nageant dans des bassins immenses cernés de vitres et de béton !
Nous allons décliner tous ces bleus avec vous, mais commençons par le début et notre arrivée à Mayaguana !
Les turquoises entre stress et émerveillement
Lors de notre arrivée aux Bahamas, nous avons tout de suite été émerveillés par les camaïeux de bleus et ce malgré le stress de devoir naviguer dans des eaux de très faibles profondeurs.
Nous découvrions la navigation dans les passes, ces petits chenaux qui se faufilent entre les cayes et qu’il faut suivre avec précision pour ne pas talonner. Certes nous avons un dériveur, ce qui nous permet de remonter la dérive et même le safran, mais quand tout est remonté, le bateau est peu manœuvrant et il faut donc trouver le meilleur compromis entre tirant d’eau et manœuvrabilité. Ça discute à bord, il y a une passe assez proche de notre route, mais elle est étroite et il y a 25 nœuds établis avec de fortes rafales et la mer qui va avec… nous pointons notre étrave vers la passe et décidément, nous ne le sentons pas avec ce vent de travers et nous choisissons de prendre la passe Ouest, cela nous rallonge mais nous semble plus sérieux car la passe Ouest est plus large et le vent de face sera plus facile à gérer.
Nous voilà parti, Dominique à la barre avec un œil sur le sondeur et l’autre sur l’application Navionics de la tablette, Christine à l’avant, les deux yeux scrutant les fonds !
Quand c’est clair, il faut essayer d’évaluer la profondeur (en fait, c’est impossible) mais quand c’est foncé, il faut contourner car c’est probablement une patate de corail.
Il nous a fallu plus d’une heure pour traverser le lagon et nous avons dû à un moment remonter le safran rapido presto car la profondeur diminuait rapidement !
Bon, c’est fait ! Nous voilà ancrés par moins de 3 mètres de fond et nos yeux sont enfin totalement disponibles pour admirer les couleurs du lagon d’une beauté à couper le souffle!
Les bleus-blancs des îles un peu perdues
Un repas sur le pouce et nous partons, comme à chaque arrivée dans un nouveau pays, faire la clearance d’entrée. Nous examinons la carte et voyons « dinghy route » ! Bizarre, c’est surement pour les grosses annexes et franchement avec nos quelques dizaines de centimètres de tirant d’eau, nous ne nous sentons pas concernés. Nous voilà partis et nous voyons la profondeur diminuer, diminuer et tellement diminuer qu’il nous faut remonter le moteur de l’annexe : Dominique se met les pieds dans l’eau et marche pour tracter l’embarcation (ce ne sera pas la seule fois d’ailleurs aux Bahamas !). Il nous ramène sur la fameuse route à dinghies qui est matérialisée par de fragiles piquets de bois surmontés de polystyrène… La prochaine fois, nous ferons moins les malins même si nous sommes quand même en meilleure posture que les polonais ancrés juste à côté de nous et qui ont, eux, carrément ensablé leur dinghy !
Nous longeons un quai en béton un peu délabré pour atteindre une plagette où nous beachons ! Cela ne ressemble pas vraiment à l’image que nous nous faisions des Bahamas : il y a quelques tables désertes sous les cocotiers, un local poubelle et des toilettes, point barre ! Étrange ! ! !
Nous partons à pied vers les maisons dont nous apercevons les toits par-dessus la mangrove, en empruntant une route goudronnée pour le moins défoncée ! Nous marchons mais aux premières maisons, pas de trace de bureau de douane ou d’immigration ! Une voiture passe, nous l’arrêtons et rencontrons Zario qui propose de nous emmener au bureau local de l’administration (qui est de fait à plusieurs kilomètres), il reviendra nous chercher dans une heure quand il aura pris sa douche.
Voilà qui se présente bien… mais notre joie est de courte durée car le bâtiment dans lequel nous entrons est tout petit et n’a que deux minuscules guichets : un pour la poste, un pour les impôts. Le personnel, très sympa, nous explique que non, nous ne pouvons faire la clearance et l’immigration ici, que l’application internet pour préparer les formalités n’aurait pas dû nous proposer le port de Mayaguana comme port d’entrée et que les deux bureaux les plus proches pour entrer officiellement dans le territoire sont à deux jours de navigation : Inaguana et Georgetown sur Great Exuma. Nous opterons pour Georgetown car cela nous rapproche de Nassau où nous devons retrouver Fabien et Laura début mai.
Nous allons quand même passer la nuit ici et repartirons demain matin après avoir répété au moins cents fois « Mais que c’est beau », « Tu as vu ce turquoise », « Wouahh, on voit l’ombre de Shazzan sur le fond », « Regarde cette bande, elle est d’un bleu presque blanc » !
Oui, ici la nature a décliné les turquoises dans toutes leurs nuances, les cocotiers se penchent nonchalamment sur une plage de sable blanc vierge de pas humains… mais l’île semble un peu laissée à l’abandon par l’état bahamien, d’ailleurs, des maisons sont abandonnées et il n’y a plus que 200 habitants car les jeunes partent étudier à Nassau et ne reviennent pas dans ce paradis perdu au milieu du bleu !
La palette infinie des bleus transparents des Exumas
Pour continuer notre déclinaison de bleus, partons aux Exumas, les îles et le parc national les plus célèbres des Bahamas.
Nous les avons donc parcourues une première fois pour monter chercher Fabien et Laura à Nassau, une remontée un peu expresse qui nous a toutefois permis de nous habituer à la navigation dans les eaux peu profondes du Bank et de repérer quelques sites remarquables…
Mais nous avons davantage profité des Exumas avec nos invités de marque pendant une croisière d’une dizaine de jours. A chaque instant, nous avions le sentiment de vivre un rêve éveillé que ce soit avec nos yeux ébahis par tant de beauté, nos cœurs palpitants lors de nos rencontres avec requins, raies ou tortues, nos souffles coupés par la richesse de la vie des récifs coralliens et des grottes, notre étonnement devant des cochons en liberté nageant dans les eaux bordant les plages de sable blanc, notre émerveillement lors de notre immersion dans la grotte de Thunderball Grotto où fut tourner un James Bond !
Les photos ne rendent pas justice à tant de beauté, on y devine juste la transparence et la luxuriance des eaux de ces îles indicibles ! Alors en regardant ce petit montage, ayez à l’esprit que c’est cent fois, mille fois, un milliard de fois plus beau !
Les bleus tristes des bassins artificiels d’Atlantis
Mais en contre-point aux Exumas, il y a Nassau, la capitale des Bahamas située sur l’île de New Providence où habite la majorité de la population bahamienne (250 000 habitants sur les 400 000 que compte le pays). Ici s’agglutine aussi la majorité des touristes genre touriste très touriste !
Ici, tout est fait pour, je dirais, la « consommation touristique » avec en point d’orgue son temple, j’ai nommé Paradise Island. Cette île de 6 km sur 1 km est pratiquement totalement occupée par un centre de vacances tout compris, Atlantis, avec hôtels, restaurants, plages, golf, piscines, casino, boutiques de luxes et bassins immenses accueillant les espèces marines des Bahamas…
Des raies au milieu du béton, des requins derrière des vitres et du corail en plastique
Même si les bassins sont gigantesques, j’ai eu de la peine pour les requins, raies, barracudas nageant en aller-retour dans cette prison d’eau et pour le pauvre mérou qui était en train d’agoniser derrière la vitre prévue pour nous permettre d’admirer sa robe rayée !
J’ai aussi une pensée pour les jeunes mariés qui viennent ici profiter de l’offre spéciale lune de miel et qui ne verront que ça des Bahamas, à mon sens c’est vraiment dommage !
Le bleu électrique des eaux frontière d'une passe sans nom
New Providence et Paradise Island, deux îles et deux mondes, avec entre les deux, une sorte de canal d’eaux soumises aux marées, une zone sans nom sur la carte.
D’un côté les marinas chics d’Atlantis, de l’autre des Harbours de Nassau où les bateaux s’amarrent à des pieux de bois et à des pontons bringuebalants… D’un côté, les yachts rutilants avec équipage en nombre, de l’autre des bateaux rouillés qui se cachent pour mourir sous les deux ponts reliant ces deux mondes !
D’un côté des gens qui se paient des taxis à un prix forfaitaire de 50 $ la course, de l’autre des bus qui ne sont empruntés que par les « petites gens ». D’ailleurs, quand nous avons demandé où prendre le bus, on nous a gentiment répondu qu’il n’y en avait pas !!! Peut-être pour donner du travail à un ami taxi mais peut-être aussi, parce que quand Fabien et Laura ont pris le bus, ils étaient les seuls blancs à bord !
Les 2 côtés du chenal sans nom
A Nassau, nous avons senti une tension, un malaise dans la population (surtout de couleur), qui après plusieurs jours, quand la confiance s’était installée, a commencé à nous confier que la vie était difficile pour les travailleurs, que la santé coûtait trop cher, que le gouvernement aidait surtout ses amis.
Nous avons depuis effectué quelques recherches et nous avons lu que le racisme est présent surtout envers les nombreux migrants (Haïti, Cuba ...) qui semble-t-il, subissent aux Bahamas de mauvais traitements. Ils ne sont a priori pas les seuls à y être discriminés, c’est aussi le cas des femmes pour lesquelles la constitution ne prévoit pas les mêmes droits que pour les hommes ou encore pour la communauté LGBT… Et c’est sans parler des prisonniers « oubliés » dans les prisons ou de la peine de mort encore en vigueur !
Il y a fort à craindre que sous les « eaux frontière » entre Nassau et Paradise Island stagne le bleu électrique d’une colère larvée…
En savoir plus :
Alors oui, les Bahamas sont le pays de tous les bleus
Vous l’aurez compris, Les Bahamas nous ont semblé un espace entre terre et mer où se sont donnés rendez-vous tous les bleus de la création, des plus limpides aux plus tourmentés.
Désolée de vous avoir entraîné aussi sur l’envers du décor mais il me semblait important de vous donner une vision au-delà de la carte postale du pays de Rakkham Le Rouge et de Barbe Noire.
Toutefois, je n’oublie pas le côté face de la carte postale car c’est l’un des pays les plus beaux qu’il m’ait été donné de voir jusqu’à présent...
... et la croisière avec Laura et Fabien a comblé nos yeux d’une infinie splendeur et nos cœurs d’un immense bonheur !
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