Nos colibris de Medellín s'appellent John-Alexander, Maria ou encore Thomas... Ils ont touché nos cœurs avec leurs œuvres ou leurs actions, ils ont éveillé notre envie de comprendre le passé douloureux et la résilience de cette ville, ils nous ont parfois bouleversé au point de changer nos plans pour leur donner un coup de main ! Et là, je pense à toi Thomas, toi qui t'es lancé dans un projet à la fois dingue et magnifique !
Mais connaissez-vous la légende des colibris ?
Une légende amérindienne
Il était une fois un colibri qui vivait heureux dans une immense forêt avec tout un tas d'animaux beaucoup plus balèzes que lui... Mais un jour, il y eut un immense incendie et tous les animaux prirent la poudre d'escampette pour échapper aux flammes. Quelle ne fut pas la surprise du tatou quand il croisât le colibri qui volait à contre-sens de tous les animaux effrayés ? "Mais que fais-tu Colibri ? Tu n'es pas fou ? Sauve-toi !" Le colibri lui répondit simplement "Je fais juste ma part !" et il continua sa noria emportant à chaque fois une seule petite goutte d'eau dans son bec pour combattre le feu !
A chacun sa goutte d'eau
Oui, les colibris n’emmènent qu'une goutte d'eau, quelques pots de couleurs, un break acrobatique, un mouchoir blanc ou leurs économies pour un projet fou... Leur action peut paraître dérisoire mais à Medellín comme dans la forêt en feu, ils contribuent à changer le monde, à le rendre plus beau, à nous redonner foi et espoir dans l'humanité !
Mais tous nos colibris ont une particularité, ils vivent à la Comuna13 (prononcé trécé), un quartier de Medellín autrefois consumé par la violence et le feu des armes... Alors pour mesurer l'importance de chacune des gouttes d'eau qui font petit à petit refleurir ce quartier, je vais vous parler d'eux bien sûr mais aussi de l'histoire de ce barrio et de ce pays...
Note : Pour ceux, qui veulent en savoir un peu plus sur l'histoire, vous trouverez plus d'infos en fin d'article. (Cliquer ici)
Une goutte d'eau en forme de pinceau
John Alexander Serna, le premier colibri dont je voudrais vous parler, est un artiste de street-art plus connu sous le nom de Chota13... 13 comme la Comuna13 où il réside et peint ! Ce quartier, vous en ignorez probablement le nom, pourtant il a fait la une de la presse internationale en 2002.
De la violence et l'horreur...
Pour comprendre ce qui s'est passé ici, il me faut vous donner quelques repères... La Colombie a vécu pendant des années un conflit armé des plus meurtriers sur fond de désaccord pour le partage des richesses et de la terre. D'un côté, de grands propriétaires terriens qui emploient des paramilitaires pour protéger leurs biens avec le soutien d'une police et d'une armée plus ou moins sous le contrôle d'un état corrompu... de l'autre, des groupes armés d'obédience communiste qui réclament par la violence une répartition plus juste des richesses ! Si vous rajoutez une ingérence des États-Unis qui agissent non pas pour le bien des colombiens mais dans leur propre intérêt, que vous saupoudrez le tout d'un peu de cocaïne comme pourvoyeur d'argent frais pour les uns et les autres, que vous pimentez l'affaire de quelques kidnappings et extorsions diverses, vous obtenez un cocktail détonnant avec des milliers de morts et de déplacés...
La Comuna13 est née de cette histoire dramatique, ce quartier de Medellín ayant attiré des milliers de personnes fuyant le conflit ! Mais malheureusement, la position géographique de ce bidonville s'est avérée stratégique pour tous les groupes armés et autres criminels : tous voulaient en prendre le contrôle car, situé telle une porte ouvrant vers le nord du pays et donc la mer des Caraïbes, il était l'endroit idéal pour devenir une plaque tournante du narcotrafic. Totalement abandonné par l'état, le quartier est devenu l'une des zones les plus dangereuses du monde. En proie à des bandes rivales, les habitants vivaient dans la terreur essayant de se tenir éloignés des frontières invisibles qui définissaient les territoires des gangs rivaux !
... à la résilience et la couleur
Aujourd'hui, le quartier est pacifié et San Javier, l'un des secteurs de la Comuna13, accueille chaque jour une multitude de touristes.
Les guides qui pilotent les voyageurs sont le plus souvent des habitants du barrio et tous sont fiers de faire découvrir les dizaines d’œuvres de street-art qui racontent leur histoire et leur résilience, leurs luttes et leurs rêves...
Chota13 est sûrement le plus connu et le plus influent d'entre eux, car nombreuses sont les œuvres qu'il a peintes sur les murs de San Javier.
J'aurais pu citer beaucoup d'autres artistes, des danseurs de hip-hop, des rappeurs... car l'art s'avère, ici comme ailleurs, l'un des moyens de survivre et parfois dépasser les traumatismes que ce soit à titre individuel ou collectif.
Si chacune de ces fresques est un message d'espoir pour les habitants, elle dynamise aussi l'économie du quartier.
Le graffiti-tour qui propose aux touristes d'admirer et de décrypter ces peintures murales permet à des centaines de familles de vivre des revenus de petits commerces : boutiques de souvenirs, de tee-shirts, restaurants...
L'argent récolté permet aussi de conduire des actions auprès des jeunes, pour les éloigner autant que possible de la violence et des trafics.
Comment cette transformation s'est-elle propagée ? Est-ce que ce sont les jeunes du quartier qui ont attrapé toujours plus de bombes de peinture pour exprimer l'indicible et les drames vécus ? Est-ce que c'est la municipalité qui a impulsé cette créativité en fournissant le matériel ?
Quoi qu'il en soit, les couleurs ont commencé à recouvrir les impacts de balle et la ville a décidé d'investir dans le quartier, pour rembourser ce que Sergio Fajardo, maire de 2004 à 2007, a nommé la "dette historique" de la ville envers les habitants de la Comuna13.
De nombreux projets ont été conduits par Fajardo et par les maires suivants :
Amélioration des services publics (écoles, électricité, gestion des ordures ménagères...)
Désenclavement du quartier avec la création d'un téléphérique et des fameux Escaleras, ces escaliers mécaniques qui permettent à tous d'escalader plus facilement la colline de San Javier !
Ne croyez-pas que tout soit réglé dans le quartier, des bandes sévissent encore et je ne suis pas certaine qu'il serait recommandable pour un touriste étranger de s'y balader la nuit... j'ai même entendu dire que certains rappeurs un peu trop prolixes l'auraient payé de leur vie ! Mais quoi qu'il en soit, la plupart des habitants bénéficient de ces transformations et ils sont fiers de montrer qu'ici l'art embellit la vie dans tous les sens du terme.
Une goutte d'eau en forme de mouchoir blanc
Maintenant, je vais vous parler de Maria Socorro Mosquera, une femme qui a fait montre d'un courage inouï lors de l'opération Mariscal.
Mariscal et Orion : des opérations de "nettoyage" hors de contrôle
A la Comuna13, la violence a atteint son paroxysme en 2002 lorsque les autorités ont envoyé l'armée et les forces de police pour de vastes opérations de "nettoyage" ; les plus dramatiques de ces opérations furent celles baptisées Mariscal et Orion.
Le terrain de foot est devenu un lieu d’exécutions sommaires...
... et la décharge située un peu plus loin sur la colline, un véritable charnier !
Officiellement encadrées par le parquet, ces interventions se sont avérées totalement hors de contrôle avec la participation de paramilitaires qui exécutaient un maximum de gens... le montant des primes qu'ils allaient toucher leur important plus que le respect des droits de l'homme !
Un mouchoir blanc contre la barbarie
Mais lors de l'opération Mariscal, le 21 mai 2002, une femme, Maria Soccoro Mosquera a décidé de brandir le mouchoir blanc qu'elle portait toujours sur elle puis elle s'est mise à crier “Cese al fuego, no disparen más, queremos vivir” (Cessez le feu, ne tirez plus, nous voulons vivre).
Son courage s'est répandu comme une trainée de poudre magique et de nombreux habitants l'ont rejointe en brandissant derrière elle des chiffons, des draps, des tee-shirt... Le cortège paré de blanc partit réclamer le cessez-le-feu dans les rues escarpées du quartier... A un moment, Maria a dû se jeter par terre pour éviter des salves de tirs et tout le monde s'est précipité comme elle vers le sol mais tous se sont relevés et tous ont repris leur marche.
Un peu plus tard, Maria a crié " "Qu'est-ce que vous faites ?" et contre toute attente, les hommes en arme lui ont répondu et ont cessé le feu. Au milieu des pleurs, tout le monde a commencé à crier le nom de Maria "Socorro, Socorro", mais celle-ci a répondu "Non, ne dites pas Socorro, mais dites les femmes, car sans la voix des femmes, la vérité n'est pas complète !".
Une goutte d'eau en forme d'hostal
Laissez-moi maintenant vous parler de Thomas, ou plutôt devrais-je dire de Monsieur Thomas Quintreau, car c'est un grand Monsieur que ce jeune homme !
La vie est une petite maline facétieuse
A priori, rien ne prédestinait Thomas à abandonner son job dans la région grenobloise : une formation dans une grande école de Management, un savoir-faire reconnu pour lever des fonds pour des start-up, le sentiment d'agir en cohérence avec ses valeurs en assistant des clients engagés dans l'innovation scientifique au profit de l'environnement et, comme on peut facilement l'imaginer à ce niveau de compétences et de formation, un bon salaire. Mais la vie est une petite maline facétieuse et lors d'un voyage de Thomas en Colombie, elle a décidé de placer sur son chemin une maman solo de la Comuna13 qui lui a dit être gravement malade. Thomas s'est demandé comment il pouvait l'aider sur le long terme en trouvant un projet qui lui permettrait de concilier vie de famille, soins à l'hôpital et rentrée d'argent régulière ?
En homme habitué à concevoir des business-plans, il a trouvé la bonne idée : créer des chambres d'hôtes puis mobiliser réseaux sociaux et acteurs du tourisme pour y attirer les voyageurs en recherche d'authentique...
L'océan n'est-il pas fait de milliers de gouttes d'eau ?
Comment ? Une bonne idée avec des chambres d'hôtes dans un quartier tristement connu pour son passé de violence dans une ville tout aussi célèbre pour ses histoires de conflit armé, trafic de drogue et kidnapping en tout genre ! Je vous l'avais dit, ce garçon est fou... mais comme il est aussi intelligent et persévérant, son projet s'est concrétisé avec Call Me Mami !
Peu importe, si la dame qui avait déclenché le projet n'était en fin de compte pas digne de confiance !
Peu importe si toutes les économies de son PEL y sont passées !
Peu importe, s'il faut composer avec des chefs de clans dont l'influence et les règles sont encore très présentes dans le quartier !
Peu importe !!!
Le résultat vaut tous les doutes qu'il a fallu surmonter, l'énergie qu'il faut déployer chaque jour et tout le travail à fournir au quotidien :
Des familles peuvent vivre dans la dignité dans un habitat rénové...
Des jeunes reprennent confiance en dispensant des cours qui valorisent leurs talents...
Des mamans retrouvent le sourire en cuisinant pour leurs invités...
Et des enfants vont partir pour la première fois voir la mer !
Bien sûr, à l’échelle d'un pays, d'une ville, d'un quartier de 160000 habitants, ce n'est qu'une infime goutte d'eau mais les océans ne sont-ils pas fait d'une multitude de gouttes d'eau ?
Changement de programme pour les Shazzans !
Lors de notre séjour à Medellín, nous avions prévu d'aller visiter la ville et ses alentours mais il nous a semblé qu'il y a avait des choses plus importantes et urgentes à faire comme de la peinture ou du nettoyage de fin de chantier à l'Hostal del Cielo.... la toute nouvelle auberge de jeunesse que Thomas allait ouvrir à la Comuna13 pour aider toujours et toujours plus ses habitants !
Alors nous n'avons pas vu Guatape ou la place Botero mais nous avons suivi cette petite maline facétieuse qu'est la vie...
Et nous en sommes ravis !
Le site de Call Me Mami : https://www.callmemamihostal.com/
Le site de l'hostal del cielo: https://www.hostaldelcielo.com/
Et Pablo Escobar, me direz-vous ?
Parlant de Medellín, vous ne comprendriez pas que je n'évoque pas Pablo Escobar ! C'est encore aujourd'hui, une figure qui partage les colombiens et les habitants de Medellín !
Pour certains, il est le démon dont le nom transparait dans les larmes de tant de familles endeuillées... Pour d'autres, il reste l'ange qui a construit des maisons pour les plus pauvres !
Une chose est certaine, c'est que nous n'avons vu que peu de portraits de lui à la Comuna13 sauf sur les tee-shirt vendus aux touristes !
Alors, la Colombie, Christine ?
Je n'ai pas trop envie de méditer sur les mains tachées de sang, de m’appesantir sur les narcotrafiquants qui sévissent sur la côte pacifique ni me désespérer de la corruption qui gangrène sans-doute encore beaucoup de politiciens colombiens...
Je préfère m'inspirer de la sagesse ancestrale de nos grands frères Kogis, eux qui tentent de nous transmettre leurs savoirs millénaires avec la volonté de protéger l'harmonie de Terre-Mère et l'équilibre de toute chose !
Je préfère puiser mes ressources dans la puissance et la beauté de la nature amazonienne, une nature à laquelle je me suis sentie appartenir, au même titre que n'importe quel animal, au même titre que n'importe quel végétal, minéral ou... goutte d'eau !
Je préfère me nourrir de la résilience de ce pays, un pays fier de son métissage, un pays dont l’énergie bouillonnante est tournée vers l'avenir...
L'un des rares pays où je me suis dit " Je pourrais vivre ici !".
Bonus pour mieux comprendre l'histoire de la Comuna13...
Pour comprendre l'histoire de la ville de Medellín et surtout de Comuna13, il nous faut d'abord nous plonger dans l'histoire du pays et la genèse des forces en présence pendant des décennies. Que ce soit les milices armées financées par les grands propriétaires terriens (avec souvent l'aval de l'état) ou les groupes d'inspiration communistes qui ont émergé pour défendre les petits paysans, tous ont fini par trouver leurs ressources dans le trafic de drogue et autres extorsions.
L'origine des conflits : le partage de la terre et de la richesse
Remontons à 1903... Le Panama, soutenu par les États-Unis qui veulent y construire un canal, se sépare de la Colombie. Par la suite, le pays se développe et y émerge une classe ouvrière agricole portant des revendications sociales pour le moins légitimes. Mais leurs manifestations sont réprimées dans le sang. La plus plus tristement célèbre, le « Masacre de las bananeras » qui a eu lieu en 1928, a inspiré Gabriel García Márquez dans Cent ans de solitude.
Dans les années 1930 à 1940, la concentration de la terre entre les mains de quelques grands propriétaires favorise le développement d'un puissant mouvement paysan visant à l'obtention d'une réforme agraire. Entre 1945 et 1948, plus de 15000 paysans sont assassinés par des groupes armés soutenus par les propriétaires terriens.
En 1948, c’est l'assassinat du maire de Bogota, Eliecer Gaitan qui déclenche une guerre civile : candidat du parti libéral à la présidentielle, son programme inclut une réforme agraire limitant l’emprise des plus grands domaines agricoles. Ce projet est inacceptable pour les grands propriétaires terriens soutenus par le parti conservateur et l'armée. On comprend pourquoi la guerre civile qui en découle est nommé "La Violencia" au regard des 300000 victimes de ce conflit qui a duré presque une décennie !
Les forces en présence : politiques, révolutionnaires et paramilitaires
Après cette guerre civile, la Colombie connaîtra un coup d'état avec une période de dictature dont la politique de gauche autoritaire (accompagnée d'une répression des paysans « communistes » et de l'amnistie de quelques guérilleros libéraux) ne résoudra en rien les tensions.
En fin de compte, les deux grands partis politiques ont fini par conclure, pour une durée de 15 ans, un pacte d’alternance, le "Frente Nacional", l'idée étant de se partager le pouvoir politique. Mais la fin de la guerre ne sonne pas la fin des guérillas et des milices paramilitaires, et toutes continueront à s'affronter pendant des années et des années. En effet se développent dans les années 60 des mouvements comme celui des FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie) et l’ELN (Armée de Libération Nationale) et on peut considérer que ces groupes appelés aussi guérillas, sont le produit de toutes ces luttes et violentes répressions.
Pour vivre, ces groupes armés révolutionnaires se sont lancés au fil du temps dans la culture et la vente de produits narcotiques mais aussi dans des kidnappings... et ils y ont aussi probablement perdus une partie de leurs objectifs sociaux initiaux. Une violence en engendrant une autre, les grands propriétaires ont créé en réaction des milices privées d'autodéfense... Ces groupes paramilitaires d'extrême droite, comme l'AUC (Autodéfenses unies de Colombie), étaient souvent proches des cartels et de l'armée, et elles ont profité du conflit armé pour s'accaparer toujours plus de terres sans craindre de commettre toutes sortes d'exactions. Le pays est alors entré dans un tourbillon de violence qui semblait sans fin et sans limites.
Si certains des présidents suivants ont plus ou moins tenté des négociations avec les forces en présence (avec plus ou moins de résultats compte tenu de l'ampleur du conflit et des intérêts financiers en jeu), le pays a aussi dû compter avec des présidents liés à des scandales comme Ernesto Samper impliqué dans l'un des plus grandes affaires de corruption du pays avec une campagne électorale largement financée par le cartel de Cali ou encore Alvaro Uribe, un président dont le nom est souvent associé au drame des "faux-positifs", ces milliers de jeunes gens assassinés par l'armée colombienne en les faisant passer pour des guérilleros ou des délinquants tués au combat, afin d'améliorer les résultats statistiques des opérations militaires.
Comme aurait dit ma mémé Berthe "O l'en a pas un pour rattraper l'aut', o l'est tout chti pis vauren" soit en meilleur français, "Il n'y en a pas un pour rattraper l'autre, ils sont aussi pourris les uns que les autres !" Elle aurait pu ajouter que, en fin de compte, ce sont toujours les plus pauvres qui trinquent... mais bon, là, je ne vous apprend rien !
L'impérialisme américain dans toute son horreur... euh splendeur !
Et si ma mémé avait aussi été plus férue en histoire mondiale, elle aurait aussi pu souligner l'interventionnisme des USA : outre leur implication dans la séparation du Panama et de la Colombie, ils ont longtemps (toujours ?) exercé une influence sur le devenir du pays... Il nous a été rapporté que le pays de l'oncle Sam aurait manigancé pour que les pays d'Amériques Centrale et du sud se dédient principalement à un type d'activité économique ; par exemple, en proposant des prix d'achat plus élevés, ils ont réussi à orienter une grande partie de l'agriculture colombienne vers le café... Quand le dispositif a été bien en place et que de nombreux paysans étaient monoculture, ils ont baissé les prix de manière drastique et les paysans se sont retrouvés dans la misère, ce qui n'a fait qu'exacerber le climat de tension du pays ! De plus, devenu au fil du temps, le premier partenaire économique de la Colombie, les États-Unis ont largement influencé la politique colombienne, voir ils se sont carrément ingérés dans la conduite et les affaires intérieures du pays (https://fr.wikipedia.org/wiki/Relations_entre_la_Colombie_et_les_%C3%89tats-Unis).
Et maintenant ? On avance, on avance, c'est une évidence !
En 2016, des accords de paix ont finalement été signés et même si les exactions ont encore eu lieu de part et d'autres (assassinats d'activistes de gauche par des sphères proches du pouvoir, attentats à la voiture piégée par l'ELN...), le pays est en voie d'apaisement, la violence a diminué, des progrès significatifs sont constatés en matière de sécurité, de développement et de justice sociale... Et d'ailleurs, nous ne nous sommes à aucun moment senti en insécurité lors de notre périple dans le pays même s'il faut dire que nous ne sommes pas allés traîner nos guêtres vers la zone proche du pacifique réputée plus dangereuse.
En savoir plus : https://www.ritimo.org/Chronologie-et-histoire-de-la-Colombie
Retournons maintenant à Medellín
Dans les années 1960 donc, de nombreux paysans sont venus se réfugier sur les hauteurs de Medellín ce qui donné naissance à des bidonvilles. L'un d'eux, la Comuna 13 occupait une position géographique qui en faisait la porte d'entrée/sortie vers le nord du pays et donc vers la mer des Caraïbe. De ce fait, ce barrio était stratégique pour le narco-trafic et les guérilleros révolutionnaires en ont disputé le contrôle aux paramilitaires d'extrême-droite pendant des années... Le quartier, abandonné par les pouvoirs publics, était devenu une zone de non-droits où régnait la plus grande violence.
Je vous passe toutes les étapes et les dates des conflits dans cette zone entre bandes rivales, gangs, guérillas, milices, paramilitaires, forces publiques même si, les citer serait une manière de rappeler le nombre de victimes et la douleur de tant de familles ! Oui je sais Mémé Berthe, "o l'en a pas un pour rattraper l'aut' et c'est encore et toujours les petits qui trinquent !!! "
Si voulez plus de détail, vous en trouverez sur wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_urbaine_dans_la_Comuna_13_de_Medell%C3%ADn_(2001-2003).
Mais la violence a atteint son paroxysme en 2002, lorsque les autorités ont envoyé l'armée et les forces de police pour de vastes opérations de "nettoyage" de la Comuna13, comme lors des opérations baptisées Mariscal ou Orion... officiellement sous le contrôle de la justice mais dans la réalité sans aucune forme de contrôle de ce qui se passait réellement dans les rues et les maisons du quartier ! Les paramilitaires se sont retrouvés comme par hasard au milieu des forces en présence et ils ont tué à tour de bras... Imaginez, on leur donnait une prime pour chaque voyou tué (guérilléro, membre de gang, narco, milicien) alors ils se sont cagoulés pour se faire passer pour des informateurs et ainsi guider leurs copains vers de pseudo-nids de voyous qu'ils tuaient sans autre forme de procès... Et ils ont continué leurs crimes pendant des jours, assassinant femmes, enfants, jeunes : pour toucher leurs fichues primes, ils "déguisaient" les dépouilles pour les faire passer pour des voyous et ainsi toucher leur "récompense"...
Les semaines suivant l'opération, ce sont des escadrons de la mort qui, durant le couvre-feu, entraient dans les maisons pour en tirer les habitants, qu'ils tuaient le plus souvent à l'arme blanche pour éviter le bruit des détonations. Pendant ces opérations ordonnées, je le rappelle, par les autorités officielles, la commune est devenu un champ de bataille, le terrain de foot le lieu d’exécutions sommaires... et un peu plus haut sur la colline, la décharge publique s'est transformée en un véritable charnier. Malgré les efforts de la municipalité, des corps y pourrissent encore aujourd'hui, sous les immondices, autant de dépouilles qui perdent chaque minute la petite chance qui permettrait de leur donner un nom et le respect qu'ils méritent, quelle que fut leur histoire !
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