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Journal de transat à deux voix

En route pour une transatlantique de 17 jours et 9 heures entre Mindelo au Cap Vert et l’île de Santa Lucia aux Caraïbes... soit un périple de 2 149 Milles Nautiques qui va vous être conté à deux voix, celles de Christine et Bernadette.






30/01/2022 C’est parti ! - Christine

« C'est parti... à nous les Antilles !

01/02/2022 Mes premiers quarts - Bernadette

Il est 16h37 heure locale (-2h). Les capitaines sont allés se coucher après avoir empanné (changé les voiles de bord).


Je suis seule pour encore deux heures et demie. Deux bateaux aux alentours.


Je dois surveiller les sargasses qui s'emmêlent sur les ficelles de l'hydrogénérateur. Ce sont des algues jaunes qui dérivent en nappe à la surface.




02/02/2022 L’huile, c’est pire que le lait ! - Bernadette

Je suis de quart depuis 13h et jusqu'à 16h. Il fait beau, nous avons un vent régulier du Nord entre 20 et 30 nœuds. Nous avançons à environ 6 nœuds. Toujours beaucoup de sargasses, des nappes entières. J'ai amélioré mon équipement de quart : je l'ai complété avec la pelle à ordures. Ça me permet de ramasser plus facilement les poissons volants tombés dans le bateau pour les remettre à l'eau.


Quelle bonne idée j'ai eu hier de refaire de la mayonnaise ! La bouteille d'huile a suivi le même chemin que le lait et les céréales il y a quelques jours.


Oui mais l'huile c'est très chiant, c'est pire que le lait, ça glisse.


Pas question de laisser sur le sol la moindre trace. J'en avais aussi sous les chaussures. On peut dire que ça m'a pris un certain temps...


J'ai beaucoup de bonnes idées comme ça. Par exemple, pour aérer la cabine, j'ai ouvert le hublot extérieur. Pas longtemps, sauf que je l'ai oublié et ... une vague a trouvé le chemin... Pas terrible de dormir dans un lit mouillé.



C'est notre troisième jour. La moyenne est plutôt bonne, plus de 130 milles par jour. Nous comptons de 15h30 à 15h30, heure à laquelle nous avons quitté le ponton de Mindelo.

Toujours très organisé à bord, nous avons fait quarts à deux une seule journée. Dès le 31, j'ai assuré seule mes quarts. Un quart de trois heures et un repos de six. Ça permet de bien récupérer mais aussi de se retrouver pour déjeuner le midi. Chaque jour, l'heure de notre quart de décale de 3h. Celui qui est sur le pont de 10h à 13h fait le repas, le suivant la vaisselle. Aujourd'hui Christine a cuit la dorade coryphène pêchée hier. Une partie est en ceviche. Depuis que nous sommes sur les quarts à trois, nous nous voyons beaucoup plus évidemment.


03/02/22 Premier changement d’heure – Christine

Les alizés, bien établis, nous poussent tout schuss vers les Antilles avec presque 400 milles en 3 jours... Hier, nous avons pêché une belle dorade coryphène de 76 cm qui est venue améliorer l'ordinaire... du coup la ligne est au sec, on la remettra dès qu'on aura envie de poisson...

Les quarts à trois sont beaucoup plus relax, on déjeune ensemble et on a même eu du temps pour un petit yams...


Aujourd'hui nous allons changer d'heure car nous avons 3 heures à récupérer d'ici les Antilles.


Le ciel se dégage et les températures montent au grand plaisir de l'équipage.


04/02/22 Pensée spéciale pour nos petits enfants - Christine

Tout va nickel à bord, bon vent même s'il est plus faible ce matin. L'ambiance est excellente et je crois bien que le frère et la sœur "kifent leur life" sentiment que je partage pleinement.

Avec la mise en place des quarts en solo, on a vraiment du temps ensemble pour profiter, échanger, jouer, progresser en réglage de voiles, cuisiner... D'ailleurs, une pensée spéciale pour nos petits enfants Krystal et Lyam car, hier, leur papou nous a régalé avec des tortipizzas.


06/02/2022 Les voiles en ciseaux par Bernadette

Les alizés nous poussent de l'est vers l'ouest. Pour naviguer le vent doit venir plutôt de côté, s'il se rapproche trop de l'axe du bateau, celui-ci ne peut plus avancer correctement, les voiles claquent et peuvent vouloir passer de l'autre côté, le bateau ralentit.

Imaginez un cercle gradué de 0 à 360. Positionnez le nez du bateau sur 0 et le centre de l'arrière sur 180 (la diagonale coupe le bateau en deux). Eh bien, avec des positions de voile "classiques" (les deux voiles du même côté et sans spi), il n'est pas possible de naviguer si le vent souffle trop à l'arrière, dans l'axe du bateau entre 150 et 210°.


Alors hier matin nous avons expérimenté une nouvelle configuration (déjà testée une fois sur Shazzan) : mettre les voiles en ciseaux.


Cette configuration est très efficace !

La grand-voile est calée grande ouverte à gauche (sur bâbord), et le génois (grande voile d'avant) est positionnée sur tribord (à droite).


Pour ouvrir au maximum le génois nous l'avons gongonné ; c'est à dire que nous avons relié son extrémité externe (l'écoute) à un tube en métal horizontal (tangon) fixé d'un côté au bas du mat de la grand-voile. Le génois est ainsi contraint à rester très ouvert (son écoute est à l'extérieur du bateau à l'autre extrémité du tangon).


Les voiles sont en ciseaux, elles se présentent un peu comme les ailes d'un papillon.




Plusieurs points positifs :

  • Nous pouvons recevoir les vents au-delà de 150° (mais sans dépasser 180 sans quoi la grande voile voudrait rejoindre l'autre côté).

  • Le bateau est très stable, roule moins et ses mouvements sont plus doux.

  • Le rapport vitesse du vent/vitesse du bateau est nettement plus performant. Le bateau conserve une vitesse intéressante même quand le vent faiblit.

Deux inconvénients :

  • Nous devons rester positionnés au plus proche de l'axe du vent. Le dispositif ne fonctionne plus si le vent se met plus au travers du bateau (en dessous de 140°). C'est pourquoi nous avons réglé le pilote automatique non pas sur un cap mais sur l'axe du vent (qui varie continuellement mais reste toujours globalement est/ouest). La route est moins rectiligne et notre trace plus "approximative" mais nous gagnons en vitesse et en confort ce que nous perdons en cap.

  • Deuxième inconvénient : la mise en place et le changement de positionnement des voiles demandent plus de temps.

Nous avons donc tangonné le génois hier matin, passé la journée à voir ce que cela donnait. Bilan très positif. La question de remettre un dispositif plus classique pour la nuit s'est posée (car il est plus délicat d'intervenir sur les voiles et d'aller sur le pont de nuit). Nous avons tranché pour conserver les voiles en ciseaux. Eh bien, c'est génial ! Chacun a pu dormir tranquille, moins balloté, plus à l'horizontale et avec des mouvements plus doux. Celui qui est de quart intervient beaucoup moins en dehors du tour d'horizon (toutes les 20 minutes car nous sommes loin des côtes et sommes équipés d’un AIS) et de la veille sur la force du vent qui pourrait nous obliger à défaire les dispositifs. Expérience très concluante.


En fonction des prévisions météo à venir et du cap que nous devons suivre, il nous faudra revenir à des configurations plus classiques mais nous savons que nous pouvons utiliser celle-ci en cas de vent de dos et par faible vent.


07/02/22 Merci mes pieds ! - Bernadette

En me levant ce matin, Dominique et Christine avaient des têtes de comploteurs. Je sais qu'aujourd'hui nous allons marquer les 1000 miles (dans quelques heures). Demain nous passerons notre modeste "point Nemo" (notre point le plus éloigné de toute terre*).

En attendant je pense à mes pieds. Je ne les ai jamais autant remarqués, je n'y ai jamais porté d'attention, aujourd'hui c'est différent.

Quelle idiotie l'expression "bête comme ses pieds" !



Le plus souvent nous allons pieds nus, la température le permet. Vivre pieds nus sur un bateau est très agréable. Les pieds sont le premier facteur d'équilibre, de ressenti de la verticalité. Sur un support en constant mouvement ce n'est pas rien ! Dans le cockpit, dans le carré, ils sont sans cesse sollicités et, discrètement, se chargent de nous maintenir debout. Les miens apprécient le grand air, ils ont complètement dégonflé, je les ai rarement vu aussi jolis, sveltes et bronzés, pour un peu j'en tomberais amoureuse. En tout cas je leur suis reconnaissante. Les yeux fermés, ils me renseignent, je ressens la texture du bois, les vibrations du bateau, la houle et le roulis, et mon corps tout entier s'adapte au moment présent. Tandis que le haut de mon corps balance amplement de bâbord à tribord, d'avant en arrière dans une chorégraphie permanente, ils restent ancrés, solides et sensibles. Pour peu que mes mains agrippent solidement une prise, alors je peux fermer les yeux et jouer avec cette balançoire, suivre le mouvement ou encore l'amplifier.


De nuit j'améliore le jeu en repérant une étoile ou la lune au-dessus du mat, ne la quitte pas des yeux. J'imagine que l'étoile et ma tête sont immobiles dans l'espace et le reste de mon corps se charge des changements nécessaires pour conserver cette immobilité. C'est très agréable de constater qu'il sait faire ça sans que le cerveau intervienne. Même que, si le cerveau intervenait, que je commençais à réfléchir à comment je dois bouger, ça marcherait beaucoup moins bien. C'est un peu comme un autre inconscient, qui travaille pour moi.

Tout est mouvant autour de nous, la mer, l'air. Shazzan est comme un petit bouchon qui flotte. Mes pieds sont un trait d'union intelligent, sensible, sensuel, entre moi et ce petit bouchon.


Merci mes pieds !


* Le vrai point Nemo a été calculé il y a quelques années pour répondre à la question suivante : quel est, à la surface du globe, le point le plus éloigné de toute terre ? Des scientifiques se sont penchés sur cette question et ont déterminé sa position. Il se trouve je crois dans le Pacifique sud (latitude 48° 52’ 31’’ Sud et longitude 123° 23’ 33’’ Ouest).


07/02/2022 Une journée inoubliable ! Un rêve ! - Bernadette

Nous vivons un éternel présent

D'aucuns pourraient penser qu'il ne se passe pas grand-chose jour après jour sur un bateau qui traverse l'Atlantique. Certes, depuis le 30 janvier, notre horizon est la mer, de quelque côté que l'on se tourne. Et les seuls bateaux croisés apparaissent sur l'écran de l'AIS, rarement de visu. Pourtant, le rythme des quarts, les vagues, la houle, le vent, les voiles, la pêche, les repas, la lumière, les nuits avec ou sans lune, avec ou sans nuage nous absorbent dans un présent sans cesse renouvelé. J'ai renoncé très vite à compter les jours du mois, de la semaine. Nous vivons un éternel présent.


Depuis plusieurs jours nous n'avions plus de couchers de soleil, horizon trop ennuagé. Et puis, hier soir, le ciel était dégagé et nous avons eu un magnifique coucher de soleil que nous avons vécu en pensant beaucoup à Gaby (*) et à notre famille du sud-ouest. Le vent est tombé cette nuit, nous avons affalé le génois et mis le moteur.



(Note : Gaby, l’oncle de Dominique et Bernadette et le parrain de Dominique nous a quitté pendant la transat).


La journée d'aujourd'hui a été très exceptionnelle à plusieurs titres.

Tout d'abord, en me levant, comme je l'ai déjà dit, Dominique et Christine avaient des têtes de comploteurs. Ils travaillaient sur l'ordinateur, je les entendais s'esclaffer de temps en temps. Je savais qu'ils préparaient quelque chose pour mes premiers 1000 milles sans escale. Et puis, en m'installant à l'extérieur, j'ai aperçu un truc très bizarre à cette distance des terres : une mouche. Elle a dû naître sur le bateau. Vision à la fois familière et incongrue.


La cérémonie des 1000 Milles

En fin de matinée le moteur a été coupé, la grande voile affalée et j'ai attendu les capitaines en maillot de bain dans le cockpit...

J'ai eu droit à une formidable cérémonie me décernant officiellement, après délibération, le titre de membre officiel de l'équipage, au nom des capitaines, d'Éole, de Neptune et des dieux du voyage.


Cérémonie arrosée de trois bénédictions d'eau de mer et de rhum.



Un bain au beau milieu de l'Atlantique

Dans la foulée et comme nous avions la chance de n'avoir pas de vent et très peu de courant nous nous sommes baignés dans une eau d'une couleur, d'une limpidité incroyable (je voyais mes pieds) et d'une température idéale. Il faut dire qu'il a fait très chaud aujourd'hui (30°).


Quand je pense qu'il y avait des kilomètres d'eau sous mes pieds !!!


Jouissif !



Un déjeuner en terrasse 360°

Nous sommes restés là un moment, pas pressés du tout de remettre le moteur, profitant du calme, du silence et du bonheur d'être ici, ensemble, sur cette extraordinaire terrasse. Pour trainer encore un peu nous avons décidé de déjeuner dehors. La table a été installée, la nappe, les assiettes et couverts ont remplacé les bols-cuillères habituels et nous avons très bien mangé : quiche, cassoulet, mousse au chocolat maison avec une bonne bouteille de vin rouge. Je me souviendrai toujours de ce moment, c'était la première fois que nous avions de telles conditions de paix des éléments et ça tombait pile la journée de mes 1000 milles

Inoubliable !


Un apéro avec un marin du Vendée Globe

Et pourtant ce 7 février nous réservait encore une très belle surprise....


Nous avons repris la route sous un ciel toujours sans nuage et une mer très calme. Dans l'après-midi, Dominique et moi profitions du soleil, tranquillement pendant que Christine se reposait. Nous avions un peu oublié nos tours d'horizon à 360° toutes les vingt minutes (il faut dire que ça fait plusieurs jours que nous n'avons pas vu un chat) et puis j'ai aperçu un voilier à l'horizon. Les seuls bateaux croisés depuis le départ étaient des cargos ou de gros bateaux de pêche mais là, c'était bien un voilier. Dominique les a joints à la VHF.


C'était un catamaran avec quatre membres d'équipage parmi lesquels.... un navigateur du Vendée Globe !!! Eric Dumont (allez voir son palmarès). Vous le croyez ça ?


Ils convoyaient le voilier pour le livrer à Saint Martin. On a échangé avec plaisir, on a parlé météo et conditions de vent dans les prochains jours. Lorsque que nous avons répondu positivement à leur demande fichiers météo récents, ils ont fait route vers nous.


Et là, franchement nous avons vécu un truc incroyable.


Imaginez le plein milieu de l'Atlantique, pas un chat, et puis deux bateaux à couple (amarrés l'un contre l'autre). Ils ont sorti une bouteille de blanc, les verres et nous avons pris l'apéro ensemble, discutant le bout de gras autour d'un baril reconverti en bar. Une clé USB pour copier le dernier fichier météo. La mer toujours aussi calme, le soleil se couchant. Nous étions heureux tous les 7 de cette rencontre improbable au milieu de nulle part. Tout le monde a pris des photos. Puis nous avons largué les amarres, détachés les bateaux, et le catamaran et son équipage a repris la route sur un fond de ciel rougeoyant.

C'était mon quart et je les ai vu encore longtemps traçant leur route devant nous.


Quand je vous dis que cette journée est inoubliable !!! Un rêve !


Il est presque 22 heures, mon quart se termine. La mer calme scintille sous le reflet de la lune. Ainsi s'achève une très belle journée.


08/02/22 La queue de baleine - Christine


Assise confortablement sur le pont

Dos appuyé au mât


L'océan serein à perte de vue

Juste une légère houle qui va et vient


Les voiles d'avant sont enroulées

Mon regard peut embrasser l'horizon


Le soleil sur mon flanc gauche

Un souffle de vent léger sur mon flanc droit

Quelques flocons de ouate gris-blanc

Ponctuant le bleu limpide du ciel


Le rythme doux de la longue houle

L'eau qui s'écarte devant l'étrave

Caresse la coque en fines bulles

Se rejoignant pour former sillage

Trace éphémère de notre passage...


Ici assise à l'avant du bateau

Le soleil chauffant mes muscles endoloris

Je laisse s'effilocher mes pensées dans le sillage de Shazzan

Et chaque parcelle de mon moi

De mon âme

De mon corps

De mon conscient

De mon inconscient

Se ressource

Se nourrit

Se recentre

Prend du plaisir

Silence intérieur

Jouissance instinctive

Paix et plénitude...


Et sur bâbord une majestueuse queue de baleine

Apparaît, émerge, monte vers le ciel

Puis repart en un arc parfait vers les profondeurs


11/02/2022 Un point à mi-parcours - Christine

Nous voilà à un peu plus de mi-parcours entre le cap vert et les Antilles, un bon moment pour faire le point sur cette première partie de traversée.


Une super équipière à bord

Bernadette est une excellente équipière. Son envie d'apprendre, sa motivation, sa jugeote et ses qualités humaines en font une équipière hors pair que nous nous réjouissons d'avoir à bord ... et je peux vous assurer qu'elle a bien intégré qu'en navigation tout objet non calé (bol de céréales ou bouteille d'huile) avait une propension à finir sur les planchers...


Adieu Code Zéro

Le vent faible persistant les jours suivants nous a contraint à avancer au moteur mais, au premier souffle un peu plus soutenu, nous avons installé notre Code 0 (zéro) une voile d'avant d'une très grande surface en tissu tout léger qui permet de naviguer à la voile même par petit temps (pour les navigateurs depuis le bon plein jusqu'au grand largue).


Mais les caprices d'Eole conjugués avec un instant d'absence du pilote automatique ont fait empanner Shazzan et notre déjà fatigué et réparé Code 0 n'a pas apprécié son frottis-frottas avec l'enrouleur de trinquette : il s'est déchiré dans la partie haute de la chute....


Au vu de l'état d'usure générale du tissu, inutile de le réparer à nouveau, nous en ferons faire un neuf. Pas de souci, nous avons encore 3 voiles d'avant à bord, qui, même si elles ne sont pas utilisées dans les mêmes conditions que le défunt Code 0, nous amèneront aux Antilles.




La vie à bord

Faire des quarts à 3 rend la vie à bord beaucoup plus agréable : on peut dormir sur de plus longues périodes et avoir du temps ensemble tous les 3 dans la journée pour déjeuner, discuter, continuer la formation de Bernadette, bricoler, pêcher, jouer... Et croyez-moi jouer à "devinez qui je suis" avec Bernadette est quelque chose qu'il faut vivre au moins une fois dans sa vie. Imaginez, chacun écrit sur un papier le nom d'un personnage réel ou fictif ou encore d'un objet, met le papier sur le front de son voisin, ce dernier devant deviner qui il est, c'est-à-dire deviner ce qui est écrit sur le papier sur son front...

Bon, deviner Charlemagne ou Blanche Gardin... facile ! Mais quand Bernadette vous demande de deviner que vous êtes la première dorade coryphène pêchée depuis Mindelo ou mieux encore la seringue de votre 3eme dose vaccinale... Cela agite vos neurones dans un premier temps et pour finir vos zygomatiques !


Sacrée Bernadette !



Côté nourriture, le temps calme a transformé Shazzan en succursale de Bocuse : quiche Lorraine, légumes rôtis au four, gratin de courge pomme de terre quenelles, mousse au chocolat, riz au lait caramel... mais je parierais bien que la cuisine va devenir plus simple au fur et à mesure que le vent va monter !


Hommage à Gaby

Hier 10 février à 10h30 (heure française) avait lieu la sépulture du parrain de Dominique, Gaby, un amoureux de la nature, un être joyeux proche de sa famille. Pour lui rendre hommage, nous avons arrêté le bateau et nous avons parlé de lui dans le soleil levant. Nous nous sommes tenus les mains en fermant les yeux pour envoyer toutes nos pensées à son épouse Noëlle, ses enfants Thierry, Béatrice et Cécile ainsi qu'à tous ses proches.


13 février : un dimanche à la maison - Bernadette


Le dimanche sur Shazzan c'est Palace et gastronomie.


La douche du dimanche, quel bonheur !

Côté Palace, ça commence par un petit déjeuner souriant (comme d'hab, mais aussi parce que c'est dimanche) puis allumage du moteur. Ah bon me direz-vous, pourquoi allumer le moteur alors qu'il fait beau, que le vent souffle dans la bonne direction, que les voiles nous portent et que les batteries sont pleines ? Et bien simplement pour avoir de l'eau chaude pour se laver les cheveux et prendre une douche, perspective réjouissante.

Pour la douche deux options, soit le grand cabinet de toilette à l'avant ou, comble du snobisme "Palace", douche en plein air, dans le grand cockpit avec vue sur mer et ciel.


Les chochottes (le frère et la sœur) optent pour l'intérieur qui dispose de l'eau chaude.


Christine pour le cockpit à l'eau froide.


A terre on réalise peu l'intense plaisir d'être tout propre après plusieurs jours de toilette minimaliste.


Vêtements propres du dimanche (même s'ils ne sont pas repassés). On est tout beaux.



La journée peut se poursuivre, une légère euphorie flotte dans l'air.


Côté gastronomie... adieu la diététique

Côté gastronomie, les dimanches nous nous éloignons un peu de la diététique (dimanche dernier c'était quiche lorraine et mousse au chocolat). Étant de quart aujourd'hui de 10 à 13 heures il me revenait de préparer le repas. Nous en avions défini la composition de manière démocratique (et à l'unanimité) hier ou avant hier : ce serait choucroute et fondant au chocolat maison. Pour la choucroute pas de problème elle est déjà toute prête. Par contre, pour le fondant c'est un peu plus sportif. Le bateau roule et j'ai déjà expérimenté le vol plané de lait aux céréales, d'huile et autres petits objets dans des conditions similaires.


D'abord « Faire fondre le chocolat et le beurre au micro-onde » ...


Ça commence bien ! Pas de micro-onde à bord, mais ma génération a connu le bain marie (que les plus jeunes se renseignent si besoin).


Bain marie Palace-Shazzan c'est à dire à l'eau de mer, les casseroles sur le feu.


Je précise que le bloc cuisine est articulé, deux feux et un four qui pivotent sur un axe pour que le tout reste horizontal.



C'est très malin et visuellement un peu perturbant mais ça marche du tonnerre et j'ai pu réaliser mon bain marie sans aucun débordement.

Une fois la recette réalisée, j'ai versé la pâte dans mon plat avant de le mettre au four. J'ai mal choisi l'emplacement du plat qui a commencé à glisser lors d'un roulis un peu plus prononcé ... mais étant sur le qui-vive, d'un geste vif et sûr, j'ai sauvé la situation. Au four 11 minutes.


Passage à table : apéro-cacahuètes (c'est la fin des délicieuse arachides en bouteilles achetées à Banjul). Puis choucroute et enfin fondant au chocolat. On est loin de l'équilibre mais qu'est-ce que c'est régressif. Ça fait envie non ?


16 février : la mer est japonaise - Bernadette

Ma première émotion graphique. J'étais en cinquième et, au détour d'une page de mon livre d'histoire, je suis tombée sur une minuscule vignette représentant une vague gigantesque avec en arrière-plan le Mont Fuji. L'émotion a été très forte, le mouvement de la vague, l'écume, les barques des pêcheurs. Une espèce de perfection m'a frappée Je l'ai regardée très souvent cette année-là. J'avais très envie de la découper pour la garder.

Des années plus tard j'ai recroisé cette estampe d'Hokuzai mais jamais je n'ai retrouvé l'émotion qu'elle m'avait procuré.


Et puis voilà, il y a deux ou trois jours le vent a forci, une houle impressionnante s'est installée, la crête des vagues s'est ourlée d'écume et j'ai à nouveau ressenti cette beauté des mouvements majestueux de l'eau. Le tableau reprend vie et je suis dedans. Comment décrire l'impression de la houle. Un ample mouvement créant à chaque instant des collines et des vallées. Ces collines éphémères s'approchent par l'arrière ou sur le travers masquant l'horizon. La houle va plus vite que le bateau et celui-ci surfe, se laisse porter, emporter jusqu'aux sommets, faisant découvrir dans leur sillage des vallées larges et profondes que le bateau surplombe un instant avant de dévaler leurs flancs en quelques secondes, dans une glissade inexorable et douce. La houle dégage une impression de force, elle nous aborde, nous soulève, nous fait rouler et nous dépasse, dans une succession d'instants qui semblent parfois se suspendre, se dérouler au ralenti puis s'accélérer.


Le spectacle c'est aussi le vent qui souffle, le bruit des vagues qui déferlent et se brisent, le soleil qui révèle au sommet des crêtes des transparences en camaïeux de bleus-verts. Et l'eau qui s'enroule et retombe sur elle-même lorsque la vague se brise en nappes de dentelles blanches et mousseuses.


Toutes ces nuances de couleurs, le bleu profond ou métallique, les turquoises incroyables, les reliefs ponctués de blanc jusqu'à l'horizon. Et les nuées de poissons volants qui surgissent de l'eau comme des nuées de sauterelles lorsqu'on marche en plein champ.

J'aurais voulu capter la beauté de ces paysages vivants, vibrants, pour pouvoir vous les partager mais ce n'est pas possible. Naviguer c'est décidément vivre l'instant, la mer ne se conjugue qu'au présent et c'est bien ainsi.


Comment partager ce moment où, casque sur les oreilles, Dominique nous a fait écouter le duo "Léo Delibes The Flowers " alors que le soleil se levait dans ce décor unique. Quelle émotion ! Ce morceau restera définitivement et profondément lié à cet instant.

Cette mer japonaise, je ne l'aurais pas pleinement goûtée si je n'avais vécu tous les moments d'avant, depuis le début de la traversée. Ces moments qui m'ont appris la confiance en moi, m'ont fait découvrir, expérimenter, comprendre et apprivoiser le bateau, les éléments, les sensations nouvelles. J'en ressens une gratitude infinie. Je me sens bien.



17/02/2022 Une arche pour l’arrivée - Christine

Dernière nuit en mer avant l’arrivée sur les Antilles et des sentiments contrastés, à la fois le bonheur de se dire que ça y est, on a traversé l’Atlantique et la nostalgie que cette parenthèse hors du temps, ancrée dans chaque instant présent, s’arrête... Et aussi la tristesse de penser que Bernadette va bientôt quitter le bord.


Mais lors de ma prise de quart à 10h, quelle ne fut pas ma surprise en sortant de ma cabine...


Dominique avait mis des feuilles-messages un peu partout... Et je vous avoue que cela m’a remplie de joie !



  • « Terre, Terre »

  • « Bravo Shazzan, le meilleur bateau »,

  • « Merci Neptune, le meilleur dieu DIEU de la mer »

  • « Merci Eole, le meilleur dieu DIEU du vent »

  • « Merci, très chère membre honorifique devenue membre d’équipage – Shazzan ne t’oubliera pas » message auquel j’ai ajouté « ... ni ta PGS » avant le lever de Bernadette

  • « Merci Commandante – La meilleure commandante, tu es ma QUEEN »,

Et je me suis empressée d’accrocher une nouvelle feuille sur les boiseries de Shazzan

  • « Merci Capitaine – Équipe – Équipe – Équipe » car c’est toujours ce que Dominique me dit quand je suis dépitée de devoir lui demander son aide pour pour pallier mes difficultés de mobilité...


Et puis un moment plus tard, un arc en ciel majestueux reliant Santa Lucia à la Martinique est venu nous accueillir en formant comme une arche surplombant notre ligne d’arrivée...


Nous avons ancré dans la baie de Rodney Bay à Santa Lucia après 17 jours et 9 heures de navigation et 2 149 Milles Nautiques parcourus !


Comme toujours à bord, le shazzan collectif a été suivi d’une embrassade ma fois pleine d’émotions !


Elle est pas belle la vie ?

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