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Itinéraire Bis en Gambie : le fleuve

Une fois les prothèses livrées au centre de mobilité de l’hôpital de Banjul, nos jeunes équipiers Nav’Solidaire (Stéphanie, Antoine et Boris) ont poursuivi à terre leurs activités et rencontré différentes structures en lien avec leur association en Gambie et au Sénégal. Pour nous, la mission s’achevait là et notre visa de 3 semaines nous permettait de continuer la découverte de ce merveilleux pays qu’est la Gambie. Nous avons passé quelques jours dans le mouillage improbable de Lamin Lodge, géré par une communauté rasta (mais chut, nous vous en dirons plus dans un prochain article !), pour mettre le bateau en ordre et profiter du calme de ce petit coin perdu dans la mangrove...

Mais très vite nous avons eu envie de continuer notre immersion en terre africaine et de partir à la rencontre des habitants du fleuve Gambie... et cela nous a tellement plu que nous y sommes retournés un peu plus tard avec Bernadette, la sœur de Dominique qui est venue pour 2 mois sur Shazzan.


Adieu hippos, crocos, singes !

Nous sommes partis, les jumelles dans une main et la mini caméra dans l’autre, parés pour immortaliser nos rencontres animalières. Nous rêvions crocodiles, hippopotames et singes mais, connaissant d’avantage les mœurs des lapins de garenne que celles des animaux africains, nous avons fait preuve d’un optimisme immodéré voir démesuré :

  • Les hippopotames ne vivent qu’en eau douce ; il faut remonter très loin le fleuve pour en observer ce que nous ne pouvions pas faire pour plusieurs raisons : d’une part, il nous fallait être de retour le 22 décembre pour accueillir Bernadette à l’aéroport et, d’autre part, il faut un tirant d’air de moins de 17 mètres pour passer sous le pont Sénégambia qui enjambe le fleuve... et nous avons 20 mètres avec les antennes... Adieu hippos !

  • Quant au crocodiles, informations prises auprès des villageois, ils sont très craintifs et se cachent plus profondément dans la mangrove ! Nous aurions pu envisager de jouer les aventuriers animaliers avec notre annexe mais la mangrove est un véritable labyrinthe et Christine une rameuse « In progress ». Adieu crocos !

  • Et les singes alors ??? On les a cherchés avec un villageois, dans les manguiers et les palmiers, mais les coquins se planquaient bien dans les branches et nous n’avons pu apercevoir qu’une trainée rousse furtive qui passait d’un arbre à un autre.... Pour la petite histoire, le lendemain à Lamin Lodge, sans les chercher, nous en avons vu plusieurs et de près !




Contrairement à Perette, nous n’avions pas tout perdu... Nous n’avons vu ni hippos, ni crocos mais nous avons été accompagnés par une escadrille de dauphins en pleine représentation, nous avons admiré l’envol des aigrettes sur la mangrove, pris l’apéro avec pour seule ambiance musicale le chant d’oiseaux, nous avons eu le souffle coupé devant des paysages d’une sérénité à vous faire chuchoter pour ne pas en perturber l’harmonie...




Mais surtout, nous avons approché peut-être d’un peu plus près la réalité de ce pays en visitant des villages plus reculés où nous avons pu échanger longuement avec des Gambiens. Nous avons aussi été heurtés en entendant en filigranes le passé de dictature du pays ou en nous retrouvant projetés dans la funeste histoire de l’esclavage à Kunta Kinteh.


L'île au milieu du fleuve : une vigie pour ne pas oublier

James Island ou Kunta Kinteh ?

Un petit confetti au milieu du fleuve à quelques milles de Banjul attire notre œil, nous lisons « James Island ».


Nous savons que la Gambie a été sous domination anglaise mais nous nous étonnons que cet îlot porte encore aujourd’hui un nom anglais.



Après quelques recherches, nous découvrons que l’île a été un enjeu entre les pays colonialistes en tant que lieu de commerce de l’or et de l’ivoire puis comme base pour le rassemblement des esclaves avant leur embarquement pour les Amériques. Les premiers européens à s’y installer furent les portugais qui la baptisèrent Saint Andrews.



En 1651, ce sont les colons allemands qui y construisirent un fort. Elle a ensuite été sous domination hollandaise, britannique et française. Elle a gardé le nom donné par les britanniques en l’honneur de James, Duc de York, jusqu’en 2011, date à laquelle le pays lui a donné officiellement le patronyme d’un esclave rebelle « Kunta Kinteh ».



Dix ans après, il serait peut-être temps de respecter la décision des Gambiens et d’indiquer le nom qu’ils ont choisi pour cette île sur toutes les cartes et sites internet !


Un lieu de mémoire pour transmettre leur histoire aux enfants gambiens

Nous avons visité l’île en compagnie de groupes d’enfants et ainsi pu bénéficier des explications de leurs guides Aliu et Mamoudou.

En effet, l’île accueille de nombreux groupes de scolaires qui peuvent ainsi mieux approcher l’histoire de leur pays. Il est important qu’un pays s’approprie son histoire et que des lieux en gardent la mémoire. Kunta Kinteh est le témoin d’une époque où des étrangers ont colonisé les terres, se sont appropriés les richesses.



Elle porte en elle l’histoire de l’esclavage où des hommes vendaient leurs frères et où d’autres les transportaient pour utiliser leur force de travail en niant une part de leur humanité. La visite de l’île nous a replongé dans l’horreur de l’esclavage, le commerce des hommes et femmes dont on estimait la valeur marchande selon la teinte de leur peau, un « capuccino » valant plus qu’un « ébène », un commerce qui voyait en une femme enceinte une « deux en un ».

Comment ne pas être bouleversé quand tu traverses la Cancel Room, la salle où on donnait un nouveau prénom aux esclaves qui étaient ainsi ravalés au rang de marchandises ; en

perdant leur prénom et nom de naissance, marques de leurs racines et de leur identité, ils devenaient selon le « Code noir » des « biens meubles ».




Comment ne pas être profondément touché quand tu passes devant la prison où l’on enfermait les plus récalcitrants, les nourrissant à peine pour mieux les mater...


D’ailleurs on n’hésitait pas à tuer ceux qui ne pliaient pas, le prix de la tranquillité des geôliers !



On parquait les esclaves sur cette île, dans des conditions d’insalubrité déplorables, avant de les embarquer vers le « Nouveau Monde », en catimini, sur une plage cachée du village situé sur la rive droite du fleuve.


Une fois les enfants partis, une pause sous les baobabs nous a permis de laisser résonner en nous ce que cette île raconte de notre propre histoire.

L’érosion a fait disparaitre au fil du temps semble-t-il 5/6 de sa superficie ; espérons que son classement au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2003 permettra de la sauvegarder. https://whc.unesco.org/en/list/761/



La vie de village vue au travers de nos visites

Nous avons visité deux villages, Tendaba et Bintang Bolong. A Tendaba, le village le plus en amont sur le fleuve accessible pour notre voilier, nous avons rencontré les enfants et le maître d’école. Ce dernier n’était jamais monté sur un voilier et nous l’avons invité à bord, ce qui fut l’occasion d’échanger sur l’organisation du village, l’école mais aussi d’aborder des thèmes plus sensibles comme la politique, l’immigration ou la religion. Bintang Bolong est une bourgade plus importante, majoritairement musulmane et nous l’avons arpentée avec un guide local, une visite plus axée sur l’économie locale, la découverte des arbres et des cultures vivrières locales.


École : fréquentation mixte et en progrès

Kebba et les écoliers de Tendeba

Dans le village de Tendaba, les enfants ont naturellement été nos premiers interlocuteurs, ils couraient sur le ponton pour venir nous accueillir sur la rive où nous avons beaché pour faciliter le débarquement de Christine et deux petits, rapides, ont grimpé vite fait dans l’annexe quand Dominique est retourné l’amarrer au ponton...




Les enfants nous demandaient d’où nous venions, comment nous nous appelions. Très vite, un beau jeune homme nous a rejoint, il s’agissait de Kebba, le maître d’école, qui nous a proposé de venir visiter l’école. Nous voilà partis pour la traversée du village, les yeux grands ouverts mais sans appareil photo car nous n’avons pas envie de jouer les toubabs intrusifs et voyeurs... Tout le monde nous salue, le vieux monsieur qui se repose allongé sur une natte, la jeune fille qui pile le mil sous le regard de sa mère, même le motocycliste tout fier de nous montrer son deux-roues.


L’école est constituée de quelques bâtiments en dur couverts de tôles ondulées avec une cour centrale en terre battue. Dans la salle de classe, où les enfants tiennent absolument à nous montrer leurs cahiers, le tableau noir indique les devoirs à faire à la maison, en particulier la table de 4 ! Les enfants s’assoient à des bureaux artisanaux, deux places, dont la table sert aussi d’ardoise.





Le maître a juste une chaise sans estrade ni bureau et tout le matériel scolaire est soigneusement rangé dans deux malles métalliques. Au mur, autant de feuilles plastifiées que de lettres de l’alphabet.

L’école accueille les enfants de villages voisins, ce qui porte le nombre d’écoliers, garçons et filles, à plus de 70... il faut donc se partager les quelques salles de classes, un groupe le matin, un autre l’après-midi.


Kebba nous explique qu’il n’est pas rémunéré car personne ne peut payer. Avant, il complétait ses fonctions à l’école par la vente de plats cuisinés aux touristes mais cette petite source de revenu s’est tarie avec le Covid. Il vit donc dans sa famille et les parents d’élèves contribuent à le nourrir. Le matériel de classe est soit donné par des ONG - majoritairement européennes - soit acquis grâce aux contributions financières des touristes ou des voiliers qui accostent sur la rive du fleuve. Kebba tient un registre avec les coordonnées des donateurs afin de suivre les comptes de l’école.


La visite s’est terminée en chansons avec une prestation enthousiaste et bien sonore des enfants et un chant en français de Christine et Dominique.


English et arabic schools


Dans Banjul et les gros villages, l’éducation est aussi assurée par des écoles privées payantes dites écoles anglaises.


Il semble que les plus pauvres aillent à l’école coranique où on leur enseigne le coran, l’arabe mais aussi un peu d’écriture, lecture et calcul.




Selon les données fournies par le gouvernement gambien, le taux de scolarisation qui était, avant 2003, de l’ordre de 50 % est en nette augmentation et le gouvernement prend en charge une partie des frais de scolarisation des filles https://www.accessgambia.com/information/education.html




Scènes de vie quotidienne



Une jeune démocratie qui prône le vivre ensemble

Nous n’allons pas vous faire un cours d’histoire sur la Gambie, vous pouvez consulter les sites suivants pour en savoir plus

Une sortie de 20 ans de dictature en 2016

Par contre, nous allons vous faire part de ce que nous avons compris au travers des propos de nos interlocuteurs, et le fait marquant est qu’ils estiment être sortis d’une longue période de dictature en 2016 avec l’élection de Adama Barrow, le président qui venait juste d’être réélu lors de notre arrivée en Gambie en décembre 2021 (réélu à 53 % dans une élection à 1 tour avec 6 candidats et un taux de participation de 87%).


Une façon de voter « originale »

Comme certains citoyens ne savent pas lire, les élections se déroulent à l’aide de billes de couleur : à son arrivée dans un bureau de vote, et après vérification de son identité, l'électeur est dirigé vers une série de tambours scellés peints aux couleurs des partis des candidats, au sommet de chaque tambour se trouve un tuyau dans lequel l'électeur insère, à l’abri des regards, la bille remise par un agent électoral.

L’insertion d'une bille dans une urne déclenche une clochette, permettant aux scrutateurs de s'assurer que l'électeur n'a voté qu'une seule fois. D’ailleurs, cette « couleur politique » se retrouve parfois aussi sur des petits drapeaux plantés devant les habitations ce qui est une manière d’afficher sa préférence politique.


Une réélection mais des critiques pour le nouveau président

Lorsque nous avons demandé aux personnes ce qu’elle pensait de Adama Barrow, toutes s’accordaient sur le fait que son arrivée signait le début d’une nouvelle ère mais les avis divergeaient sur son travail de président : certains le louaient sans réserve car il avait permis à de nombreux villages de disposer d’eau courante, d’électricité ou de dispensaires où des médecins viennent assurer des consultations deux fois par mois.


D’autres étaient plus critiques en particulier parce qu’ils estiment qu’il fait « traîner » le processus visant à juger les exactions commises sous la précédente dictature et la mise en place d’une nouvelle constitution... Les plus anciens nous ont dit voter aussi en fonction de l’ethnie du candidat tandis que pour les plus jeunes les projets de développement économique semblent prépondérants.



L'enjeu de la démocratie dans un des pays le plus pauvre du monde

Le tourisme est une ressource essentielle de ce pays, l’un des plus pauvre au monde. Le Covid a durement impacté l’économie gambienne. L’augmentation des prix, en particulier du riz, est aussi un motif de critique récurrent.

Ces divergences d’avis sont rassurantes car elles sont le signe d’une liberté d’expression qui doit être la clé de voute de toute démocratie.




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