Nous vous emmenons aujourd’hui au Lac Atitlàn dans l'Ouest du pays.
Les paysages y sont absolument magnifiques mais nous avons aussi apprécié cette escapade car nous avons pu vivre quelques jours dans une famille maya chez José, Dominga et leur petite fille Sarah. Avec eux, nous avons essayé de comprendre ce qui se jouait dans cette région, où l’avenir semble être en équilibre sur un fil tendu entre les rives du lac.
Un lac sur le fil entre splendeur et asphyxie
Le lac du Petit Prince
Nous sommes allés au Lac Atitlàn en bus et ce ne fut pas une mince affaire car la route doit s’élever au-dessus de la couronne de montagnes volcaniques qui entourent le lac, des routes extrêmement sinueuses et étroites où vous serrez parfois (souvent !) les fesses... Mais quelle récompense quand au détour d'un énième virage en épingle à cheveux, le lac Atitlàn se dévoile dans toute sa majesté !
Ce lac de 130 km2 est le plus profond d’Amérique centrale (350 mètres). Il est entouré d’une chaine volcanique recouverte de forêts, de plantations de café et de cacao. Trois géants de plus de 3000 mètres (les volcans San Pedro, Tolimàn et Atitlàn) veillent sur le lac depuis plus de 84 000 ans.
Sa beauté aurait inspiré Antoine de Saint-Exupéry pour son Petit Prince et autant l'explorateur allemand Alexander von Humboldt que l'écrivain Aldous Huxley l'ont qualifié de plus beau lac du monde.
Un lac qui se meurt peu à peu
Déjà, il reçoit les égouts de tous les villages le bordant ce qui est d'autant plus grave qu'il ne dispose d'aucun ruisseau ou cascade pour évacuer ses eaux (c’est un lac clos dit endoréique).
Soulignons aussi que la gestion locale des déchets est loin d'être exemplaire et les bouteilles en plastiques et autres paquets de chips flottent deci-delà à sa surface et viennent s’échouer sur ses rives…
Et ce n’est que la partie visible de la pollution !
Depuis 2009, des algues toxiques (cyanobactéries) se sont développées après de fortes pluies ayant drainé les résidus d’engrais dans le lac.
L'eau est moins oxygénée et la vie aquatique en souffre terriblement.
Pour couronner le tout, le directeur de la Pan American World Airways a eu la «brillante» idée d’y introduire en 1958 une espèce de poisson prisé par les pêcheurs à la ligne américains, le Achigan à grande bouche. Ce poisson carnivore a causé l'élimination de plus de deux tiers des espèces de poissons du lac et a contribué à l'extinction de la Grèbe de l'Atitlàn, un oiseau endémique rare.
Une prise de conscience de la population
Certains, conscients du problème œuvrent pour limiter ces pollutions. Ils organisent des campagnes de sensibilisation et de ramassage des détritus sur les rives du lac. Par exemple, le village de San Pedro a remplacé tous les sacs plastique par des sacs en tissu, des associations de femmes ont créé une structure de collecte et de recyclage de plastiques, l'association Amigos del Lago Atitlàn organise des campagne de replantation végétale...
Il semble aussi que le gouvernement et certains villages ont réfléchis à des plans de collecte et de traitement des déchets... mais il reste encore beaucoup à faire et vite pour sauver ce joyau.
Un peuple sur le fil entre traditions et modernité
La famille Mendoza : le smartphone dans la ceinture du huilpil
Miguel, notre guide sur les sites mayas, nous avait mis en contact avec Irma Velazquez de San Juan Laguna pour organiser notre hébergement sur place. Dès notre arrivée, Irma nous a conduit chez son beau-frère, José Mendoza, qui allait nous héberger pendant notre séjour.
Nous nous sommes faufilés dans des petits passages entre les bâtiments puis nous avons carrément traversé différentes pièces d'une maison avant d'arriver dans l'habitation de José, de son épouse Dominga et de leur petite fille Sarah. Leur logement (cuisine et chambres) fait partie d'un ensemble plus grand où habitent plusieurs familles (les parents de José et je crois un de ses frères ou sœurs), chacune occupe une partie privative mais partage des espaces communs : les sanitaires et le point d'accès à l'eau avec le grand évier.
Nous avons beaucoup discuté avec cette jolie petite famille, de santé, d'éducation, de leur quotidien. Ils travaillent beaucoup, José conduit son tuk-tuk mais travaille aussi dans des plantations de café ; quant à Dominga, elle s'occupe de l'hébergement de touristes ou d’étudiants du monde entier qui viennent parfaire ici leur espagnol et elle prend soin de leur petite Sarah.
Ce qui m'a peut-être le plus étonné, c'est qu'on a l'impression que sous leur toit cohabitent deux mondes : le monde maya traditionnel et le monde "moderne". Ils parlent espagnol mais entre eux dans l'une des langues mayas. Dominga et parfois Sarah portent le huilpil traditionnel, la grand-mère Josépha cuit ses repas sur une sorte de foyer ouvert au bois, elle tisse des étoffes... mais José et Dominga sont à fond sur leurs smartphones tout comme l’adorable Sarah de haut des 2 ans.
Nous avons partagé leur table et découvert à cette occasion des plats typiques comme les fameux tamales, une sorte de boudin de pâte de maïs avec un peu d'effiloché de poulet à l'intérieur servi avec de la sauce tomate au petit-déjeuner!
J'avoue que Cathy a été la seule à terminer avec enthousiasme le plat !
Ce que j’espère vraiment, c’est que malgré l’afflux de plus en plus important de touristes, ce peuple maya continuera à manger plus de tamales que de paquets de chips autrement dit qu’il saura faire cohabiter sa culture et son développement.
La Coopérative Batz : un exemple de femmes en marche
La situation des femmes au Guatemala m’a semblé elle aussi à cheval entre la tradition et la modernité.
On croise des fillettes travaillant sur les marchés, de très jeunes filles enceintes avec un bambin à la main mais aussi des femmes qui créent leur propre affaire ou se regroupent dans des coopératives pour subvenir aux besoins de leur famille (a priori fréquement monoparentale du fait de l’abandon ou de l’émigration du père).
Le plus souvent vêtues de le leur costume traditionnel, les femmes semblent les gardiennes de la culture maya. Dans un pays où les violences faites aux femmes semblent fréquentes et peu condamnées, elles m’ont aussi paru vouloir prendre leur destinée en main, la leur et celles de leurs filles comme c’est le cas à la coopérative Batz à San Juan Laguna, où la coopérative de tissage est couplée avec une école pour les jeunes filles.
Ici les femmes filent le coton, le teigne et crée des vêtements qu’elles vendent aux touristes. Chaque pièce porte une étiquette avec le nom de sa créatrice qui touchera 80% du montant de la vente, le reste étant utilisé pour la gestion de la coopérative et de l’école associée. Autre point et non des moindres, cette coopérative vise aussi à sensibiliser à l’écologie : adultes et enfants ont récupéré des bouteilles en plastique qu’ils ont remplies de sacs en plastiques usagés puis ils ont utilisés pour fabriquer les cloisons de l’école !
Résilience et solidarité pour atteindre la rive
Alors oui, le lac est une splendeur en sursis et son peuple à la croisée des chemins entre ses traditions et son développement touristique et économique, mais le peuple du Lago Atitlàn a de la ressource…
Santiago : reprendre en main sa destinée après un massacre
En 1990, Santiago a connu un drame, le massacre par les troupes armées de 14 personnes âgées de 10 à 53 ans. Tout avait commencé la veille, quand des militaires, se voyant refusé d’avantage d’alcool par le patron d’une cantina, se sont mis à détruire l’établissement. Les habitants se sont alors regroupés dans la rue et certains ont tenté de parlementer avec les militaires avinés dont la seule réponse fut de blesser l’un d’eux. Dans la nuit, plus de 1500 personnes dont le maire se sont réunies de manière pacifique devant la caserne, tous portant des petits drapeaux blancs, mais la nouvelle tentative de dialogue du maire s’est soldée par un tir de mitraillette sur la foule.
Ce drame entachait encore un peu plus un triste bilan de plus d’une centaine d’assassinats, de disparitions et d’opération de ratissage par l’armée.
Ce massacre ayant été largement dénoncé, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, les habitants ont obtenu le départ de tous les militaires du village.
Depuis, l’armée reste bannie et ce sont les habitants eux même qui se sont organisés pour que la sécurité règne dans le village, des patrouilles circulent dans la ville, armées seulement semble-t-il, de sifflets et drapeaux blancs.
D’après ce que nous avons compris, les villageois ont repris la main sur un certain nombre de choses habituellement dévolues à l’état ce qui aurait semble-t-il redonné vie à l’économie, l’agriculture locale, la justice et les droits des peuples indigènes. Chaque année, une commémoration se tient sur le lieu des événements devenu Parque de la Paz (Parc de la Paix).
Jasmine et Sarah : la clé de l’avenir ?
Jasmine ne s’interdit rien pour son futur
Pour notre dernier jour au Lac Atitlàn, José nous a amené en balade sur le bord du lac…
Un groupe de femmes était en train de faire la cuisine sur la plage tandis que des enfants se baignaient… Nous nous sommes approchés pour voir ce qui mijotait : une soupe-ragout de poulet que les femmes nous ont proposé de goûter. Manifestement, elles imaginaient que, étrangers que nous étions, nous allions refuser car elles étaient juste mortes de rire quand nous avons accepté avec un plaisir non dissimulé.
Ce fut un bref moment d’échange mais d’une grande intensité, nous étions honorés qu’elles nous invitent et elles, que nous savourions leur caldo de gallina… Les enfants sortaient de l’eau tout grelottant accompagné de Cathy qui était allé tremper ses pieds dans le lac.
A un moment, la petite Jasmine a regardé Cathy droit dans les yeux en lui affirmant qu’un jour elle apprendrait le français et irait à Paris…
Voilà ce qui se passe quand l’ouverture d’esprit des uns et des autres permet le partage joyeux d’un caldo de gallina, les petites filles n’ont plus de barrières et ouvrent tous les possibles.
Sarah ou l’art de communiquer
Sarah, la petite fille de Dominga et José a l’habitude de voir des étrangers dans sa maison et cela ne lui pose aucun problème, bien au contraire.
Ses parents comme elle bientôt parlent deux langues, la langue maya de leur ethnie et l’espagnol mais elle entend aussi parler en anglais, en français, en allemand…
Violaine est aussi allé, sur notre recommandation, passer quelques jours chez José et Dominga avec les Pikaïa.
Elle m’a rapporté que Sarah tentait par toutes les manières de communiquer avec elle, elle communiquait par geste « dormir », « manger » en ajoutant toujours le mot « amiga », amie !
J’ai de l’espoir pour ces funambules
Pour une fois, mon article est plus sérieux mais j’ai été impressionnée par ce peuple qui essaie vraiment de se développer en préservant la meilleure part de ses traditions, c’est du moins ce que Dominique et moi, nous avons ressenti.
Ce peuple tente de prendre les choses en main dans un pays où comme nous l’avons déjà écrit, l’état est corrompu et peu présent pour sa population.
Ici, les uns peignent des fresques pour passer des messages sur la contraception ou l’écologie, d’autres ont repris en main la sécurité de leur village, d’autres créent des coopératives et des écoles pour les filles, d’autres encore développent l’économie en proposant des cours d’anglais, de cuisine maya…
Et quand je repense à José et Dominga, j’ai foi dans l’avenir du peuple maya du Lago Atitlàn, ils me semblent un couple qui trouve le chemin entre la tradition et la modernité, un couple où tous les deux prennent soin de leur enfant et l’un de l’autre, bien loin de la vision très patriarcale généralement donnée sur la société guatémaltèque.
Crédit Photos : Equipage Shazzan, Violaine Parcot, Cathy Bellony
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