Pérou #7 : Huaraz et la Cordillera Blanca
- voiliershazzan
- 20 oct. 2024
- 8 min de lecture
Vous aurez remarqué, que nous n'arrêtons pas de "yoyoter" avec l'altitude...

... et bien le jeu continue car après les 500 mètres de Nazca, nous repartons à Huaraz, une petite ville située à plus de 3000 mètres qui sera notre camp de base pour explorer la Cordillera Blanca.
Nous avons hésité avant de choisir cette destination car c'est le paradis des randonneurs (donc potentiellement l'enfer pour moi) mais comme nos copains Alicia et Kevin nous l'avaient chaudement recommandée et même établi une liste de lacs et points de vue facilement accessibles, décision fut prise de s'y rendre!
Au programme se perdre dans le bleu du lac Cancaraga dans les hauteurs de Punta Olimpica, goûter au Pachamanca avec Genaro et Teresa, imaginer le rugissement du Jaguar se propageant dans les galeries de Chavin et prendre les eaux dans une grotte thermale à Chancos !
Rien ne se passe jamais comme prévu !
Nous avions prévu un bus de nuit pour arriver au petit matin à Huaraz et nous avions réservé pour le 15. Nous nous sommes donc pointés le 15 au soir pour prendre le bus, bus qui était parti la veille car le 15 était la date d'arrivée du bus de nuit qui était parti le 14 ! Il nous a fallu trouver hôtel et taxi et réserver de nouveaux billets pour le lendemain 7h50... Autant vous dire que la nuit a été courte et que nous étions bien fatigués lors de notre arrivée à Huaraz !
Lorsque notre hébergeur Javier est venu nous donner les clés, nous avons bien sûr papoté. Ce retraité était auparavant chirurgien mais il donne encore des consultations et fait des échographies pour arrondir sa retraite.

Nous lui avons demandé conseil pour les visites et il nous a aussitôt proposé de nous mettre en contact avec l'un de ses amis, instituteur retraité qui possédait une voiture et connaissait très bien la région... Bien nous en a pris de suivre ce conseil car Genaro s’est avéré être non seulement un excellent conducteur mais aussi un guide hors pair et une personne très amicale !
Comme quoi, petit scarabée, il faut prendre les choses comme elles viennent, les contre-temps comme les bonnes surprises !
Noir, blanc, bleu !
Le noir de la Cordillera Negra
Pour comprendre ces histoires de Cordillera Blanca et Negra, le mieux est de se rendre au mirador qui surplombe Huaraz !

En observant les montagnes alentour, on constate que la ville est située entre deux cordillères, la blanche et la noire. Au temps jadis, cette distinction n'existait pas car tous les sommets étaient enneigés mais au fil du temps, les brises marines venant de l'ouest ont fait fondre les neiges des premières montagnes qu'elles rencontraient sur leur passage... Avec la perte de leur immaculé manteau, cette chaîne de montagne, ultime protection des pics enneigés de la Cordillera Blanca, a été rebaptisée Cordillera Negra.
Après cette explication depuis le mirador, la suite de la balade nous a conduit à la laguna de Villacucha et autant vous dire que nous avons encore une fois serré les fesses car la piste enjambait un ruisseau par un pont à peine plus large que la voiture et de plus constitué de quelques pièces de bois à l'allure bien fragile !

Arrivés à destination, nous avons observé les villageois qui œuvraient tous ensemble pour entretenir le petit lac de montagne, une forme de travail communautaire que nous avons, je le crains, oubliée en Europe. Nous avons fini la matinée en partageant un plat typique : Pachamanca, avec Genaro et son épouse Teresa.
Le blanc de Punta Olimpica
Punta Olímpica est un col de haute montagne connu car son tunnel routier est le plus élevé du monde (4736 m) !

Vous ne connaissez peut-être pas Punta Olimpica, mais je suis certaine que vous avez déjà vu sans le savoir, l'un des sommets de la Cordillera Blanca : celui de l'Artesonraju (6025 m) ! Et oui, il a servi de modèle pour dessiner, en 1953, le logo de la Paramount ; en effet, le patron de cette compagnie trouvait que c'était le plus beau sommet du monde, il l'a choisi comme emblème et il était ravi de le voir à chaque chaque générique de film produit par sa société de production !
Le bleu des lagunas comme celle de Cancaraga
Il y a de nombreux autres lacs de montagne... mais l'avantage de celui-ci est qu'il est accessible en voiture !

Découverte des cultures pré-incas de la région
Nous avons commencé notre séjour par la visite du musée local afin de commencer à appréhender les cultures pré-incas de la région. Nous avons particulièrement apprécié l'exposition de vêtements et tissus mais aussi le jardin avec sa belle collection de monolithes et linteaux sculptés à caractère religieux.
Pèlerin de Chavin, écoute le rugissement du guépard
Une civilisation considérée comme la mère des civilisations andines
Connaissez-vous le peuple Chavin ? Il aurait vécu selon l'Unesco de -1500 à 300 avant JC dans cette région de la Cordillera Blanca. C'est l'une des premières grandes civilisations andines qui, rompant avec le mode de vie des chasseurs-cueilleurs, s'est lancée dans l'agriculture et l'élevage. Elle a aussi introduit le travail du bronze et de l’or en Amérique du Sud et inventé la soudure. De plus, elle a progressé dans l'art de la poterie et du tissage tout en développant le commerce (obsidienne, laine des camélidés, plumes d’oiseaux ...).

A son apogée vers 800 avant JC, Chavín de Huantar, le village auquel ce peuple doit son nom, était devenu un carrefour commercial entre plusieurs peuples mais c'était aussi un centre cérémoniel dont l'influence religieuse s'étendait jusqu'au centre du littoral pacifique.

Le site de Chavín était dirigé par les prêtres et les "nobles" que l'on reconnaissait à leur tête déformée.
Dès la naissance, on utilisait des bandes et d'autres méthodes de pression pour modeler la tête des nourrissons ce qui n'avait pas d'impact négatif sur le cerveau mais rendait l’élite reconnaissable.
Le pouvoir des prêtresses et prêtres de Chavin
La culture Chavín reposait sur le concept de dualité structurant l’univers : bien-mal, jour-nuit, masculin-féminin et c'est d'ailleurs l'une des cultures antiques où l’on retrouve des femmes aussi bien que des hommes occupant la fonction de prêtre.

Les Chavíns vénéraient plusieurs dieux et en particulier un dieu mi-homme mi-félin, muni de deux sceptres et reconnaissable à ses immenses canines. Toutefois, jaguar, condor et serpent occupaient aussi une place de choix dans sa cosmogonie (théorie expliquant la formation de l'Univers). Les prêtresses et prêtres de Chavin détenaient un immense pouvoir sur la population de part leurs connaissances sur les astres, le cycle des saisons et donc sur l'agriculture alors les pèlerins venaient les consulter pour obtenir de meilleurs récoltes.
Toutefois, afin de fortifier leur emprise sur le peuple, ils avaient aussi recours à ce que je qualifierais de techniques de manipulations de masse. Lors des cérémonies, ils officiaient depuis leur castillo en forme de pyramide tronquée et les fidèles se rassemblaient sur la place centrale située en contrebas. Les rusés prélats utilisaient les galeries souterraines reliant le castillo et la place pour véhiculer jusqu'aux pèlerins des sons, des odeurs et même des lumières. Les fidèles impressionnés tremblaient de peur en entendant les rugissements de jaguar qui sortaient du sol car bien sûr ils ignoraient qu'ils étaient générés par les religieux à l'aide d'un système utilisant l'eau et amplifiés par leur propagation dans les galeries. Si on ajoute au tableau l'inhalation de poudre du cactus de Pédro (un bon petit psychotrope) et le son des conques à fond dans les oreilles, la rave-party type Chavin avait toutes ses chances d'atteindre son but !
Décadence du système théocratique
Tant que les résultats sont là, tout va bien mais si, un jour, les fidèles s'aperçoivent que malgré offrandes et prières, les dieux de la météo font la sourde oreille et que les récoltes ne sont pas à la hauteur des promesses, le peuple commence à douter et le pouvoir théocratique vacille.
Si cette remise en question du pouvoir divin des classes dirigeantes s'accompagne d'une certaine maîtrise des activités productives, des désirs d'émancipation émergent dans le peuple et c'est ainsi que chaque région sous influence Chavin a commencé à s'organiser avec ses propres entités politiques. L'influence de la civilisation Chavín a alors petit à petit déclinée face à l'émergence de cultures plus localisées.
La visite du site

Le site est encore en cours d'exploration car il présente, vous l'aurez compris, un intérêt majeur pour la connaissance des civilisations andines même si pour le touriste, ses vestiges ne sont pas spécialement impressionnants.
On peut déambuler sur le site, faire le tour de ce qui était la place centrale dominée par les restes du castillo, reconnaitre les formes zoomorphes de son portique sculpté.
Le plus immersif consiste à s'engouffrer dans les galeries souterraines où l'on peut découvrir le Lanzon, une pierre rituelle, verticale et entièrement sculptée, placée au cœur du labyrinthe formé par les tunnels.

Nous avons complété nos connaissances sur ce peuple par une visite du musée associé présentant entre autres de nombreuses sculptures de type cabeza-clava (tête-clou).
Dernier rafraîchissement aux Baños termales de Chancos
Êtes-vous déjà allés au hammam dans une grotte chauffée par un volcan ?

Rendez-vous était pris avec Genaro à 6h30 pour aller prendre les eaux à Chancos. Nous étions à l'heure pétante sur le bord de la rue avec maillots et serviettes dans notre sac à dos ! Après une heure de route, nous sommes arrivés sur place et nous avions alors plusieurs possibilités pour prendre les eaux, une baignade dans une piscine d'eau thermale, une immersion dans une baignoire où infusaient des herbes médicinales ou un séjour type hamman dans l'une des grottes.
Les températures à l'intérieur des grottes s'échelonnaient de 35 à 58 degrés. Prudents, nous avons opté pour la grotte n°6 à 46 degrés.
Nous nous sommes retrouvés dans une petite pièce avec un banc de pierre, un grand bac à douche dans lequel trônait une grande bassine en plastique emplie d'eau glacée.

Une fois le verrou tiré derrière nous, nous nous sommes totalement déshabillés comme on nous l'avait conseillé puis nous avons poussé la porte donnant dans une petite grotte toute sombre équipée d'un caillebotis et d'un banc.
Au milieu des parois de roche très chaudes, au son du filet d'eau bouillante qui suintant de la roche, nous sommes restés 20 minutes, le temps prescrit pour bien éliminer les toxines.
A la sortie de cette étuve, nous sommes rincés avec l'eau de la bassine : vivifiant !
Si cela vous tente, il y a un petit hôtel à côté car le lieu est réputé et certains péruviens y viennent en cure de 5 à 10 jours. Il se dit que certains curistes arrivés en fauteuil roulant repartent en marchant. Je ne sais pas si cela va améliorer notre santé mais c'était fort relaxant, pour le moins inattendu et nous sommes ressortis avec une vraie peau de bébé !

Nous avons ensuite appris que Genaro était né dans le village attenant et que son père s'était battu contre l'état pour que les bains restent propriété de la communauté afin que les habitants bénéficient de ses rentrées financières. C'était très émouvant quand il nous a parlé de son enfance, montré la maison où il vivait enfant et l'école où il a commencé des études qui l'ont amené jusqu'au métier d'instituteur...























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