Pérou #6 : Nazca entre énigme, frissons et invention
- voiliershazzan
- 14 oct. 2024
- 9 min de lecture
Nous continuons notre périple au Pérou en remontant vers le nord mais en redescendant plus près du niveau de la mer, puisque nous nous rendons à Nazca où nous perdons 1840 mètres d'altitude par rapport à Arequipa mais 4390 mètres si on prend comme référence le col de Patapampa que nous avons franchi avec notre 4x4 de location !

ÉNIGME : Mais de l'altitude, nous allons en reprendre à Nazca dans l'avion qui nous emmène survoler les célèbres lignes de Nazca... et je suis pratiquement certaine que vous connaissez Nazca, peut être pas son nom mais à coup sûr, vous avez entendu parler de ces dessins tracés à même le sol, dont le but reste une énigme toujours pas résolue mais qui fait l'objet de nombreuses théories des plus scientifiques aux plus "barrées" !
FRISSONS : Toutefois, comme nous l'avons découvert sur place, les curiosités de Nazca ne se limitent pas à ses lignes et nous avons vécu, au Cementerio de Chauchilla, un moment bien flippant qui m'a donné des cauchemars la nuit suivante !
INVENTION : Et pour finir, nous vous parlerons d'eau, pas d'eau salée mais d'eau douce ou plutôt nous vous parlerons de l'ingéniosité développée pour pallier la rareté de l'eau dans une région où il pleut 20 minutes par an soit 2,5 cm d'eau et ça c'est pour les bonnes années car parfois il ne pleut pas du tout !
ÉNIGME : Les géoglyphes de Nazca
Voilà déjà à quoi ressemblent les lignes de Nazca vues d'avion !
En préambule, sachez que les chiffres que je vais vous donner sont approximatifs car les recherches sont toujours en cours et les moyens technologiques désormais utilisés par les archéologues (intelligence artificielle, drone, image satellite...) modifient l'état des connaissances de mois en mois... donc ce qui semble vrai en 2025 peut s'avérer erroné dans le futur !
Indice n° 1 : Quoi, combien, où ?

Quoi ?
Il s'agit de figures tracés sur le sol que l'on peut répartir en trois grands types :
les tracés rectilignes
les figures géométriques : rectangles, triangles et spirales
les représentations figuratives (les moins nombreuses mais les plus connues !)
humaines dont le fameux "astronaute"
animales : oiseaux, singes, renards, araignées, lézards, orques, baleines, poissons...
végétales : fleurs, algues, arbres
d'objets : aiguilles, fils, harpons.
Combien ?
On a répertorié pour le moment plus de 1000 dessins de taille variable.
A titre d'exemple, le singe mesure 93 mètres de long et 55 de large, le colibri 50 mètres de long mais on a identifié une ligne qui fait 11 kilomètres.
Où ?
Les figures sont tracées sur une zone désertique d'une surface de 700 km2 incluant des étendues plates mais aussi des collines.
Indice n° 2 : Qui, quoi, comment ?

Qui ?
Les lignes auraient été créées par plusieurs peuples dont on ignore le véritable nom mais que les archéologues ont nommés Paracas pour le plus ancien, puis pour les suivants Nazca et Huari.
Quand ?
Les plus anciens remonteraient à 200 avant J-C mais il semble que la plupart d'entre eux aient été réalisés entre 50 et 650 après J-C. On pense même que les plus récents seraient de l’époque Huari (500 à 1100 après J-C), selon l’archéologue italien Guiseppe Orefici.
Comment ?
Le sol de la région est couvert de cailloux que l'oxyde de fer colore en rouge et si on enlève ces pierres, apparaît une couche de sable plus clair : c'est ce contraste qui crée les lignes. C'est d'ailleurs à cause de cette technique qu'on les appelle géoglyphes car glyphe vient du grec gluphê, "ciselure, gravure, ouvrage gravé" et géo du grec gê, qui signifie "Terre" et les lignes sont comme gravées sur le sol même si depuis peu, on en a découvertes en relief ! Les conditions climatiques (extrême sécheresse, quasi absence de vent fort et de végétation) ont permis la préservation des figures depuis plus de 2000 ans.
Je n'ose imaginer la multitude de cailloux qu'il a fallu déplacer pour tracer toutes ces lignes et figures ainsi que l'organisation et les techniques à mettre en place pour les réaliser avec les moyens de l'époque !
Indice n° 3 : Pourquoi ?
Ces lignes gardent à ce jour leur mystère car on ne sait pas avec certitude quelles étaient leurs fonctions. Plusieurs hypothèses scientifiques ont été émises au cours du temps mais circulent aussi des théories que l'on qualifiera de audacieuses ou farfelues selon ses croyances personnelles.
A vous de voir parmi les suggestions suivantes :

Calendrier astronomique : L’alignement de certaines lignes avec les étoiles et constellations marquerait le temps et aurait été très utile pour l'agriculture et la date des cérémonies religieuses. Cette approche se fonderait sur une profonde connexion entre les géoglyphes et l’astronomie. Cette théorie émise par Maria Reiche, qui a longtemps travaillé sur le site, semble toutefois être une explication partielle car toutes les figures ne semblent pas avoir de lien avec les astres !
Sentier de procession ou de danse : On dansait ou marchait en suivant les lignes pour rendre hommage aux divinités.
Panneaux indicateurs géants : Une théorie récente mais très crédible a été émise au vu des dernières recherches. Les figures indiqueraient des routes en pointant des directions vers des lieux d'échange entre différents groupes de population, des plateformes rituelles, des cimetières ou encore des sites liés à l'eau comme des canaux d'irrigation ou les nappes phréatiques.
Pistes atterrissage d'extraterrestre : Celle là, on la doit à l'écrivain suisse Erich von Däniken.
Lieu d'invocation de divinités : Cette hypothèse semble attestée par la présence de restes d'offrandes et de poteries.
Transmission de concepts culturels : comme la domestication ou les sacrifices
Simples œuvres d'art : Personnellement, je trouve ça un peu simpliste...
IL faut se rappeler que ces dessins ont été tracés sur une période d'environ 1000 ans et qu'en conséquence, leur fonction a pu varier au cours du temps. Toutefois, il est de plus en plus admis que ces dessins ont joué un rôle à la fois profane et religieux et qu'ils avaient probablement des fonctions multiples : religieuses, cérémonielles, de localisation et de communication entre les peuples et avec les dieux.
Quoiqu'il en soit, les géoglyphes n'ont pas livré tous leurs secrets et l'énigme reste à résoudre !
Cela me plait bien car je trouve que l'homme moderne ne peut que se sentir humble face à l'ampleur de ce travail réalisé avec les moyens limités de l'époque... d'autant plus, que malgré sa technologie, il ne parvient toujours pas à tout décrypter ! L'avantage c'est que cela laisse la place à l'imagination et à la poésie ce qui a forcement contribué à l'émotion que nous avons ressentie en les survolant !
FRISSONS : les momies de Chauchillo
Nous allons maintenant prendre la direction d'un site peu fréquenté, le cimetière pré-inca de Chauchillo. Cette nécropole s'étend sur une surface désertique de 2 km de long sur 400 mètres de large et elle abritait jadis environ 900 tombes datant de 200 ans avant J-C à, a priori, 900 de notre ère. Malheureusement, le site n'est protégé que depuis 1997 et il a été très largement pillé...
Comme une étrange atmosphère
Après une petite trentaine de kilomètres, le taxi quitte la route goudronnée pour s'engager sur une piste rectiligne qui traverse une étendue désertique. Dernier clignotant et nous voilà stationné un peu au milieu de nulle part !

Nous descendons de voiture, l'air brûlant nous suffoque, des volutes de chaleur montent du sol caillouteux, au loin des tourbillons de vent lèvent de petites tornades de poussière et des boules de branchages qui, comme dans un western courent sur le sol... Nous sommes la seule voiture stationnée ici et un sentiment d'étrangeté nous attrape !
Nous nous dirigeons vers un appentis soutenu par des piquets et couvert de branchages. Notre chauffeur de taxi paie l'entrée à un guide qui attend assis à l'ombre, un chapeau vissé sur le tête. Même s'il ne ressemble absolument pas à Clint Eastwood, je cherche immédiatement s'il ne porte pas une étoile de shérif en me demandant s'il est vraiment là pour surveiller les touristes ou... les pilleurs de tombe !
Le choc d'une momie qui vous fixe de ses orbites vides !
Notre guide nous propose de commencer la visite par le musée. Mais quel musée ? Serait-ce cette petite baraque en dur couverte de tôles de quelques mètres carrés ? Et bien oui !
Nous entrons et là, deux caissons en verre avec des momies dont l'une nous fixe de ses orbites vides !
En s'approchant, on voit que les momies avec les têtes enturbannées sont des enfants et stupeur, on voit même, sur les os de leurs petites jambes, des lambeaux de peau parcheminée !
Avouons-le, c'est carrément flippant et fascinant à la fois ! J’espère juste qu'après ce générique digne d'un western, nous n'allons pas nous retrouver dans le clip de Beat It de Michael Jackson et que ces momies ne vont pas briser leur vitrine pour venir esquisser un pas de danse avec nous ! Déjà, sachez momies que nous sommes de piètres danseurs alors tranquillo !
Deuxième vague de frissons !
Nous sortons du mini musée déjà bien mal à l'aise et c'est sans le guide que nous partons explorer la nécropole. Il faut suivre des chemins balisés de pierres peintes en blanc et nous comprenons vite pourquoi, car ici et là hors du sentier, on voit clairement des ossements ou des bouts de tissus millénaires, probablement jetés là par les pillards peu scrupuleux...
Sous des appentis disséminés sur l'immense site, nous découvrons, creusés d'environ 2 mètres dans le sol, des cavités carrées entourées de murs en adobe... et posées au fond, comme assises en position fœtale, des momies avec de long cheveux... très longs cheveux qui s'enroulent autour d'elles... Le choc !

Des milliers de questions en suspens !
On ne sait pas tout de ces momies, loin s'en faut... Sont-elles nazcas ou huaris ? Pourquoi sont-elles si bien conservées ? Certes le climat très sec a participé à ce processus mais jusqu'à quel point la résine antibactérienne et antifongique badigeonnée sur les tissus les habillant a joué un rôle ?
Et les rouleaux de coton les entourant ont-ils aussi servis à absorber les fluides ? Quand comblait-on leurs orbites de ouate ? Et pourquoi cet enfant a pour tête au dessus de son petit corps momifié une boule de coton ? Pourquoi tous n'ont pas d'aussi longs cheveux ?
En tout état de cause, toutes ont le visage dirigé vers le soleil levant et toutes sont entourées de poteries ayant contenu de la nourriture...
Et mon imagination qui part au galop
C'était vraiment étrange et je ne pouvais pas m'empêcher d'imaginer que ces momies avaient été des êtres bien vivants, des êtres qui avaient regardé la même montagne que moi, foulé le même sable, prié ou susurré des mots d'amour dans une langue inconnue... et qu'aujourd'hui, leurs dépouilles essaient, sans un mot, de nous parler d'un passé millénaire... Est-ce que les cauchemars que j'ai fait la nuit suivante sont le résultat des mots qu'elles sont venus me souffler à l'oreille pendant mon sommeil ?
INVENTION : les acueductos
Nous les avions survolés lors de la découverte des géoglyphes et, intrigués, nous sommes allés les voir de plus près...

Un réseau d'eau bienvenu dans l'une des zones les plus chaudes du monde
Les acueductos, c'est un ensemble de canaux, galeries souterraines et bassins qui ont été réalisés par le peuple nazca il y a environ 1700 ans. Ces constructions auraient permis de récupérer et filtrer l'eau des nappes phréatiques mais aussi semble-t-il d'acheminer l'eau depuis la montagne jusqu'à la vallée désertique, une vallée qui en a bien besoin car elle serait la 2eme zone la plus sèche du monde !
Qui montre l'étendue des connaissances et compétences des Nazcas
Afin d'assurer un débit régulier, les Nazcas ont ajouté des courbes pour ralentir l'eau dans les endroits les plus pentus. Tout le long du trajet de l'eau (bien plus long que la petite partie qu'on voit sur la photo ci dessus !), sont disposés des évents de pierre en forme de spirales permettant de mettre à jour le flux d'eau qui se trouve jusqu'à 7 mètres plus bas.
Il faut noter que cette architecture hydraulique est faite en grande partie de pierres ajustées et de bois de huarango. Sa construction montre l'ampleur des connaissances qu'avait ce peuple à la fois sur la géologie de cette région située le long des plaques tectoniques mais aussi sur les variations annuelles de la disponibilité de l'eau.
Et comme toujours au Pérou, l'utilité pratique se mêle au religieux !
En effet, ces évents auraient eu plusieurs fonctions :
prélever de l'eau facilement
accéder aux galeries souterraines en période de basses eaux pour assurer le nettoyage et la maintenance du dispositif
permettre au vent de s'engouffrer dans les canalisations et ainsi "pousser" l'eau dans les parties plus plates
accueillir un maximum de personnes sur les gradins formés par la spirale lors des cérémonies de remerciement au dieu de l'eau.
On ne peut qu'être admiratif des compétences et connaissances de ce peuple, car ces acueductos ont résisté au temps et aux tremblements de terre... et en 2024, ils fonctionnent toujours !!!!



































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