Pérou #5 : Arequipa et le canyon de la Colca
- voiliershazzan
- 11 oct. 2024
- 11 min de lecture
Suite de notre périple au Pérou, nous repartons vers Arequipa, et toujours en bus car c'est le meilleur rapport qualité/prix pour voyager dans un pays où il n'y a que très peu de train !

Changement d'ambiance dans la 2ème ville du pays en nombre d'habitants (1,2 millions), nous quittons temporairement la fraîcheur des sommets (nous perdons 1500 mètres d'altitude) pour nous retrouver dans une ville avec un centre historique de style colonial dont les bâtiments sont en sillar, une pierre blanche volcanique utilisée pour la construction bien avant l'arrivée des Espagnols.
C'est d'ailleurs l'importante utilisation de cette pierre qui, à juste titre, a valu à Arequipa le nom de Ville Blanche.
Nous avons passé quelques jours à déambuler dans cette ville en admirant entre autres quelques uns de ses nombreux édifices religieux mais nous avons aussi profité de ce séjour pour aller voir d'assez près les condors dans le Canyon de la Colca comme nous l'avait recommandé nos amis Agnès et Thierry.
Et à la fin de cet article, vous trouverez un point gastronomie et un petit jeu "Devinettes et cocasseries". Bon voyage !
Visite des édifices religieux d'Arequipa
La cathédrale
Notre tour religieux a commencé par la découverte de la grande cathédrale de la Plaza de Armas, une place très vivante où les touristes péruviens et étrangers se posent sur un banc au milieu d'un espace arboré et fleuri. La plaza est ceinte de galeries sous arcades où les boutiques nous rappellent néanmoins que nous sommes dans un lieu très touristique.
Cette cathédrale a dû être rafistolée plusieurs fois suite à des séismes et même un incendie, mais l'orgue majestueux fabriqué par le belge Loret (quand même 12 mètres et 1206 tubes !) a survécu à toutes ces catastrophes.
La Iglésia de la Compaña et sa luxuriante chapelle San Ignacio
Le syncrétisme religieux du Baroque Andin
A l'autre bout de la place, se trouve l'église de la Compaña construite elle aussi en pierre blanche. On y entre par un porche reprenant les symboles du Baroque Andin (Barroco Andino) avec ses motifs très variés :
flore et faune tropicales,
motifs maniéristes tels que sirènes, masques...,
motifs précolombiens : soleil, lune, puma...,
éléments chrétiens pré-renaissance.
Cette église, l'une des plus anciennes de la ville, témoigne donc d'un art faisant belle part au syncrétisme religieux car entre les symboles traditionnels chrétiens se faufilent des références aux cultes antérieurs à l'arrivée des espagnols et du catholicisme. Et saviez-vous que Jésus aurait dégusté du cuyi, c'est à dire du cochon d'inde, lors de son dernier repas ?
Comme toujours en Amérique du Sud, on y trouve des fidèles qui prient à toute heure de la journée et nous nous faisons le plus discrets possible pour ne pas gêner leur recueillement.
L’exubérance de la chapelle San Ignacio
La minuscule chapelle attenante, la chapelle San Ignacio, nous a vraiment surpris par son décor qui évoque immédiatement un jardin d’Éden aux inspirations tropicales !

On se retrouve immergé dans une nature luxuriante digne d'un tableau du Douanier Rousseau, où les saints et les anges se perdent dans des entrelacs de branchages ponctués de fleurs aux couleurs chatoyantes, de perroquets multicolores, de fruits alléchants... une représentation sublimée de la jungle qui aurait a priori été réalisée pour préparer les religieux à leurs futures expéditions dans la selva amazonienne...
Le plafond de cette chapelle, aussi appelé la Cúpula policromada (coupole polychromatique), est l'un des trésors religieux d'Arequipa. Un cartouche informe les visiteurs que tant les auteurs que la technique utilisée sont inconnus. En tout état de cause, ses couleurs éblouissantes résistent depuis 3 siècles !
La ville-couvent de Santa Catalina.
Il était de bon ton à l'époque d'envoyer l'une de ses filles au couvent ce qui explique la dimension exceptionnelle du site (plus de 20000 km2). Le couvent est comme une petite ville dans la ville avec sa place centrale et ses rues (qui portent toutes le nom de villes espagnoles), son potager, sa boulangerie... Tous les bâtiments sont faits eux aussi de pierre blanche de Sillar mais certains sont peints avec des couleurs naturelles en particulier un bleu qui n'est pas sans me rappeler la couleur des volets des bourrines que l'on trouve sur les îles et les bords de mer vendéens.
Aujourd'hui le couvent n'accueille que 15 nonnes et 4 novices, mais il a su garder son lustre d'antan et ce, malgré les séismes qui l'ont endommagé à plusieurs reprises.
Mais revenons au temps où toutes les chambres étaient occupées par 450 novices et nonnes ! Les filles y arrivaient toute jeunes pour entamer leur noviciat. Si les plus fortunées résidaient dans un petit appartement avec chambre, coin cuisine parfois même accompagnées de servantes, les plus modestes logeaient dans des cellules spartiates et étaient contraintes de travailler au sein du couvent.

Toutefois à la fin du noviciat, toutes devaient se partager entre leurs appartements et les espaces communs (réfectoire, dortoir).
Pour entrer au couvent les familles devaient débourser 6 kg d'or, faire construire ou acheter leur petit appartement, fournir une dot à la novice et s'acquitter d'une contribution annuelle en pièces d'argent. Les novices y étaient éduquées, elles pratiquaient la musique et bien sûr priaient... Elles pratiquaient aussi, comme souvent dans ces temps là, l'auto-flagellation à l'aide d'un silice.
L'une des nonnes du couvent, Ana de los Angeles a été béatifiée en 1985 par Jean-Paul II car elle aurait guéri une dame atteinte d'un cancer.
L'histoire de Juanita, la petite inca des glaces

Juanita est une jeune fille inca, dont l'âge est estimé entre 12 et 15 ans. Ce qui est remarquable, c'est que sa dépouille a longtemps séjourné sous des mètres de glace. Elle aurait été choisie il y a 550 ans avec d’autres jeunes gens pour ce qui était alors considéré comme un privilège, être sacrifié comme offrande à Pachamama (Terre Mère) afin d'éviter les catastrophes naturelles et garantir de bonnes récoltes.

Juanita est restée ensevelie au sommet des 6300 mètres du volcan Ampato jusqu’à ce qu’un volcan voisin, le Sabancaya, ne décide, en 1995, de se réveiller... Ses cendres brûlantes ont fait fondre la tombe de glace de la fillette.
L’archéologue américain Johan Reinhard et son assistant, Miguel Zárate l'ont découverte en position accroupie, emmitouflée de tissus d'alpaga, au milieu d'autres offrandes : poteries, figurines en or et argent, objets en coquillage ou en os de lama...
Congelée, son corps et ses vêtements étaient en parfait état de conservation sauf son visage qui avait été un peu dégradé par les rayons du soleil suite à un glissement du terrain...
La découverte de cette jeune fille, improprement appelée momie, a confirmé que les Incas sacrifiaient également des femmes dans leurs rituels. L'étude de son corps a permis d'enrichir les connaissances sur ce type de pratique : on sait que son régime alimentaire avait changé un an avant la cérémonie et qu'elle est morte d'un coup sur la tête. On pense qu'elle a été escortée dans une partie de son ascension par des membres de sa famille mais que seuls les prêtres accompagnaient les futurs sacrifiés pour leurs derniers moments. On imagine qu'elle était épuisée par le trajet à pied depuis Cusco (plus de 500 km !) et par l'escalade du volcan. On suppose aussi que cette fatigue conjuguée au froid ainsi que la consommation rituelle de chicha (boisson alcoolisée à base maïs) et de feuilles de coca l'ont anesthésiée avant le coup fatal.

Aujourd’hui, la petite princesse des glaces repose dans un caisson à moins 20 degrés au musée Santuarios Andinos d'Arequipa. Elle est exposée chaque année de mai à décembre. En dehors de cette période, c’est Sarita, une autre "momie" congelée et la deuxième la mieux conservée, qui est présentée au public, tandis que Juanita est en préservation.
Des hauteurs de la cordillère aux profondeurs d'un canyon
Une virée en 4x4 dans l'altiplano
Pour explorer le canyon de la Colca, nous avons décidé de louer une voiture même si cela grévait pas mal notre budget. Nous avions choisi un petit 4×4 mais finalement nous avons été surclassés car peu de touristes savent utiliser des boites de vitesse manuelle comme en disposait notre voiture.

Nous nous sommes retrouvés au volant d'un gros char ce qui nous a permis de prendre des pistes parfois à peine carrossables dans les montagnes, une véritable opportunité pour nous de rencontrer une multitude d'animaux.
Vigognes, flamants roses et autres vizcahas...

D'élégantes et graciles vigognes sauvages arpentent l'altiplano...
Elles ne sont tondues qu'une fois par an et seulement par le peuple autochtone qui en a reçu l'autorisation...
Il paraît que leur laine est la plus douce au monde mais les attraper doit se mériter car elles sont très, très craintives.
De chatoyants flamants roses se prélassent au bord de la laguna à plus de 3500 mètres d'altitude et parfois s'envolent tous ensemble...
Il se dit que ce serait la couleur de leurs ailes, allant du rose vif au rouge, parfois presque bordeaux et celle de leur ventre blanc qui auraient inspiré les couleurs du drapeau péruvien.
Des vizcachas (viscaches des montagnes), de petits animaux mi-lapin, mi-écureuil de la famille des chinchillas, se faufilent dans les roches.

Cette espèce d'une soixantaine de centimètres est endémique des Andes péruviennes.
Ce petit rongeur herbivore vit en colonies de 10 à 100 individus jusqu'à 5 000 mètres d'altitude dans des terriers complexes.
Très craintif aussi, il s'enfuit au moindre bruit et nous n'avons pas réussi à le photographier (la photo vient d'internet - source Wikipedia)
Nous avons aussi croisé des alpagas, des vaches, des chevaux vivant en quasi liberté dans l'immensité de la cordillère des Andes...

Des paysages encore une fois époustouflants
Les paysages sont époustouflants et dune grande variété. En cette fin de saison sèche, les herbes jaunies ondulent à perte de vue sur de grands espaces plats ou à peine vallonnés de l'altiplano avec en arrière-plan des sommets de montagnes avec parfois des pics tellement acérés qu'on a l'impression qu'ils voudraient découper le ciel ! Quelques "lagunas" ponctuent ces étendues et tout comme les bofedales, elles constituent des points de ralliement pour la faune andine. Les bofedales sont des zones humides où l'eau serpente, une eau stockée par des plantes en forme de coussinets qui rappelle un peu les pàramos de Colombie. Leur vert profond et leur aspect mousseux apportent comme une sorte de douceur rafraîchissante au milieu de ces paysages dont la sécheresse et la minéralité évoquent d'avantage une forme de rudesse.
Tout autour, des montagnes escarpées nous rappellent la puissance brute de la nature avec des formes saillantes, des strates tourmentées, des éperons rocheux lancés vers le ciel, des failles comme des coups de haches portés par un dieu en colère, mais un dieu un peu artiste qui aurait jeté ses couleurs avec inspiration. Cette montagne sera veinée de rouge, celle-ci restera blanc immaculé ou noir profond tandis qu'une autre s'habillera de vert ou d'ocre. Je ne sais si c'est une facétie de notre dieu ou l'usure du temps mais de certains sommets semblent descendre comme des coulées de sable...
Le souffle brulant de Pachamama
La force de Pachamama, nous la reconnaissons dans ces paysages grandioses, puissants, démesurés mais nous l'avons aussi ressentie dans les colonnes de vapeur d'eau qui s'échappent d'entre les roches comme le souffle brûlant de Pachamama.
Je n'ai pas pu m'empêcher de voir dans les jets et les bouillonnement du geyser les manifestations de sa colère, comme une menace qui dirait "Faites attention petits humains, gare à vous si vous continuez à m'abîmer, n'oubliez pas que j'ai la force du feu de mes entrailles pour tout détruire, vous et vos scories".

Abîmer Pachamama !!! Même dans ces hauteurs de la cordillère des Andes, du plastique défigure les bords de route, bien sûr surtout ceux de la route principale Arequipa - Vallée de la Colca, mais même sur la piste où nous n'avons croisé que 2 camions en plusieurs heures de trajet et où seuls quelques bâtiments rappellent la présence humaine, nous en avons aussi déploré la présence !
Vol au dessus d'un nid de condors
Ce coin du monde est aussi la maison de multiples sortes d'oiseaux, certains évoluent dans le moindre trou d'eau, d'autres plus petits se posent sur les branches des plantes et arbustes de l'altiplano, d'autres se cachent dans les anfractuosités des flancs escarpés des montagnes, même des colibris y butinent les fleurs de cactées.
Mais surtout, nous avons eu la chance de voir des condors, le plus grand rapace et même le plus grand oiseau volant du monde avec ses plus de 3 mètres d'envergure.
Crédit photos : notre ami Thierry Leclerc
Chaque matin, ils viennent planer sur les vents ascendants qui naissent dans ce canyon d'une profondeur de 3400 mètres. En effet, peu après le lever du jour, les parois rocheuses du canyon exposées au soleil se réchauffent plus rapidement et plus intensément que l'air environnant. Cet air plus chaud devient moins dense et tend à s’élever. De plus, les parois du canyon agissant comme des sortes de barrières, cet air chaud est contraint à rester à l'intérieur du canyon augmentant ainsi la force du courant ascendant sans lequel les condors ne pourraient pas s'envoler.
Dans le ciel bleu pur du petit matin, ils volent et tournoient devant les yeux ébahis des humains postés sur les miradors...
Impressionnant de voir les ailes déployées de ce majestueux rapace d'autant plus qu'il était un oiseau mythique et vénéré dans la culture inca et pré-inca. Il était l'animal totem du monde d'en haut. En effet pour les incas, le monde était divisé en 3 plans, le monde d’en haut, celui des dieux (Hanan Pacha) représenté par le condor, le monde terrestre ou monde des vivants (Kay Pacha) incarné par le puma et le monde d’en bas ou royaume des morts (Uku Pacha) symbolisé par un serpent. Les Incas croyaient que les hommes venaient de la terre, du monde des morts, qu'ensuite, ils parcouraient celui des vivants pour enfin s'élever vers le monde des dieux.
Le dimanche à Sibayo, c'est le jour de mariage
Nous avons aussi arpenté de petits villages d'altitude comme Sibayo où le cortège d'un mariage sortant de la messe dominicale nous a enchanté tant par la luminosité des costumes que par la joie émanant des danses en musique...
Voilà un bref aperçu de ces 2 jours dans le Canyon de la Colca, une escapade qui nous a empli les yeux d'émerveillement.
Pêle-mêle
Bienvenue chez l'adorable Lucia
Nous étions logé dans la maison de Lucia, une ancienne institutrice de 77 ans qui nous a accueillis avec chaleur ; nous avions une chambre avec salle de bain et notre hôtesse partageait sa cuisine avec tous ses locataires, chacun disposant de son petit coin dans le réfrigérateur! Au centre de l'habitation un patio avec une balancelle où nous avons bien papoté avec Lucia, de sa vie, de la notre, de nos pays respectifs...
Nous pouvions aussi disposer d'une machine à laver le linge et profiter du toit terrasse qui nous permettait d’admirer les volcans entourant la ville. Autre avantage et non des moindres nous étions à 2 pas du centre historique !
Gastronomie locale
Nous avons dégusté dans le désordre :
un cake citron/cañihua avec une boule de la glace préférée des péruviens paraît-il, une glace au lucuma. Le cañihua est une pseudo-céréale cousine du quinoa, sans gluten et reconnue pour sa grande richesse en protéines, fer, magnésium et autres nutriments. Le lucuma est un fruit sud-américain aussi appelé "or des Incas" dont le goût naturellement sucré, rappelle un peu le caramel ou le sirop d'érable.
un des autres plats emblématiques du pays le ceviche de poisson ; il est réalisé à base de poisson cru, coupé en dés et mariné dans du jus d'agrumes, le plus souvent du citron vert, qui le "cuit" et lui donne une saveur fraîche et un peu acidulée qui se marie très bien avec la patate douce qui l'accompagnait quand je l'ai dégusté à Arequipa.
un petit déjeuner à base de boissons végétales fabriquées maison et vendues conditionnées dans des bouteilles recyclées. Nous avons choisi les saveurs : quinoa, quiwicha (une variété d'amarante) et maca ! Le maca est un tubercule originaire des Andes, de la famille des crucifères comme le chou ou le brocoli. Il est aussi appelé ginseng péruvien en raison de ses vertus énergisantes, stimulantes tant sur le plan physique qu'intellectuel ainsi que parait-il, pour ses propriétés aphrodisiaques et d'amélioration de la fertilité. Nous avons tout bu et c'était délicieux... et non je ne répondrai pas à votre question sur les effets concrets du maca, je laisse libre cours à votre fantaisie !
Le jeu "Devinettes et cocasseries"
Retrouverez-vous dans les photos suivantes :
une araire en bois - Indice : il y a aussi des bœufs sur la photo
des pommes de terres aux yeux bleus (pomme de terre à pulpe jaune avec une pigmentation bleu en son centre) - Indice : se dit Papa Ojo azul en espagnol
une jeune fille fêtant ses 15 ans - Indice : elle porte une jolie robe bleue
une stand de glace au fromage de vache - Indice : fromage se dit Queso en espagnol
des pommes de terre déshydratées par une succession de gel /exposition au soleil - Indice : elles sont toutes blanches
des planches d'éducation sexuelle vendues au marché - Indice : au milieu de toutes les planches éducatives destinées aux enfants et plus précisément sous celle du système solaire
une manifestation de l'altitude - Indice : on avait bu au sommet de la montagne et on redescendait
des outils pour fabriquer des hosties - Indice : dans un joli placard en bois
la barrière peut-être la plus symbolique du monde - Indice : pas besoin, c'est fastoche !





































































































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