Pérou #4 : Au bord du Lac Titicaca
- voiliershazzan
- 4 oct. 2024
- 7 min de lecture
Après cette première étape péruvienne à Cusco, nous partons vers le Lac Titicaca, encore un souvenir de notre scolarité, mais je crains que ce ne soit plus à cause des sonorités de son nom que parce que c'est le plus grand lac d'eau douce d'Amérique du sud en volume ou encore parce qu'il est considéré comme l'un des plus hauts lacs d'altitude navigables avec ses 3800 mètres d'altitude !
Déjà, il faut y aller
Économie oblige, nous avons pris le bus pour Puno, la ville la plus touristique du côté péruvien du Titicaca. Ce fut un long trajet de trajet de 7 heures au travers Des paysages arides et presque monotones de l'altiplano, un voyage sans arrêt mais comme nous commençons à être bien habitués à ce type de périple, nous avions prévu de quoi manger, et boire (rassurez-vous, il y avait des toilettes dans le bus) !

Mais, quand nous sommes arrivés à Puno, se rendre chez Vilma & Ruben, la famille qui devait nous héberger à Llachon, semblait compromis vue l'heure tardive et c'est Ruben lui-même qui nous a conseillé de ne venir que le lendemain. Qu'à cela ne tienne, nous avons fait un petit tour tuk-tuk/marche à pied dans la ville puis nous nous sommes réconfortés avec un restau et une bonne nuit de sommeil dans un petit hôtel pas cher !
Le lendemain matin, ce fut mission ”se rendre à la Casa de Ruben & Vilma à Llachon” sur la presqu’île de Capachica... Heureusement le patron de l'hôtel nous a emmené jusqu'à la bonne station de bus dans une voiture que Dominique a qualifiée de "bien pourrie" et nous a surtout trouvé le bon bus ce qui nous a bien arrangés car les indications étaient, dirons-nous, pour le moins parcimonieuses ! Il nous a fallu prendre 2 bus différents et là encore, heureusement que les passagers nous ont aidés et que le chauffeur moyennant un modique supplément est venu nous déposer devant la maison de nos hôtes !
Une immersion en famille

Nous voilà donc logés pour 2 jours chez l'habitant dans une maison avec une salle à manger surplombant le lac. Ruben & Vilma nous accueillent avec de grands sourires et changent l'organisation des chambres pour m'éviter les escaliers. Notre chambre est modeste, le matelas repose directement sur un sommier de béton, le toit est en tôle. De plus, la porte et les fenêtres ne sont pas très jointifs comme nous le constaterons la nuit suivante quand les filets d'air froid s’infiltrant dans la chambre m'obligeront à dormir avec un bonnet bien enfoncé sur un bout de tête émergeant d'une montagne de couvertures d'un poids tel que tout mouvement devient absolument impossible ! Allez savoir pourquoi, nous avons dormi comme des anges !

Nous partageons les repas avec nos hôtes et les autres voyageurs, les discussions vont bon train car tous les back-packers présents sont francophones et tout le monde se fiche de la différence d'âge (nous pourrions être leurs vieux parents voir grands-parents) ! Nous y avons rencontré Cédric et Alicia, deux français avec qui nous avons tout de suite sympathisé et nous sommes d'ailleurs toujours en contact au moment où j'écris cet article pratiquement un an après (oui, je sais gros retard dans le blog !). Vilma cuisine pour nous tous et les plats servis sont délicieux surtout les soupes et les truites fraichement pêchées dans le lac.
Une initiation aux méthodes de tissage ancestrales

Vilma & Ruben proposent plusieurs activités, comme une initiation aux méthodes de tissage ancestrales au travers de la fabrication de bracelets...
Un clou planté dans le sol (ou sur la table de la salle à manger s'il pleut), des pelotes de laines, les doigts en guise de métier à tisser et surtout la patience de Vilma et le tour est joué, enfin presque car il ne faut pas regarder nos œuvres de trop près...
Nous avons tout de même été très motivés et persévérants car nous en avons réalisés 4, un pour chacun de nous et un pour chacun de nos grands petits-enfants Krystal et Lyam...
L'essayage des tenues traditionnelles

Vilma & Ruben nous ont présenté les tenues traditionnelles de leur presqu'île, des tenues colorées et bien chaudes pour protéger du froid prégnant à cette altitude. Dans ces tenues tout est symbole et d'un coup d’œil, on sait par exemple si vous êtes célibataire ou marié selon votre chapeau pour les femmes ou la façon de boutonner son gilet ou de porter son poncho pour les hommes.
Après une séance d'essayage à laquelle nous nous sentons un peu obligés de participer par respect pour nos hôtes, Ruben nous fait tous assoir pour nous parler du chapeau des femmes.
La symbolique du chapeau à pompons des femmes
Chaque année les femmes en fabriquent un nouveau en fonction des prévisions du chaman révélés lors de la grande réunion annuelle du 6 février. Toute la communauté se rend au temple pour remettre des offrandes (pommes de terre, coca, graisse de lama...) et tous prient pour une année prospère donc pluvieuse et sans trop de décès ! Le chaman livre ses visions pour l'année à venir et chaque femme s'en empare pour confectionner son chapeau reprenant sur une partie du couvre-chef ce qui s'est passé l'année précédente et sur l'autre ce que réserve l'année à venir.
Tout est symbole, la taille de la surface restant noire représente le nombre de disparus, la couleur et la taille des pétales de fleur renseignent sur la pluviométrie, le orange sur les zones représentant les champs est signe de sécheresse tandis que le vert symbolise l'abondance des récoltes, l'intensité des bleus figure la hauteur d'eau dans le lac (un vrai sujet d'inquiétude pour le village qui voit son niveau baisser d'année en année), le jaune parle de soleil et le rose des couples ! Les pompons répondent aussi aux codes couleurs, mais je crois qu'il faut être né là-bas pour lire tout ce que disent ces chapeaux !
Coté culture, ça rigole pas à LLachon !
On sent que la culture de cette communauté est très vivante, très ancrée. Le chaman et la foi semblent être au cœur de la vie quotidienne, les règles doivent être suivies à la lettre et il en coûte cher au contrevenant.
Ici par exemple, il n'y a pas de voleurs ou de criminels car celui qui commet une mauvaise action est exclu de la communauté pendant 12 ans et comme il s'agit d'une communauté très soudée et solidaire, chaque personne essaie de se comporter au mieux afin d'éviter ce bannissement et la honte pour sa famille !
Côté couple, c'est aussi très strict, hors de question d'aller voir ailleurs ou de se séparer une fois marié alors même si les mariages d'amour ont remplacé les mariages arrangés, il est bon d'y réfléchir à deux fois avant de convoler, car le mariage est irrévocable ! S'il y a "faute" ou séparation, le ou les concernés sont exclus 7 ans et s'ils ne partent pas d'eux même, ils sont littéralement chassés de la communauté manu militari, si j'ai bien compris à coups de fouet !
Vilma & Ruben ont eu une enfant pendant la vingtaine d'année qu'ils ont attendu pour se marier : une longue attente certes mais une cérémonie exceptionnelle avec ses 4 jours de fêtes réunissant jusqu'à 1000 invités !
Les iles flottantes, ici, c'est pas de la crème
Ruben possédant un bateau, il nous a emmené visiter l'une des îles flottantes de Uros, l'île de Titino, plus authentique que celles type "parc d'attraction" généralement présentées aux touristes qui pour la majorité résident dans la ville de Puno.
Le chef de l'île nous a expliqué le processus de fabrication ainsi que le mode de vie et la ”maintenance” de ce type d'îles, c'était très intéressant.

On commence par découper des blocs de terres et racines d'une plante aquatique, des sortes de roseaux appelés Tortora. Ces blocs flottants pouvant mesurer jusqu'à 30 mètres sur 6 sont ensuite assemblés et il faut attendre de longs mois pour qu'ils se soudent entre eux afin de former la base de la future île.
Pour finaliser la préparation, il faut recouvrir ce socle de couches croisées de tortora pour lui donner plus de stabilité et de résistance, opération qu'il convient de renouveler régulièrement pour lui assurer une vie qui peut aller jusqu'à une trentaine d'années.

L'autre opération à réaliser avant de songer à y installer sa famille, c'est l'ancrage.
En effet, pour éviter que l'île ne dérive au gré des vents, elle est attachée avec des cordes à 8 long piquets fichés dans le fond du lac, autant de dispositifs à vérifier régulièrement !

Une fois l'île stabilisée, on peut y construire des maisons de roseaux qu'il faut rebâtir tous les 2 ans.
Sur l'île que nous avons visitée, logent 3 familles qui vivent de la pêche et du tourisme.
Dans chaque maison d'une seule pièce, on retrouve un matelas à même le sol, des vêtements suspendus aux structures, quelques étagères et le matériel de cuisine.
Le minimum du minimum nécessaire à une vie spartiate.

Vous vous en doutez, l'un des dangers majeur qui menace les habitants de ces îles, c'est l'incendie, alors les chaufferettes servant à la cuisine, sont disposés sur des pierres pour les isoler des roseaux secs.

Avant l'apparition de ces îles flottantes, le tortora était utilisé pour construire des bateaux dont certains portaient même une petite maison pour héberger la famille.
C'était il n'y a pas si longtemps, car le chef de l'île est né sur une de ces embarcations-maison.
Total respect pour ce peuple, car vivre dans un habitat de roseaux, sur une ile de roseaux à une altitude de 3800 mètres (avec les températures qui vont avec !!!) et le risque permanent d'incendie demande probablement une abnégation et un soin porté à son habitat de tous les instants !
Décidément, le voyage nous montre à quel point, nos anciens savaient s'adapter à la nature même quand les conditions étaient difficiles... Je crains que nous n'ayons détruit ce lien fort avec notre planète, une planète que nous détruisons chaque jour un peu plus car même dans l'altiplano, nombreux sont les plastiques qui jonchent les bords de route !
Commentaires