Yeah man... ça vous dit un petit tour au pays du reggae, enfin du reggae par l'esprit cool de la population et par le son à la radio, parce que trouver un concert live, ça c'est une autre paire de dreads !
D'ailleurs, en Jamaïque, se rendre sur un site touristique ou un restaurant recommandé par un guide touristique ou internet, nécessite une certaine obstination, un nombre non négligeable d'arrêts pour se renseigner, la maîtrise du demi-tour dans un pays qui roule à gauche, sans compter une remise en cause de la toute-puissance de Google Maps et autres applications de géolocalisation... Je ne sais pas si les correspondants locaux de Google et des guides touristiques ont fumé trop de pétards mais, le fait est, que les données sur la Jamaïque sont souvent obsolètes voir totalement erronées. Bien sûr, cela ne nous a pas arrêtés et nous nous sommes baladés une bonne semaine dans le pays pour le découvrir un peu plus.
Ce qui m’a le plus frappé en Jamaïque, c’est dans le désordre :
La profusion de noir/vert/jaune/rouge, partout, du toit au trottoir et de la chaussette à la casquette
La grande aisance des corps sans préoccupation du niveau d'embonpoint, bien loin de nos côtés coincés d’européens. Pas de souci avec les mini-jupes et ou mini-shorts en Jamaïque !
La générosité de la nature : les mangues ramassées sous l'arbre ont un goût incomparable, n'est-ce-pas Violaine ?
La préemption par les Japonais des plantations de café Blue Montain, un véritable produit de luxe dont les Jamaïcains profitent peu
Le côté rebelle de ce pays qu'illustre parfaitement Accompong Maroon , un village-état indépendant
Les regards hostiles à Trench Town, l’un des quartiers les plus pauvres du pays
Et bien sûr l'esprit rastafari, à mon avis bien mal représenté par le côté mercantile du musée du plus célèbre des rastamen, j'ai nommé Bob Marley ! Un esprit que nous avons d’avantage ressenti au travers de l'accueil chaleureux de la population, sa fierté et le nombre de jardinières de cannabis sur les balcons ! Bon, je vous accorde que le dernier point est très cliché !
Promis, je vais essayer d’être un peu plus ordonnée pour la suite !
Dans cet article, vous allez dans un premier temps trouver quelques repères sur le pays puis nous partirons explorer le rastafarisme où bien sûr nous évoquerons le reggae et Bob Marley. Ensuite, j’essaierai de vous transmettre nos sensations sur le caractère généreux et accueillant de ce pays malgré la pauvreté, la corruption et la violence que l’on perçoit dans certains quartiers.
Dans un second article, nous irons à Accompong, ce village-état gouverné par les descendants des esclaves marrons et je vous raconterai comment en Jamaïque, les esclaves se sont, de tout temps, révoltés.
Quelques points de repère sur la Jamaïque
Carte d’identité
Superficie : 10 990 km2 soit 25% de plus que la Corse
Population : 2.89 millions d’habitants
Religion : environ 20% se déclarent sans religion, 70 % sont protestants (adventistes du 7ème jour, pentecôtistes, méthodistes…), environ 2% catholiques, un peu plus de 1% rastafaris mais on trouve aussi des adeptes du kumina (vaudou jamaïcain)
Régime : démocratique parlementaire ; ex-colonie britannique, la Jamaïque est indépendante depuis 1962 ; elle est à ce jour membre du Commonwealth, même si les deux principaux partis politiques semblent s’accorder pour en sortir.
Chef de l’état : le roi d’Angleterre représenté par un gouverneur plutôt confiné à un rôle de représentation
Chef du gouvernement : premier ministre
Économie : dépendant principalement du tourisme (30% du PIB) et des transferts de fonds (aussi 30% du PIB) des migrants jamaïcains résidant principalement aux USA, Canada et Angleterre. Ses exportations de bauxite et d’alumine sont en chute et ne comptent plus que pour 5% du PIB. Le pays est fortement exposé aux catastrophes naturelles comme les ouragans ce qui fragilise son agriculture et ses infrastructures. De plus, il est soumis à la violence et à la corruption avec une police considérée comme faisant un usage d’une force excessive selon Amnesty International.
Source : guide du Routard, Amnesty International, Wikipédia
Qui sont les Jamaïcains ?
Bien que le pays soit clairement imprégné de culture anglo-saxonne, ce qui fait, à mon avis, l’essence du peuple Jamaïcain est plus à chercher du côté de ses racines africaines.
Il ne faut pas oublier que plus de 90% de la population descend des esclaves, des esclaves qui se sont, à de nombreuses reprises au cours de l’histoire, rebellés contre le pouvoir en place et qui ont su faire perdurer leur culture et leurs traditions.
Les peuples autochtones ont été grandement décimés par les colons (maladie, conditions de travail, répression…) même si la communauté taïno, toujours présente en Jamaïque, se revendique comme tels.
Une chose assez surprenante en Jamaïque, c’est la présence de personnes d’origine asiatique. En fait ce sont les descendants des travailleurs Chinois et Indiens venus remplacer les esclaves dans les années 1840, ces derniers ayant massivement quittés les plantations, dès qu’ils l’ont pu, après leur émancipation.
Quant à la communauté blanche, si elle est minoritaire en nombre (un peu plus de 1% de la population), elle l’est beaucoup moins en termes de richesse et de pouvoir… une réalité bien loin de la devise du pays « Out of many, one people » qui signifie mot à mot « De plusieurs, un peuple » mais que l’on pourrait traduire par l’unité dans la diversité !
A la recherche du reggae
Qui dit rasta Jamaïque dit reggae
Et qui dit reggae dit Bob Marley et donc visite de sa maison devenue musée et des fameux studios Tuff Gong qu’il a créé en Jamaïque pour s’affranchir de la pression des producteurs.
Alors, comme nous avions, en vain, cherché un lieu proposant des concerts reggae en live à Montego Bay, quand nous avons lu sur le guide que, tous les dimanches soir, des groupes se produisaient en public dans ces fameux studios, la décision d’y aller fut vite prise. Nous avons donc organisé notre périple sur l’île pour être au bon endroit au bon moment !
Échaudée par le nombre d’indications erronées sur les guides, je me mets en quête de l’adresse sur Internet. Je tape Tuff Gong et je trouve une adresse à Ocho Rios. Dès le vendredi, nous partons pour cette ville côtière et à notre arrivée, nous décidons d’aller vérifier la pertinence de l’adresse. Une bonne idée ma foi, car, tourne, vire, il n’y a pas l’ombre d’un studio ni à cette adresse ni à aucune autre à Ocho Rios !
Je vous jure que je n’avais pas fumé de ganja ou bu trop de rhum… simplement, quand j’ai tapé Tuff Gong, j’ai cliqué sur la première proposition qui, en fait, était «Tuff Gong Trading».
La deuxième proposition m’aurait conduite aux studios qui étaient de l’autre côté de l’île, à Kingston !
On en profite pour visiter Ocho Rios
Bon comme nous étions à Ocho Rios, nous avons mis à profit notre samedi pour visiter l’endroit, se faire défoncer les oreilles par les décibels dans un bar, déguster l’une des fameuses soupes jamaïcaines absolument délicieuses, aller admirer les eaux bleues de Old Spanish Bridge (non ce n’est pas un effet de style, l’eau est vraiment bleue), un lieu confidentiel au bord d’une rivière où les Jamaïcains viennent se rafraichir les week-ends...
Suite de notre recherche des studios Tuff Gong à… Kingston
Dimanche matin, direction Kingston ! Une fois arrivés sur place, nous cherchons les studios en rappelant à chaque croisement à Dominique « Gauche, Gauche » car, s’il est aisé de suivre une voiture qui roule à gauche, les habitudes sont susceptibles de s’inviter au moindre croisement et la voiture a alors, une fâcheuse tendance à se retrouver à droite de la chaussée !
Après pas mal de vaines tentatives (je vous l’ai dit on ne peut pas se fier à Internet !), ô miracle, nous finissons par trouver les studios dans une zone industrielle en dehors de la ville…
Nous déchantons rapidement car tout semble fermé et plutôt inactif !
Nous interrogeons le gardien, et nous apprenons que si nous sommes bien au bon endroit et que les studios fonctionnent toujours. Il va falloir oublier la visite et le concert car, de fait, ils n’en font plus depuis ce put*** de covid !
Bon, nous sommes à Kingston quand même, LA ville de Bob Marley et ce serait bien un comble si on ne pouvait pas assister à un concert live !!! Eh bien, comble ou pas, malgré nos recherches sur la toile, notre œil attentif à toutes les affichettes collées sur les murs, l’exploration de tous les lieux de concerts cités dans les guides, impossible de trouver un concert live !
Nous irons toutefois dans un bar mythique, perché dans la montagne et dominant toute la baie de Kingston, le Dub Club. Une bien belle soirée pleine de groove et de fumée de ganja ! C’est vrai qu’en Jamaïque on trouve des pieds de cannabis un peu partout mais, en réalité, il n’y a quelques années que c’est légal et seulement 5 pieds par personne sont autorisés !
Mais au fait, c’est quoi le rastafarisme ?
Contrairement à l’image générale véhiculée sur les rastas, ils ne sont pas qu’une bande de fumeurs de shit jouant du reggae et portant des dreads… En réalité, c’est un mouvement social, culturel et spirituel qui prône des valeurs de paix, d’amour, d’unité et s’oppose au racisme et à l’oppression des peuples, en particulier du peuple africain.
Se reconnecter à ses racines africaines
Marcus Garvey : le précurseur du panafricanisme
Le rastafarisme est apparu dans les années 1930 à la suite des travaux de Marcus Garvey, l’un des premiers leaders de la « cause noire ». Pour lui, les souffrances du peuple africain cesseraient avec la rédemption biblique et le retour en Afrique pour les descendants des esclaves.
Marcus Garvey est considéré comme l’un des précurseurs du panafricanisme, un mouvement politique qui prône la solidarité et la cohésion des états du continent africain afin de se débarrasser du passé colonialiste et rendre l’Afrique entièrement autonome et indépendante.
Haïlé Sélassié « Le messie noir » des rastas
Le nom du mouvement provient de « Rast Afari Makkonen », le nom que portait le négus d’Éthiopie, Haïlé Sélassié, avant son couronnement. Réputé être le descendant du roi Salomon et de la reine de Saba et roi du seul pays africain à n'avoir jamais été colonisé par les Européens, Haïlé Sélassié est considéré comme un messie par les rastas, un messie chargé de ramener le peuple africain sur son continent d’origine, cette Afrique devenue leur « Terre Promise ». Bien que ne s’étant jamais revendiqué du mouvement, Haïlé Sélassié s’est rendu en Jamaïque pour rencontrer les rastas.
Être rasta
Pratiques et lieux de culte
Il faut savoir que dans le rastafarisme, il n’y a aucune hiérarchie ou doctrine, seulement des idées communes partagées par tous les membres. Les rastas ne disposent pas de lieux de culte mais se réunissent lors des groundations pour prier, échanger des idées, chanter, jouer des percus.
Mode de vie
Le mode de vie des rastas varie selon les groupes et aucune pratique ne semble vraiment obligatoire si ce n’est qu’il est important de prendre soin de soi tant sur le plan physique que spirituel ; il faut croire en soi, favoriser son épanouissement en respectant les autres.
Musique : La musique tient une place importante, les rastas en jouent lors des groundations ; à l’origine, la musique jouée était le nyabighi mais avec le temps, elle a évolué dans certaines communautés rastas, en allant vers le ska, le rocksteady puis le reggae. Le reggae doit donc plus être vu comme un vecteur du message rastafarien que comme la musique originelle du mouvement.
Ganja : Les rastas fument de la marijuana, non pas dans un but récréatif mais pour méditer et entrer en communion avec Dieu qu’il nomme Jah. La ganja est considérée comme « une herbe de la sagesse servant à la guérison des nations ».
Dreads : Certains rastas ne se coupent pas les cheveux suivant en cela une pratique figurant dans les Saintes Ecritures, selon laquelle « le rasoir ne touchera pas la tête du juste ».
Vêtements : Il faut éviter de porter des vêtements ayant déjà été portés par d’autres et il convient de mettre en avant les couleurs du drapeau éthiopien, vert, jaune et rouge (voir explication un peu plus loin sur les couleurs).
Nourriture : Leur régime alimentaire, nommé I-tal (vital) est de type végétarien voir végétalien en évitant la viande, les excitants comme le café, l’alcool ainsi que tous les aliments préservés, aromatisés ou altérés chimiquement… L’idée est que « le corps ne doit pas être un cimetière ».
Polygamie: En lien avec sa fréquente évocation dans l'Ancien Testament, où la polygamie est possible et pratiquée par de nombreux personnages (David, Salomon, etc.), la polygamie compte des adeptes au sein du mouvement rastafari.
Refus de Babylone et antiesclavagisme
Je vous propose d’écouter cette chanson sous-titrée en français de Bob Marley
Pour les rastas, Babylone, c’est le symbole de l'esclavagisme et de tous ceux qui y participent, activement ou passivement.
Mais ce refus englobe aussi l’esclavage mental, l'injustice, la non répartition des richesses, l'oppression, tout nationalisme, les guerres et le non-respect de la nature.
Les couleurs noir, vert, jaune, rouge en Jamaïque
Ces couleurs sont très présentes en Jamaïque, on les trouve dans les rues (les marques sur les trottoirs, les maisons, les pavés, les plots de signalisation…) mais aussi sur les vêtements, les souvenirs... Le vert et le jaune sont toujours présents accompagnés de rouge et/ou de noir.
En fait, le trio vert, jaune, noir correspond aux couleurs du drapeau jamaïcain avec le vert pour les ressources naturelles et l’espoir, le jaune pour le soleil et la richesse du territoire, le noir pour se souvenir des difficultés du passé et les obstacles que le pays doit encore surmonter.
Ce sont aussi les couleurs du panafricanisme, couleurs que l’on retrouve d’ailleurs sur le drapeau de l’Union Africaine et celui de nombreux pays africains dont l’Éthiopie. Ce n’est donc pas un hasard si ce sont aussi les couleurs des rastas.
Le vert représente la nature végétale et animale, la terre fertile de l’Éthiopie, la Terre Promise, et il évoque aussi l’espoir, la santé et la stabilité. Pour les rastas plus précisément, le vert symbolise le royaume de Dieu sur terre. Le jaune lui, correspond aux richesses spirituelles et matérielles, parmi lesquelles l’or pillé par les colons ; le jaune est aussi associé à la joie de vivre, la légèreté, le soleil et la fraternité. Quant au rouge, il représente la force et le courage mais aussi le sang, celui versé par les esclaves pour la liberté, l’égalité des droits et la justice.
Bob doit se retourner dans sa tombe
Un musée bien loin de ses valeurs
Maintenant que vous en savez un peu plus sur le rastafarisme, vous comprendrez ce qui nous a choqué lors de notre visite de la maison de Bob Marley transformée en musée.
Déjà, le ticket d’entrée n’est pas donné (25 USD) par personne pour une visite chronométrée de 1 heure, guidée de bout en bout et pendant laquelle il ne vous est pas possible de déambuler tranquillement… Dès le début, votre guide vous expose les consignes : tout est sous surveillance vidéo, interdiction de prendre des photos même sans flash, et gare à vous, si vous vous faites prendre l’œil sur l’objectif, vous serez expulsé !
Et comme de bien entendu, la visite se termine par un passage obligatoire par la boutique proposant des articles de merchandising certes de bonne qualité mais à un tarif exorbitant pour le niveau de prix en Jamaïque ! De plus, l’histoire de la création de ce musée et de la gestion de l’héritage de Bob Marley est assez sordide, avec des histoires de testament falsifié par son épouse, des luttes intestines entre les différents membres de la famille… sans compter les manœuvres de Chris Blackwell (le patron de Inland Record appartenant à Universal Music) pour spolier les musiciens de Bob qui avaient cosignés bon nombre de chansons.
Franchement, vous trouvez que la statue le représente ?
J’ai personnellement eu le sentiment que ce musée ressemblait plus à une entreprise mercantile qu’à un lieu respirant les messages de paix, de justice, de partage et d’amour dont sont imprégnées les chansons de Bob ! Il doit se retourner dans sa tombe, lui qui dénonçait tous les mots en -isme comme le mot capitalisme ! Pauvre homme, lui qui était végétarien et respectait le I-tal, il a dû faire des triples saltos dans son cercueil quand Rita, son épouse, est allé jusqu’à envisager la création d’un Hamburger à son effigie !!!
C’est vraiment dommage car si nous avions pu faire la visite avec un audioguide en français et prendre le temps de nous imprégner du lieu, nous aurions surtout retenu que Bob Marley était empreint d’humanité et qu'il essayait de vivre selon ses principes ; nous aurions été émus par la visite du petit studio de cette maison où il a composé bon nombre de ses succès ; nous aurions pu nous plonger dans sa carrière en lisant les différents articles de presse affichés sur les murs.
Nous aurions pu être inspiré par l’engagement de cet homme qui n’a pas hésité à utiliser sa notoriété pour venir en aide aux populations africaines en participant à des concerts caritatifs, en soutenant des causes humanitaires et des luttes politiques comme celle de l’indépendance du Zimbabwe ou le mouvement contre l’Apartheid menée en Afrique du Sud par Nelson Mandela. Au lieu de cela, nous avons eu de la peine pour lui !
En savoir plus sur la vie de Bob Marley https://panafricaniste.com/la-vie-et-lheritage-de-bob-marley-legende-du-reggae-et-militant-social/
et la gestion de son héritage https://www.lesechos.fr/weekend/spectacles-musique/bob-marley-un-heritage-qui-suscite-toujours-des-convoitises-1224234
Le musée de Trench Town… nous a semblé trop risqué !
Bob Marley est né à Trench Town, l’un des quartiers les plus pauvres de Kingston. Cet immense bidonville, nommé « Concrete jungle » par Bob Marley, est un véritable ghetto où la plupart de ses 5000 habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Nous nous sommes rendus à Trench Town avec notre voiture de location dans l’idée de visiter la maison natale de Bob Marley devenue, elle aussi, un musée mais géré par des rastas.
Comme d’habitude, nous nous sommes perdus ! En sillonnant ce quartier, nous avons ressenti de l'hostilité dans les regards en particulier dans un endroit où il y avait comme d’immenses hangars recouverts de tôles abritant des étals et des échafaudages faits uniquement de palettes
Nous sommes allés devant le musée, mais il nous a semblé que ce n’était pas très sûr de laisser la voiture dans la rue et, ce qui nous est rarement arrivés, nous ne nous sommes pas sentis en sécurité et avons rebroussé chemin.
Un pays accueillant et généreux
À la suite du récit de notre visite à Trench Town, je ne voudrais pas que vous pensiez que la Jamaïque se limite à un sentiment d’insécurité, loin de là. Les gens sont, la majorité du temps, très accueillants même pour les étrangers que nous sommes et même dans des quartiers pauvres ou populaires.
De plus, c’est un pays qui se ressent comme généreux que ce soit par sa nature qui s’apparente à un immense jardin ou par le rapport au corps des Jamaïcains.
Lifeyard… enfin ex-Lifeyard : un accueil très différent de Trench Town
Pendant notre séjour à Kingston, nous sommes allés dans un autre quartier très pauvre où l’on ne peut accéder que par quelques rues, les autres accès étant barrés par des blocs de béton. Le guide touristique nous indiquait qu’au 41 Fleet Street, un projet innovant mêlant art et permaculture était mené par les habitants et des rastafaris. Malheureusement, si nous avons pu admirer les fresques peintes sur les murs délabrés du lieu, nous avons aussi appris par les habitants que le projet Life Yard n’avait plus cours (vous noterez que, encore une fois, le guide était obsolète !).
Nous avons pris une boisson avec des jeunes et leur mère. Ils nous ont parlé de la pauvreté du coin, mais aussi de leurs projets ; en particulier, l’un de jeunes élevait des poulets et il était très fier de nous expliquer la progression de sa petite affaire ; un autre avait fait un voyage aller/retour en avion je ne sais plus si c’est en Colombie ou au Panama… Nous ne lui avons pas demandé pourquoi, car nous savons que certains jeunes servent de mule pour les trafics illégaux et nous ne souhaitions pas mettre qui que ce soit mal à l’aise. Ce fut vraiment un bon moment, nous avons regardé les photos du bateau, de nos familles respectives dans un climat serein et convivial !
Parade et sa fourrière : merci du coup de main
Rien ne vaut les marchés pour ressentir un pays… ce qui nous a amené au quartier de Parade, un quartier très populaire et très animé. Dominique est un psychopathe pour mettre la voiture à l’ombre, il se stationne donc sous un arbre au bord de la grande place de William Grant Park… J’émets des doutes car nous sommes dans un quartier où il est conseillé de se méfier des pickpockets et je suggère que nous mettions la voiture au parking payant, certes en plein soleil mais gardé ! On me laisse entendre que je suis une trouillarde et nous partons explorer le marché…. Des étals de fruits, des légumes en veux-tu, en voilà, des marchands ambulants avec des espèces de charriots bricolés en palette, du bric-à-brac, des cuisines mobiles…
Bon désolée, nous n’avons pas beaucoup de photos et je vous déconseille fortement de faire des photos en Jamaïque sans demander l’autorisation préalable : j’ai voulu photographier des akees, ce fruit emblématique du pays, mais je me suis fait copieusement enguirlander par la vendeuse, qui m’a instamment priée d’en acheter si je voulais les photographier… donc imaginez ce que je me serais pris, si je l’avais photographiée elle !
Après avoir exploré la place et les rues adjacentes, négocié un mélange local d’épices appelé jerk, acheté quelques cadeaux pour nos enfants et petits-enfants, nous retournons à la voiture… mais force est de constater que sous l’arbre, il n’y a plus de voiture ! Je pense direct qu’elle a été volée, « je l’avais bien dit ! ».
J’avais tort car après enquête auprès des marchands qui étaient à proximité, nous comprenons qu’elle a été enlevée par la police car dans une zone interdite au stationnement ! Heureusement, un gars qui trainait par-là, propose d’accompagner Dominique à la fourrière qui, fort heureusement, n’est pas très loin. Avec Violaine, nous restons sur place pour l’attendre, mais comme il n’y a rien pour s’assoir et que l’on a déjà bien crapahuté, nous nous dirigeons vers des arcades pour essayer de trouver de quoi reposer mes gambettes.
Dès la première boutique, je vois un magnifique fauteuil en plastique qui me tend ses accoudoirs, je demande gentiment à la dame qui tient la boutique si je peux y poser mes fesses ! Pas de problème, nous discutons ensemble, elle confirme que la voiture est bien à la fourrière et que nous pouvons rester ici le temps que nous voulons… J’en ai profité pour lui acheter une magnifique tunique made in Jamaïca ! Il a fallu longtemps, pratiquement 2 heures, pour que Dominique récupère la voiture après avoir dû se balader de bureau en bureau et s’être délesté de quelques 7500 Dollars Jamaïcains soit environ 400 €…
Au-delà de l’anecdote, je voudrais juste vous dire que si vous suivez les guides, vous n’irez que dans les quartiers réservés aux touristes, vous ne verrez que ce que l’on veut que vous voyiez… Déjà que, finalement, on ne fait qu’entre-apercevoir les pays, alors si l’on se cantonne aux lieux touristiques, on ne voit pas la vraie vie mais seulement une carte postale. Oui, certains endroits sont à éviter, que ce soit pour les locaux ou les étrangers, mais tous les quartiers populaires ne sont pas aussi dangereux que ce que l’on dit, on peut souvent y aller en prenant quelques précautions (n’avoir qu’une copie du passeport et pas l’original, du liquide en quantité raisonnable, porter son sac devant le corps et pas dans le dos, éviter les zones désertes, la nuit…) mais surtout en observant et en faisant confiance à notre ressenti. La Jamaïque (et plus particulièrement Kingston) souffre d’une réputation d’insécurité très forte et pourtant, le seul endroit où nous l’avons ressenti, est finalement Trench Town.
Un immense jardin
Un jardin nourricier où l'on se sent si bien
Ici la nature ressemble à un immense jardin avec des arbres fruitiers croulant sous les fruits (mangues, noix de coco, bananes et tous ceux dont j’ignore le nom), avec une multitude de légumes dont les formes et les couleurs variées donnent un air de fête au moindre marché. La végétation des Blue Montains est fabuleuse, luxuriante, débordante, des plantes grimpantes, érigées, tapissantes, des verts les plus clairs aux plus foncés, des crèmes, des ivoires et de-ci, de-là, les rouges, les jaunes, les violets des fleurs…
Parfois, la jungle peut sembler étouffante et un peu dangereuse, mais ici, rien de cela, peut-être parce la végétation y est moins dense et qu’il y fait plus frais du fait de l’altitude… Dès que vous vous posez, le bruit des oiseaux vous accompagne ! Je pense que si le jardin d’Éden existe, il doit ressembler à la Jamaïque !
Le café Blue Mountain : l'un des plus chers cafés du monde aux mains des japonais
Mais des loups rôdent encore autour de ce magnifique jardin et ils ont jeté leur dévolu sur le café Blue Montain, un café d’exception qui pousse sur un minuscule terroir en altitude. C’est un produit de luxe, rare (de 900 à 1300 tonnes par an), réputé comme l’un des plus prisés et des plus chers du monde avec des prix de l’ordre de 150 à 400 € le kilo. En l’occurrence, les loups ce sont les Japonais qui ont acheté des plantations et revendent le café à prix d’or dans l’Ile du Soleil Levant…
Ils ont beau arguer que c’est une institution au Japon (https://bartalks.net/fr/japons-amour-pour-jamaican-blue-mountain-cafe/), qu’ils ont sauvé les plantations qui avaient été très endommagées par des ouragans et qu’ils offrent de meilleures conditions de travail, je trouve quand même un peu fort (de café !) que les Jamaïcains ne profitent que très peu de ce nectar puisque la majeure partie de la production (de l’ordre de 80%) est exportée, principalement au Japon !
Petits veinards que nous sommes, nous avons eu la chance d’en déguster pendant notre séjour aux Blues Mountains, car Bob, le propriétaire rasta du lieu perdu dans la montagne où nous logions, cultive ce café à flanc de montagne et il nous en a préparé tous les matins pour notre petit déjeuner ! Délicieux et subtil !
Des corps aux formes généreuses et assumées
Vous vous souvenez des crop tops, ces petits hauts qui laissent voir le nombril et qui ont été interdits dans les écoles françaises en faisant les choux-gras des journaux ! Ici, cela ne risque pas d’arriver car le rapport au corps est très différent de celui plutôt coincé qui sévit en Europe et qui complexe tant de personnes ! Ici, les corps se montrent et se meuvent en se foutant totalement de leur corpulence. La population est assez souvent en surpoids et peu importe si les bourrelets ou la cellulite sont visibles, même les femmes rondes portent des mini-jupes, des shorts et des leggins et les ventres de ces messieurs sont bien mis en évidence par des tee-shirts près du corps ! D’ailleurs ici, pas de mannequins filiformes pour présenter les vêtements à la vente mais des cintres fabrication maison bien plus conformes aux silhouettes locales ! Même les statues de Emancipation Parc (dont la nudité a par ailleurs fait polémique) et les panneaux "Attention enfants" sont bien en chair !
Comments