top of page
  • voiliershazzan

Aparté sur les joies et les galères de la navigation!

Dernière mise à jour : 4 sept. 2023

Pour une fois, je ne vais ni suivre l'ordre chronologique ni vous parler d'un pays mais vous emmenez sur l'eau...


Depuis la terre, on imagine souvent que la vie en voilier n'est faite que de mouillages de rêve, de découvertes, de rencontres et c'est vrai que nous vivons cela mais pas seulement ! Car la vie en voilier, c'est aussi une attention permanente aux prévisions météo qui s'avèrent souvent plus ou moins décalées avec la réalité, le choix des mouillages (est-ce que nous serons bien abrités, quelle est la nature des fonds et est-ce que notre ancre y tiendra bien...), les stratégies de navigation (quand part-on pour arriver de jour à destination, quelle route suit-on en fonction des courants, du vent, de la topographie des fonds...) et bien sûr l’entretien permanent du bateau !


Les pannes du fait de l'air salin et des mouvements permanents sont fréquentes et trouver la pièce de remplacement ou le professionnel qui sait faire devient vite un casse-tête quand on voyage... ce que vous comprendrez avec l'histoire de Rudy, le capteur d'angle de barre de notre pilote automatique !


Pour illustrer les joies et les galères du voyage à la voile, je vais vous raconter (parfois de manière, je m'en excuse, un peu décousue), le côté "coulisses" de notre périple du Guatemala vers La Colombie !


Choisis ta route, choisis ton chemin

Tiens on irait bien là.

Je ne vais pas vous faire un cours magistral sur la navigation ou sur la circulation des masses d'eau et d'air sur la planète mais sachez que naviguer d'Est en Ouest permet de bénéficier de vents portants qui rendent la navigation plus facile. Alors beaucoup de voyageurs à la voile font le tour du globe en suivant une route d'Est en Ouest à une latitude tropicale.


Mais comme nous sommes des incorrigibles que la vie dirige comme le vent une plume, nous ne parvenons pas à suivre les itinéraires balisés.


- Mais si vous voulez aller en Patagonie, que faites-vous aux Caraïbes et pourquoi ne pas avoir fait la transat directement vers le Brésil car maintenant pour y aller ça va être la galère ! - Oui, c'est bien vrai mon bon monsieur, mais comment dire "non" quand une dentiste cubaine exerçant en Gambie nous demande si nous pouvons embarquer des affaires à remettre à sa mère à Cuba... !


Et voilà, c'est aussi comme ça que nous sommes allés montrer le bateau à notre famille en Vendée (2 traversées du Gascogne à la clé !!!) et que nous avons découvert (avec bonheur !) La Gambie pour y déposer les prothèses de jambes recyclées de l’association Nav'Solidaire.


Nous avons aussi mis le cap sur La Guadeloupe pour y voir des copains, puis sur les Bahamas parce que Fabien devait nous rejoindre à Cuba et qu'avec la guerre en Ukraine, nous n'étions pas certains ne pouvoir y entrer....


Et pour le Guatemala, me direz-vous ? Ma foi, c'est parce que nous avions rêvé un petit matin d'hiver au port de Corbières en regardant une vidéo du Rio Dulce posté par "Manu et Martin autour du monde" !


Et ensuite, il faut assumer !

Du coup,on navigue un peu plus souvent au près et même parfois on se retrouve au mauvais endroit vis-à-vis de la prochaine destination que nous souhaitons atteindre... Alors on étudie, on se renseigne, on discute entre nous et parfois il faut se résoudre à prendre la mer en sachant que ce qui nous attend ne va pas être facile, facile.... comme ce sera le cas en décembre quand nous partirons de Colombie pour aller au Brésil !



Et oui ! Que voulez-vous nous ne sommes pas toujours emprunts de bon sens (dans tous les sens du terme) comme vous pourrez le constater en regardant où se trouvent la Colombie et le Brésil sur les cartes des vents et courants dominants sur la planète terre.


Nous allons devoir remonter jusqu'à Saint-Martin puis faire une belle boucle en atlantique pour atteindre le Brésil... une grande partie au près (donc bateau penché !)


De toute façon, les plans changent tout le temps !

Vous venez avec nous ?

Mais en attendant de partir pour le Brésil, retournons au Guatemala. Nous sommes en mars 2023 et nous prévoyons de partir vers les îles de la Baie au Honduras pour y plonger (sites très réputés) puis vers le Panama et la Colombie. Mais comme nous l'avons déjà évoqué, nous avons vraiment sympathisé avec la famille Pikaia et quand Gaëlle nous a dit sous le mode de la boutade "Pourquoi ne remontez-vous pas avec nous sur Cuba via le Belize et le Mexique, on pourrait naviguer ensemble et cela vous permettrait de revoir vos amis cubains"... nous n'avons pas hésité bien longtemps et nous nous sommes même demandé pourquoi nous n'y avions pas pensé nous même ! Mais bien sûr que c'est une excellente idée Gaëlle !


Mais pour découvrir la suite, il faut partir !

Avec mon amie Edolia à la fête de l'école de sa fille Maria

Mi avril, nous avons donc quitté le Guatemala et je vous avoue que dire au revoir à mon amie Edolia a été un moment difficile et très émouvant pour elle comme pour moi.


Nous savions toutes les deux qu'il y a peu de chances que nous nous revoyions un jour. Ainsi va la vie du marin voyageur et nous avons en 2023, l'immense chance d'avoir un réseau internet qui nous permet de garder le contact !



Nous avons choisi de voyager et à chaque rencontre, j'ai conscience de son côté physiquement éphémère ce qui ne m'empêche nullement de la vivre pleinement. J'essaie de me laisser guider par mon instinct et de m'affranchir des précautions et des périodes d'observation mutuelle qui sont généralement de mise quand le temps ne nous est pas compté ; quand on voyage, si l'on se se sent en confiance, on noue rapidement une relation forte, on se dévoile plus spontanément pour se connaître plus vite et profiter de chaque instant. Mais j'ai beau y être préparée, les adieux sont toujours un moment que je redoute et qui me donne du chagrin !


Au menu : patates, tapis roulant et dérapages !

Nous avons donc quitté le Guatemala fin avril pour une remontée vers la côte Sud de Cuba avec cabotage au Belize, puis navigation de quelques jours jusqu'à Mexique (Cozumel et Isla Mujeres) avant d'attaquer une partie plus difficile vers Cuba (tiens bizarrement, on va aller à contre-sens d'Ouest en Est !!!).


Il y a les patates mi figue, mi raisin !

Naviguer au Belize, c'est être certain de se poser chaque soir dans de jolis mouillages au bord d'une petite île déserte avec cocotiers, sable blanc et fonds marins riches de vie entre corail, petits invertébrés, poissons multicolores et même requins ! Mais naviguer au Belize c'est aussi la crainte d'un arrêt surprise sur une caye à fleur d'eau comme cela est arrivé à Pikaïa !

Pikaïa et Shazzan bord à bord

L'équipage de Pikaïa est extrêmement compétent. Manu, Gaëlle, Renan et Jules vivent sur leur bateau depuis une petite dizaine d'années et ils sont passés par la Patagonie, ce qui leur a forgé une solide expérience. Mais il y en a tant de cayes dans les fonds du Belize que la cartographie ne peut pas toutes les mentionner et se contente de quelques petites * pour indiquer leur présence !


Cela aurait pu nous arriver de la même manière, nous avons juste eu plus de chance qu'eux ! Ils n'ont rien abimé et ce fut l'occasion pour nous d'apprendre comment s'en sortir seul avec une ancre arrière ! Cela nous a déstressé pour la suite mais pas totalement comme vous le verrez plus loin dans cet article.


Les moments de grâce...

Malgré le risque omniprésent de s'échouer, la navigation au Belize a été très agréable, nous étions à l'intérieur de la barrière de corail et donc si nous avons pu bénéficier du vent du large, nous n'avons pas subi son effet sur la mer, qui par tout temps reste plate !



Un vrai bonheur pour la navigation, au moindre souffle le bateau file à vive allure pour le plus grand plaisir de l'équipage !



On est au taquet pour régler les voiles aux petits oignons, on se sent en harmonie avec les éléments, on parle à Shazzan pour l'encourager et partager notre joie et on redevient des enfants émerveillés quand un banc de dauphins vient nager à l'étrave !



Une fois parvenus au nord du Belize, nous avons passé la vitesse supérieure pour rejoindre le Mexique. Nous étions comme sur un tapis roulant, le courant nous conduisant rapido presto à l'île de Cozumel (record battu pour Shazzan avec plus de 180 Mn dans la journée).


Voilà une vidéo de Shazzan prise par Pikaia au Belize



Si vous regardez bien, vous verrez que nous sommes 3 à bord, car Violaine a été notre invitée pour 5 mois en remerciement des bons soins qu'elle avait apporté à Shazzan lors de sa préparation avant le grand départ !


Les navigations musclées

Bon si la navigation du Guatemala à Isla Mujeres a été une partie de plaisir, pour ne rien vous cacher, la suite a été un peu plus musclée et difficile. Et ce serait mentir si l'on vous disait que c'était pour amener des difficultés progressives au programme de formation de notre équipière !


De Isla Mujeres à Cuba, déjà le vent et les courants n'étaient plus nos amis mais quand ils se sont associés à quelques orages bien dodus, la navigation est devenue pour le moins sportive ! Des vagues cassantes, un bateau qui gite copieusement, le vent qui refuse (part dans une direction qui nous fait nous éloigner de notre route)... Dans ces conditions, tout devient difficile, même aller faire pipi... Allez-y, essayez de remonter votre culotte sans vous cogner et vous casser la figure quand vous êtes brinquebalés de tous côtés ! Heureusement, le corps s'habitue et finalement on arrive même à dormi. On reste zen car on sait que ça a un début... et une fin !


Les dérapages non contrôlés

La plupart du temps notre ancre se fiche dans le sable, le poids de la chaîne fait le reste et nous passons des nuits paisibles. Mais lors de notre dernier mouillage pendant notre navigation vers Carthagène des Indes, le niveau de stress est bien monté ! C'était en pleine nuit lors de l'un de ces orages appelés localement Culs du Poulet pendant lesquels le vent monte subitement très fort et tourne dans tous les sens. Nous étions à l'île de Tintipan et vers 3 heures du matin, un Cul de Poulet est venu nous souffler un pet magistral !

Là nous avons eu chaud aux fesses et Shazzan aussi car sa coque est venu faire frotti-frotta avec des hauts fonds !


Je n'oublierai jamais ce bruit qui m'a déchiré le cœur car même si les aventures de Pikaïa nous avaient un peu déstressés sur les échouages, Shazzan c'est notre petite planète. Vous allez sûrement nous trouver un peu fous nous les marins, mais nous parlons à notre bateau comme si c'était une personne, nous en prenons soin avec la conviction profonde et intime qu'il compte sur nous comme nous comptons sur lui.


Ouf ! Pas d'eau dans les fonds

Je crois que le sentiment qui m'a animé lorsque j'ai entendu ce bruit terrible ressemblait à ce qu'une maman ressent quand son enfant tombe, elle se précipite pour le soigner comme je me suis précipité avec Violaine pour soulever les planchers et voir s'il était blessé !



Heureusement, Dominique avait eu le temps de remonter la dérive et le safran et son adresse à la barre nous a permis rapidement de sortir de ce mauvais pas. Finalement, c'est une bonne idée de toujours laisser les clés sur le démarreur !




Dès que le vent a légèrement faibli, nous avons décidé de lever l'ancre... Imaginez nous tous les 3 en slip, gilet de sauvetage et tee-shirts pour les filles, sous une pluie battante, dans la nuit noire zébrée d'éclairs et avec une ambiance sonore digne d'un film d'horreur entre le sifflement du vent, les coups de tonnerre, le claquement de la pluie sur le pont et les vrombissements du moteur que nous devions pousser pour contrer les rafales... Moi à la barre concentrée sur l'environnement et ce qui se passe à l'avant, Dominique et Violaine au guindeau, l'un remontant la chaîne à la télécommande tout en surveillant son orientation et sa tension pour me donner les indications avec des signes de bras me permettant de gérer la direction à suivre et la puissance moteur, l'autre à 4 pattes rangeant la chaîne au fur et à mesure dans la baille à mouillage pour éviter qu'elle ne se mette en tas et ne bloque la remontée !


Nous n'avons pas eu le temps d'avoir peur car nous étions dans l'action, chacun sachant ce qu'il avait à faire. La barre était tellement dure avec le safran remonté et la mer agitée que j'ai eu de belles courbatures aux épaules et aux gambettes !


Heureusement, plus de peur que de mal mais notre nuit était bel et bien finie. Nous avons mis le cap sur Carthagène-des-Indes en surveillant régulièrement l'éventuelle présence d'eau dans les fonds de notre cher Shazzan !


Et les pannes bien sûr

Un petit bout de plastique sur le pont : il va falloir mener l'enquête !

Vivre en bateau c'est surveiller et réparer les trucs qui rouillent, les machins qui grippent, les connexions électriques qui se corrodent, les fermetures qui lâchent, les joints qui laissent perler une première goutte d'eau, les bouts (cordages) qui raguent...


L'entretien d'un bateau est un travail sans fin !


On est toujours aux aguets, Dominique fait son tour d'observation sur le pont tous les matins dès que les conditions le permettent ; ici un petit bout de plastique, il faudra monter au mât pour trouver d'où il vient ; là, la drisse est un peu usée, il faudra la protéger à la prochaine escale et surtout comprendre pourquoi !


Des gouttes de vernis à ongle : un moyen rapide de vérifier que ce n'est pas desséré

Nous savons que plus nous anticiperons en décelant les petites faiblesses dès qu'elles apparaissent plus nous éviterons les galères.


Alors chacun de nous observe, écoute, surveille et nous tenons une liste des choses à réparer/protéger/améliorer à la prochaine escale. Nous ne pouvons la plupart du temps compter que sur nous même alors il faut savoir faire un maximum de chose : mécanique, bricolage divers et variés, couture, électricité, électronique, plomberie, menuiserie, matelotage...


Mais parfois, la pièce est définitivement cassée comme ce fut le cas à Cuba pour notre rudder, une pièce indispensable du pilote automatique !



L'embarquement compliqué et fastidieux de Rudy 2

Adieu Rudy 1, on t'aimait bien tu sais !

Je vous présente notre capteur d'angle de barre rotatif, rudder en anglais et rebaptisé Rudy sur Shazzan. Rudy, c'est un petit truc de 15 cm de long mais d'une utilité incommensurable. En effet, le travail de ce petit machin est d'envoyer au calculateur du pilote automatique les informations sur la position du safran (et donc de la barre), infos indispensables pour que ce cher pilote tienne le cap. Donc pas de Rudy, pas de pilote automatique et en conséquence, obligation de barrer tous temps, c'est à dire 24h /24h et par toutes les météos !



Un pilote de fortune à la Moitessier

A Cuba, pas de rudder (déjà, qu'on a du mal a y trouver les produits alimentaires de base, un rudder, même pas en rêve). Et, nous devons nous rendre à l'évidence, il n'y en a pas plus en Jamaïque, notre prochaine destination ! Comme dans un jeu télévisé que les plus anciens d'entre nous n'auront pas oublié, nous décidons de faire appel à un ami et nous appelons Pierre-Jean (l'expert qui suit Shazzan depuis la France) pour qu'il nous en expédie un à la Jamaïque.


Il nous a donc fallu être à la barre pendant toute la traversée Cuba-Jamaïque ! Cela n'a pas été de tout repos même si le système d'élastiques imaginé par Moitessier (merci Christine d'avoir lu les ouvrages de ce grand navigateur) nous a quand même facilité la tâche.



Welcome on board, Rudy 2, enfin, si on y arrive !

Chouette, tout s'arrange bien, le colis est en route et nous devrions recevoir notre nouveau petit "Rudy" quelques jours après notre arrivée en Jamaïque. Effectivement, la marina de Montego Bay nous indique à la date prévue que DHL est venu nous déposer... un papier!


Et là, nous comprenons que ça va être compliqué... Car ils ne vont pas livrer Rudy 2 comme ça, il va falloir lui faire passer la frontière à ce petit machin !


Un petit schéma est parfois plus explicite qu'un grand discours !




Bon en résumé, l'arrivée à bord de Rudy 2, c'est :

  • un nombre incalculable de coups de fil/mails passés en anglais, français et espagnol

  • des heures de recherche sur Internet

  • 2 jours de démarches pour l'importation

  • pratiquement 15 km à pied

  • un coût multiplié par 3 par rapport au prix d'achat en France

  • et un immense merci à Pierre-Jean.

Qu'est ce qu'on ne ferait pas pour Rudy !

Mais bon, je vous laisse car comme vous pouvez le voir ci contre, il est temps d'aller nettoyer l'appartement de Rudy 2 !

187 vues1 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page